D'un côté, le parc national des Calanques qui recherchait des financements durables pour protéger ses herbiers de Posidonie. De l'autre, deux entreprises, Interxion et Schneider Electric, qui souhaitaient mettre en œuvre des actions de compensation carbone. Entre les deux, la société EcoAct, société de conseil et de développement spécialisée dans les stratégies de décarbonation.
Ces quatre acteurs se sont rapprochés grâce au Mouvement des entrepreneurs pour la planète pour lancer un projet de méthodologie. Baptisée « Prométhée-Med » et présentée à la presse jeudi 18 mars, cette initiative vise à certifier des projets de compensation permettant la préservation d'herbiers marins. Une méthodologie que les quatre partenaires souhaitent faire valider par le ministère de la Transition écologique dans le cadre du label bas-carbone.
Des écosystèmes en danger
La préservation des herbiers marins est urgente. Jusqu'à 38 % d'entre eux auraient disparu depuis 1960 et les herbiers de Posidonie perdraient 1,5 % de leur surface chaque année. En cause ? Le mouillage des bateaux, « principal facteur de régression », selon François Bland, directeur du parc des Calanques. S'y ajoutent d'autres facteurs comme les changements climatiques, l'artificialisation des fonds marins, la pollution et les mauvaises pratiques de pêche.
Or, les herbiers marins sont des écosystèmes particulièrement riches, qui jouent un grand rôle dans l'alimentation et la reproduction des poissons, mais aussi dans la stabilisation du littoral et dans la séquestration du carbone. « L'herbier de Posidonie stocke jusqu'à 1 500 tonnes de carbone par hectare, soit trois à cinq fois plus que les forêts tropicales, et jusqu'à sept fois plus qu'une forêt de feuillus française », explique Roman de Rafael, responsable du développement des projets Nature-Based-Solutions chez EcoAct.
Une formidable opportunité
En face, deux sociétés à la recherche de solutions de compensation carbone. Interxion, fournisseur de services de data centers, s'est fixé l'objectif de réduire de 68 % ses émissions directes et de 24 % ses émissions indirectes au plan mondial d'ici à 2030. La filiale française a annoncé sa neutralité carbone fin 2020. « Il est aisé de compenser à l'étranger, c'est beaucoup plus difficile sur le territoire national », explique Fabrice Coquio, président d'Interxion France qui exploite quatre data centers à Marseille. De con côté, Schneider Electric, spécialisée dans la gestion de l'énergie et les automatismes industriels, s'est fixé l'objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2025, explique Elena Fedotova, vice-présidente Secure Power Schneider Electric France.
Pour Fabrice Coquio, les besoins du parc des Calanques constituent « une formidable opportunité de développer une méthodologie de compensation carbone basée sur les herbiers marins sur le territoire métropolitain français ». Une méthodologie qui doit bénéficier au parc des Calanques d'abord mais qui a vocation à être utilisée plus largement ensuite, ce parc jouant le rôle de site-pilote.
Obtenir le label bas-carbone
Plusieurs étapes préalables se révèlent toutefois nécessaires avant la mise en œuvre du projet prévue pour début 2022. Durant l'année à venir, les entreprises vont financer les travaux sur la méthodologie que les partenaires souhaitent faire valider dans le cadre du label bas-carbone. Un dispositif mis en place en 2019 par le ministère de la Transition écologique en vue de diriger les financements des entreprises vers des projets locaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les travaux portent en particulier sur l'étude de la littérature scientifique et technique sur les herbiers de Posidonie et leur conservation, la création d'un outil de calcul carbone, puis l'écriture de la méthodologie. « Il s'agit de construire les chiffres les plus robustes possibles et de produire quelque chose de réplicable », explique Roman de Rafael d'EcoAct. La méthodologie tombera en effet dans le domaine public à la fin du projet et d'autres entreprises pourront l'utiliser pour compenser. Mais encore faut-il obtenir le sésame du ministère.
« Si le projet aboutit, le parc national pourra intégrer le marché carbone en tant que bénéficiaire et ainsi financer les aménagements prévus ainsi que les actions de surveillance et de gestion permettant une protection effective de l'herbier », explique de son côté François Bland. Un financement urgent alors que la fréquentation du parc a explosé sur l'année 2020.