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La Commission européenne s'attaque à la déforestation importée

Bruxelles a présenté, ce 17 novembre, une proposition de règlement pour enrayer la dégradation des forêts imputable à l'UE. Elle vise à garantir l'importation de produits sans lien avec la déforestation. Des échappatoires semblent toutefois possibles.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
La Commission européenne s'attaque à la déforestation importée
Actu-Environnement le Mensuel N°422
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°422
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« Pour que la lutte contre les crises liées au climat et à la biodiversité soit un succès au niveau mondial, nous devons prendre la responsabilité d'agir aussi bien chez nous qu'à l'extérieur », a déclaré Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l'Europe. L'exécutif européen a présenté, ce mercredi 17 novembre, une proposition de règlement (1) visant à enrayer la déforestation.

« Avec cette initiative pionnière, l'UE montre qu'elle veut donner l'exemple : elle franchit une étape décisive en allant au-delà de la déforestation illégale pour s'attaquer à tout déboisement dû à l'augmentation des terres agricoles pour la culture des produits couverts par le règlement », expliquent les services de la Commission. Il s'agit de « la première loi au monde qui va mettre fin à la déforestation importée », se félicite Pascal Canfin, eurodéputé et président de la commission environnement du Parlement européen. Mais si l'initiative est plutôt bien accueillie, plusieurs ONG en pointent aussi les insuffisances.

Soutien public

La Commission avait reçu plusieurs signaux positifs pour présenter une législation ambitieuse en la matière. Le plus important a sans nul doute été le succès rencontré par la consultation publique lancée sur cette proposition en septembre 2020. Elle a recueilli plus de 1,2 million de contributions, soit la deuxième consultation la plus populaire dans l'histoire de l'Union européenne.

Bruxelles semble avoir pris acte de l'urgence du problème. « Entre 1990 et 2020 seulement, le monde a perdu 420 millions d'hectares de forêts, une superficie plus vaste que celle de l'Union européenne », rappelle la Commission en se fondant sur des estimations de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Et l'UE n'est pas en reste dans ce phénomène. Il s'agit même d'un cancre, rappelle le WWF France. « En 2021, l'UE reste le deuxième plus grand importateur de matières premières liées à la déforestation et à l'origine de 16 % de la déforestation associée au commerce international. Elle se place ainsi après la Chine (24 %), mais devant l'Inde (9 %), les États-Unis (7 %) et le Japon (5 %) », détaille Pierre Cannet, directeur du plaidoyer de l'ONG.

“ En 2021, l'UE reste le deuxième plus grand importateur de matières premières liées à la déforestation. ” Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF

Mécanisme de diligence raisonnée

Les règles que la Commission propose visent à garantir que « les produits achetés, utilisés et consommés par les citoyens sur le marché de l'Union ne participent pas à la déforestation et à la dégradation des forêts dans le monde ». Pour cela, le règlement prévoit la mise en place d'un mécanisme dit de « diligence raisonnée » permettant de n'accepter sur le marché communautaire que des produits conformes à la législation du pays d'origine et n'ayant pas contribué à la destruction ou à la dégradation d'espaces forestiers.

Les produits concernés sont les six produits de base les plus souvent associés à la déforestation : soja, viande de bœuf, huile de palme, bois, cacao et café, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir, le chocolat et les meubles. La Commission prévoit une mise à jour de la liste des produits de base en fonction de l'évolution des modèles de déforestation. Les entreprises souhaitant mettre les produits de base sur le marché de l'UE devront collecter les coordonnées géographiques des terres où ils ont été produits. « Un excellent point qui devrait faire l'objet d'un intense bras de fer avec les grands négociants internationaux (Cargill, Bunge, Louis Dreyfus) qui refusent jusqu'à présent d'avancer sur ce point », se félicite l'association Canopée.

La Commission compte utiliser un système d'évaluation comparative pour classer les pays en fonction du risque de déforestation et de dégradation des forêts qui leur est associé. Les obligations seront simplifiées pour les produits provenant de pays à faible risque tandis que les contrôles seront renforcés pour ceux provenant de zones à haut risque. Mais ce sont les États membres qui seront responsables de l'application effective du règlement. Ils pourront toutefois avoir recours à « un nouveau système numérique (le « registre ») qui centralisera les informations pertinentes sur les produits de base et les marchandises mis sur le marché de l'UE, comme les coordonnées géographiques et le pays de production, en vue d'améliorer l'efficacité de l'intervention », précise la Commission.

La mise en œuvre de cette législation devrait permettre, à terme, d'éviter l'émission dans l'atmosphère « d'au moins 31,9 millions de tonnes métrique de carbone ». Ce qui pourrait se traduire par « des économies d'au moins 3,2 milliards d'euros par an », estime Bruxelles.

Pas de garde-fous relatifs aux droits humains

Si l'initiative est saluée, plusieurs parties prenantes pointent toutefois des lacunes, qu'ils espèrent voir combler lors de l'examen du texte par le Parlement et le Conseil, qui doit débuter lors de la présidence française de l'UE, à partir du 1er janvier prochain. « Le champ de la législation sera l'un des sujets chauds des négociations. Je me battrai pour qu'il soit le plus ambitieux possible, par exemple en faisant en sorte qu'une matière première comme l'hévéa utilisée pour fabriquer le caoutchouc, et qui est l'une des premières causes de déforestation en Asie du Sud-Est, y soit aussi intégrée », annonce Pascal Canfin.

La liste des produits concernés fait aussi partie des insuffisances pointées par le WWF. « Si les règles s'appliquent au bœuf, elles doivent s'appliquer pour le poulet ; si elles s'appliquent au soja et au café, elles doivent s'appliquer pour le caoutchouc, le maïs, le sucre, etc. », plaide l'ONG. Celle-ci pointe aussi l'insuffisance des milieux naturels pris en compte. « Il faut avoir à l'esprit la forêt mais aussi les écosystèmes voisins comme les savanes (Cerrado), les prairies ou les tourbières », avertit Pierre Cannet. La proposition ne comporte pas de garde-fous relatifs aux droits humains, en particulier la nécessité d'obtenir le « consentement libre, informé et préalable » des communautés locales, déplore par ailleurs l'ONG.

Ces critiques sont partagées par l'association Canopée, mais celle-ci en pointe aussi d'autres, en particulier l'allégement des contraintes pour les produits provenant de produits à faibles risques. « En l'état, cela pourrait ouvrir la porte à des "blanchiments" à travers des exportations vers un pays considéré comme à faible risque, avant une exportation vers l'UE », alerte l'ONG. Autre biais soulevé par l'association : le risque que les grands négociants internationaux continuent à commercialiser des produits issus de la déforestation dans d'autres pays moins exigeants que ceux de l'UE. « Il est possible d'éviter cet écueil en introduisant des clauses spécifiques dans la législation permettant de passer du principe "d'approvisionnement propre" pour aller vers celui de "fournisseurs propres" », assure Canopée.

Absence de mesures miroirs

« L'un des principaux risques d'échec de cette législation est que les entreprises arrivent, à force de lobbying, à réintroduire la possibilité d'utiliser des systèmes de certifications sans traçabilité », pointe aussi Canopée. Interbev, l'interprofession bétail et viande, alerte d'ores et déjà sur l'impossibilité d'assurer une traçabilité individuelle de la naissance à l'abattage pour les bovins en provenance de certains pays. « Sans mesure miroir visant à imposer nos règles de traçabilité à nos partenaires commerciaux tels que le Brésil, et sans la mise en œuvre de contrôles réalisés par la Commission européenne dans les pays exportateurs, il est trompeur de laisser penser que l'Union européenne n'importera plus de viandes bovines issues de la déforestation », réagit Dominique Langlois, président de cette organisation professionnelle.

Une analyse partagée par la Fondation Nicolas-Hulot. « Si on prend l'exemple de la viande de bœuf, il conviendrait d'interdire les importations issues d'animaux qui ne font pas l'objet d'une traçabilité individuelle tout au long de leur vie », estiment Mathilde Dupré, de l'Institut Veblen, et Samuel Leré, de FNH.

En tout état de cause, les regards sont maintenant tournés vers la présidence française de l'UE. Emmanuel Macron n'avait-il pas annoncé une accélération de la stratégie européenne en matière de déforestation lors du Congrès mondial de la nature, en septembre dernier à Marseille ?

1. Télécharger le projet de règlement (en anglais)
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-38559-proposition-ce-reglement-deforestation.pdf

Réactions9 réactions à cet article

la foret française est gravement impactée par les sécheresses et le premier risque naturel en France ce sont les inondations ... Il ne faut se leurrer, quand on plante un arbre c'est pour la génération d'après, il faut 30 ans pour qu'un arbre soit opérationnel , il faut très vite lutter contre les sécheresses en luttant intelligemment contre les inondations : donc retenir l'eau en Amont au lieu de l'évacuer en Aval : https://www.ouest-france.fr/medias/ouest-france/courrier-des-lecteurs/secheresse-et-dereglement-climatique-8a9e8ea1-4fa0-420f-8633-8ffd27dbc189

laurent | 18 novembre 2021 à 08h53 Signaler un contenu inapproprié

Ca n'a pas grand intérêt à importer de la viande de boeuf sauf à concurrencer nos éleveurs et un prix d'achat qui ne leur permet pas une éxistence normale, donc on élimine.
Chez-nous on ne peut pas dire qu'on détruit des forêts car elles avancent aux dépends des terres agricoles, et on pourrait intégrer les couverts végétaux des pavillons à déduire de la taxe foncière, par exemple chez-moi la maison de Vendée et Angers 50% de la surface, les voisins 0 m2, on gagnerait ne nombreux ha.
Et on pourrait plus opposer hlm nus et pavillons.
Le seul souci réel est sud-es + Corse: incendies non régulés, guyane guerre larvée de l'or, verbaliser pour obliger à faire comme tout le monde, dans l'ouest perdre 200 ha vite repoussés est un drame, dans le midi une flammèche qui jamais ne repousse.

pemmore | 18 novembre 2021 à 10h20 Signaler un contenu inapproprié

L'UE se doit d'être cohérente en s'attaquant également au fléau de la contamination agrochimique exportée sur laquelle elle ferme pudiquement les yeux. Le nouveau scandale des néonicotinoïdes interdits en UE mais autorisés à l'export vers 65 pays dont le Brésil, l'Indonésie et l’Ukraine (https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/18/l-europe-exporte-des-milliers-de-tonnes-de-pesticides-tueurs-d-abeilles-pourtant-interdits-sur-son-sol_6102474_3244.html) démontre qu'il est impératif et urgent que l'UE donne un grand coup de balai dans sa coupable porosité avec les lobbies de l'agrochimie (entre autres).

Pégase | 18 novembre 2021 à 13h45 Signaler un contenu inapproprié

Un peu de modestie, on ne va pas réformer le monde .. On produit de plus en plus de pollution importée, mais cette pollution "faite en France" diminue t elle partout dans nos territoires ? Y a t il Trop de lois et réglementations et pas assez d'applications de ces lois ? je le crois. Un exemple : dans le sud Lochois, en présentation en conseil communautaire 21/7/2021, Rapport sur l'eau "soit disant potable" distribuée en DSP, Sur les dernières années, de plus en plus de fuites, de moins en moins de raccords en plomb changé, Et Dépassements de 2 pesticides interdits depuis 2003, fichier : Annexe - RPQS 2020 AEP - DSP.pdf Des rendements en baisse 2019 : 81.3% , 2020 : 70.3% ( ou fuites en hausse )
Nombre de branchements en Plomb supprimés 2019 : 49 , 2020 : 16 insuffisant !
Paramètres physico-chimiques (P102.1) : Taux de conformités* en 2019 : 98.6 % , Taux de conformités en 2020 : 80.6 %
Des dépassements de pollutions en Atrazine ( 4 ) et ESA Métolachlore (10) , Ces 2 desherbants ont été interdits en 2003 ! à 3 € /m3 ,c'est cher . l 'Atrazine utilisée pour les cultures maïs a une 1/2 vie de 44 jours, autant dire qu'il ne devrait plus y en avoir dans l'eau potable extraite à 100% de la nappe aquifère. A moins que les agriculteurs en utilisent ENCORE ...
Cette présentation n'a soulevé aucune protestation, aucune objection ! Toutefois, j'ai entendu un " effort pour harmoniser .. " Vers le bas, ou vers le haut ? ça n'a pas été précisé !

J Cl M 44 | 18 novembre 2021 à 20h35 Signaler un contenu inapproprié

Les maïs OGM et autres sojas ne font pas partie de la liste??

AUCASOU | 18 novembre 2021 à 23h12 Signaler un contenu inapproprié

Des stocks de pesticides interdits existent effectivement ça et là, chez les "agrochimistes prévoyants" de l'Hexagone. La preuve : il a suffit que plane l'interdiction de l'utilisation de formulations à base de glyphosate pour que leurs ventes explosent ces 2 ou 3 dernières années !

Pégase | 19 novembre 2021 à 08h56 Signaler un contenu inapproprié

parfois les chiffres réservent quelques surprises,
Dans nos forêts de guyane, optimisation optimale un ha capte 10 tonnes de co2 donc me vla avec 10 tonnes
lu sur un journal agricole une année exceptionnelle, en île de france des restes pas encore bétonnés, snif! qui font de la résistance et furent à une époque partie des meilleures terres à blé au monde,
donc 190 tonnes à 18% d'alcool soit 34 tonnes d'alcool
34 tonnes d'alcool éthylique c'est au pif 90 tonnes de co2
A minima selon diverses infos 60 tonnes de co2.
Le maïs chez-nous un peu moins que la moitié.
Si la guyane c'est 10 tonnes/ha, nos pinèdes ça doit pas dépasser 3. les feuillus 5.
Alors haro sur la paisan?
La lutte contre le changement climatique et l'écologie ne font visiblement pas bon ménage.
Bien sur je n'approuve pas la brésification des terres en Amérique du sud car culture sur brûlis ce qui a réduit ce merveilleux pays qui était madagascar années 50 en un désert sec et mort en 2020.

pemmore | 19 novembre 2021 à 10h05 Signaler un contenu inapproprié

La culture du tabac c'est 10 000 hectares de déforestation par an dans le monde et 80 000 morts par an en France ... on n'entend pas trop les "agrofumistes prévoyants" de l'Hexagone... Les additifs de toutes sortes ajoutés au tabac, près de 600, ne sont pas mentionnés sur les produits commercialisés et peuvent représenter jusqu'à 10 % du poids des cigarettes. Ces produits augmentent nettement la toxicité de la fumée du tabac, un fait connu des fabricants depuis plus de dix ans. cf https://sante.lefigaro.fr/mieux-etre/tabac-alcool-drogues/tabac-substances/quelles-sont-substances-toxiques-dans-tabac

laurent | 19 novembre 2021 à 10h26 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour, ne critiquerais pas cet a parté concernant le tabac, dès que j'entend ça je pense aux sans doute millions d'ha de forêts détruites par cette drogue.
En effet quelle personne un peu civilisée se promêne avec dans sa poche un moyen d'allumer un feu?
A chaque incendie de forêt qui se déclare chez-moi je fait un petit tour: 3 sur 4 ont leur point de départ sur la berme au raz de la route et des plantes sèches , c'est tout à fait typique.
Tout mégot allumé jeté pas la fenêtre devrait donner lieu à la saisie du véhicule et retrait du permis.

pemmore | 19 novembre 2021 à 13h31 Signaler un contenu inapproprié

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