Dans le cadre du paquet législatif Fit-for-55, la Commission européenne a prévu de revoir à la hausse ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais elle mise également sur le stockage du carbone et sur son recyclage pour limiter la teneur en CO2 dans l'atmosphère et les changements climatiques que cela induit. Sa stratégie vise la mise en place de « cycles de carbone durables ». « S'il est vrai que nous devons réduire considérablement notre utilisation du carbone fossile, il n'en reste pas moins que notre économie aura encore besoin de carbone pour fonctionner », rappelle la Commission. Et d'estimer que « ce carbone ne devrait pas provenir de sources fossiles, mais devrait être recyclé dans notre économie à partir de flux de déchets, de sources de biomasse durables ou directement de l'atmosphère. »
En complément de ses stratégies sur la forêt et sur le sol, l'exécutif européen vient de présenter plusieurs propositions en ce sens et entame un travail législatif et de normalisation sur ces sujets. « Nous avons établi les grands principes et objectifs de notre travail pour préparer l'adoption des règles nécessaires. Ces règles permettront que les absorptions de carbone soient crédibles et qu'elles aient l'effet escompté », explique Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l'Europe.
Développer les crédits de stockage du carbone
« La quantité annuelle de carbone retirée de l'atmosphère par les écosystèmes en Europe est en baisse et les solutions industrielles d'élimination du carbone sont pratiquement inexistantes », constate la Commission. Pour inverser la tendance, elle lance une stratégie autour de deux axes : les solutions fondées sur la nature, en accentuant le stockage de carbone dans les sols agricoles, et les solutions technologiques, pour stocker et réutiliser le carbone (également appelées technologies CCU).
Les agriculteurs et les forestiers seront donc mis à contribution, mais la Commission constate certaines entraves, comme l'effort financier requis et l'absence de systèmes de suivi, de déclaration et de vérification solides. « La complexité qui caractérise les mesures du carbone séquestré, associée à des services de conseil insuffisamment adaptés, engendre également des incertitudes quant aux possibilités de revenus pour les gestionnaires de terres », note-t-elle.
Pour lever ces freins, Bruxelles mise sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC) qui, rappelons-le, s'organise désormais autour de plans d'action nationaux en cours d'élaboration. Les États doivent flécher un minimum d'aides vers des pratiques favorisant la biodiversité et le stockage du carbone. La Commission soutiendra également la recherche et l'innovation dans le cadre du programme Horizon Europe afin qu'émergent des outils de suivi et de déclaration, ainsi que des mécanismes de financement mêlant financements publics et privés autour de la vente de crédits carbone sur les marchés volontaires du carbone. Ce type de mécanisme existe déjà, notamment en France, avec le label bas carbone.
La Commission mettra également en place un groupe d'experts chargé d'échanger sur les meilleures pratiques dans le domaine du stockage du carbone dans les sols agricoles et d'élaborer de nouvelles normes pour la certification des absorptions de carbone.
Développer les technologies CCU
Les industriels regroupés au sein de la Renewable Carbon Initiative ont accueilli très favorablement cette stratégie. « Pour la première fois, l'importance du carbone dans les différents secteurs industriels est clairement indiquée. L'une des principales déclarations du document est la reconnaissance complète du CCU, pour la première fois, en tant que solution pour l'économie circulaire, ce qui inclut également les carburants à base de CCU », se satisfont les 30 membres de l'initiative dans un communiqué commun. « Le document de communication [de la Commission] fait la distinction entre le CO2 d'origine biologique, le CO2 d'origine fossile et le CO2 provenant du captage direct de l'air lorsqu'il est question de l'élimination du carbone. Il annonce également une surveillance détaillée des différents flux de CO2 », ajoutent-ils.
La Commission annonce, par ailleurs, qu'elle proposera la mise en place d'un marché intérieur pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone ainsi que des infrastructures nécessaires au transport transfrontalier de CO2. « D'ici à 2030, 5 Mt de CO2 devraient être absorbées chaque année dans l'atmosphère et stockées de manière permanente au moyen de solutions technologiques », vise-t-elle. L'instrument de financement clé de ces technologies à court terme est le Fonds pour l'innovation, financé par le système d'échange de quotas d'émission de l'UE.