Les émissions de GES vues au travers de la consommation
Pour appuyer son analyse, l'étude britannique calcule les émissions de gaz à effet de serre de chaque pays selon sa consommation et non plus selon sa production. L'étude ne remet toutefois pas en question le système classique de calcul des émissions de GES qui se base sur la production. Mais selon ses auteurs, une vision basée sur la consommation raconte une autre histoire… ''Le rôle signifiant des consommateurs est souligné si l'on regarde les émissions non plus de la production mais de la consommation''. Une part importante de la production de certains pays, ''les usines du monde'', est en effet destinée à l'exportation quand d'autres ont délocalisé en partie leur production. Ainsi, le Japon voit ses émissions augmenter de 26 % si l'on prend en compte sa consommation et non plus seulement sa production. Les Etats-Unis voient leur impact sur le climat augmenter de 8 %. La Chine s'allège au contraire de 20 %…
L'étude en déduit qu'il faut redonner au consommateur un rôle central dans les solutions à mettre en œuvre : ''de nombreuses stratégies de lutte contre le changement climatique voient le consommateur seulement comme une partie du problème. Ils sont pourtant la clé du changement''.
Le rôle crucial du consommateur
Selon l'étude, l'intérêt de passer par le consommateur pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est multiple. Cela n'implique pas de coût supplémentaire, l'impact peut être immédiat et durable. Cela peut stimuler la compétition pour une économie plus vertueuse et pousser les gouvernements à mettre en œuvre des politiques engagées dans cette voie.
Les auteurs identifient cependant des obstacles au changement de comportement des consommateurs. Tout d'abord, il s'agit de changer de modèle culturel : la consommation de masse est profondément ancrée dans les mentalités, d'autres valeurs doivent être promues. Chantal Jouanno livre la même analyse : ''la consommation a longtemps été considérée comme un accomplissement personnel''. L'éducation, la sensibilisation sont donc essentielles. Mais pas seulement.
La disponibilité des produits vertueux, leur prix souvent plus élevé et le manque d'information constituent également des freins à une consommation plus responsable. Selon l'étude britannique, il revient aux pouvoirs publics de lever ces barrières via la réglementation, les incitations... ''Le consommateur a besoin d'être mieux informé. 72 % des Français se déclarent favorables à un étiquetage écologique, note Chantal Jouanno. Autre obstacle : ''le prix. Il faut développer l'offre pour abaisser les coûts. Aujourd'hui, seuls 297 produits sont labellisés et 2 % des surfaces agricoles sont biologiques. Il faut également développer les incitations. Nous nous battrons au niveau européen pour obtenir une TVA à 5,5 % pour les produits vertueux''. Cependant, pour la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, ''l'Etat peut créer les conditions favorables, le cadre global mais ne peut pas s'immiscer dans les choix de vie des consommateurs''. C'est donc à eux seuls de prendre la mesure de leur pouvoir et de changer de modèle.
Pour une autre vision de la production
La vision de la production doit également évoluer. ''Jusqu'à aujourd'hui, la plupart des efforts technologiques pour lutter contre le changement climatique étaient tournés vers la ''décarbonisation'' du poste énergétique. Mettre le consommateur au cœur de la solution pourrait ouvrir de nombreuses opportunités aux entreprises pour concevoir, produire et distribuer des produits vertueux.(…) Si les innovations sont dirigées vers le consommateur, l'effet de chacune d'entre elles peut être amplifié des millions ou des milliards de fois'', note l'étude britannique. Et de donner l'exemple d'un fabricant de lave-linge dont le produit est utilisé 125 milliards de fois par an : ''une simple innovation appliquée des milliards de fois peut avoir un impact énorme'', constatent les auteurs.
L'étude conseille de prendre en compte le cycle de vie des produits afin de mieux identifier les points noirs des produits, du berceau à la tombe, et donc les pistes d'action. Ainsi des analyses de cycle de vie réalisées par le distributeur britannique Tesco montrent que 67,5 % des émissions de GES d'une lessive sont produites lors de l'utilisation contre 21 % lors de la production, alors que le lait est plus impactant lors de sa production (73 %) que lors de sa consommation (3 %). Identifier ces ''hot spots'' permettrait de mieux agir au niveau de la production mais aussi de la consommation. Changements de process de production, de fabrication, réorganisation de la logistique (transport, distribution, stockage), recyclage, réemploi… seraient alors des pistes à envisager pour rendre le produit et son usage plus vertueux.