En vue d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en France, le secteur du bâtiment doit réduire ses émissions de 50 % d'ici à 2030 et atteindre, en moyenne, le niveau de performance « Bâtiment basse consommation » (BBC) dans les trente prochaines années.
« Un défi colossal, qui demande d'aligner l'ensemble des politiques publiques autour d'un double enjeu : une accélération sans précédent du rythme des rénovations énergétiques et une massification des rénovations performantes, un marché encore embryonnaire aujourd'hui », souligne Andreas Rüdinger, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Il est le coauteur d'un rapport, publié le 19 mai avec l'Agence de la transition écologique (Ademe), qui formule des recommandations pour accélérer la rénovation énergétique des logements privés.
Sécuriser les investissements en faveur des rénovations performantes
Pour les cinq ans à venir, le président Emmanuel Macron se fixe de rénover au moins 700 000 logements par an, en misant sur son aide « phare » MaPrimeRénov', octroyée aux propriétaires (occupants ou bailleurs). Les auteurs saluent cette prime qui a permis de financer près de 650 000 projets de rénovation énergétique pour la seule année 2021, dont 63 % portés par des ménages aux revenus modestes ou très modestes. Mais la prime finance principalement le remplacement de chaudières ou, dans une moindre mesure, des travaux d'isolation, tandis que les rénovations performantes et globales, qui sont « de qualité », indiquent les auteurs, « restent encore marginales ».
Néanmoins, « le débat reste ouvert sur le niveau de financement public nécessaire ou souhaitable », ajoutent-ils. Selon I4CE, plus de 30 milliards d'euros d'investissements additionnels seraient ainsi nécessaires chaque année pour développer spécifiquement les rénovations globales. De son côté, la mission, pilotée par Olivier Sichel, avait évalué à 9 milliards d'euros les subventions publiques nécessaires pour rénover chaque année 500 000 passoires énergétiques vers le niveau BBC, rappellent les auteurs.
Structurer la filière professionnelle
Les experts s'interrogent aussi sur la capacité de la filière professionnelle à répondre à l'objectif de massification des rénovations énergétiques performantes, sur le plan quantitatif (nombre d'emplois) et qualitatif (formations et compétences). En effet, sur un total de 65 000 entreprises certifiées « reconnu garant de l'environnement (RGE) », moins d'une centaine affichent la certification « rénovation globale », relèvent les auteurs. « Un chiffre à comparer aux 400 000 à 700 000 (après 2030) rénovations performantes qui devraient être réalisées chaque année », ajoutent-ils.
De même, le chiffrage des emplois actuels et des besoins à venir peut diverger d'une source à l'autre, notent les auteurs. Par exemple, l'étude du collectif Rénovons estime que la rénovation performante de 6,7 millions de passoires thermiques pourrait générer 93 000 emplois à temps plein. À comparer aux 192 000 emplois de la filière recensés dans le baromètre 2019 de l'Ademe sur les emplois verts. « La faible structuration du marché des rénovations performantes reste le talon d'Achille des politiques de rénovation, qui se focalisent aujourd'hui principalement sur la demande », déplore Andreas Rüdinger. « La difficulté à massifier les rénovations énergétiques s'explique en partie par l'absence de message clair sur les évolutions à venir pour rendre compatible la trajectoire de rénovation avec les objectifs 2050, et la faible crédibilité des signaux envoyés aux acteurs du marché », estime le chercheur.
Par conséquent, les experts appellent l'État à intégrer ces enjeux dans une nouvelle feuille de route de la rénovation énergétique planifiée sur dix à quinze ans. Une belle occasion à saisir pour le nouveau gouvernement qui se targue d'organiser la planification écologique et énergétique.