
Consultant
Jean-Jacques Fasquel : J'ai souvent pensé au compost en épluchant mes fruits et légumes. La collecte, le transport et l'incinération de ces déchets, très humides, représentent une totale aberration. Brûler de l'eau est une ineptie ! En plus, nous savons transformer les déchets organiques en compost depuis la nuit des temps. J'ai voulu montrer qu'on pouvait réussir ce projet dans un milieu dense et urbain comme Paris.
Évidemment, faire du compost en ville est moins simple qu'à la campagne. Mais j'étais sûr de moi car le compost collectif existe déjà ailleurs. La ville de Rennes développe ce système depuis 2006. J'ai donc proposé une expérience de compost aux locataires de mon immeuble, au bailleur Paris Habitat et à la mairie du 12e arrondissement de Paris.
Les négociations avec le bailleur et la municipalité du 12e ont débuté en 2006. La concrétisation du projet a ensuite pris un an. L'opération paraissait risquée pour le bailleur qui avait besoin de preuves sur mon sérieux et mes capacités à gérer et à animer le projet. Quant à la mairie du 12e, elle a immédiatement soutenu mon idée et facilité la discussion avec Paris Habitat.
En ville, le compost collectif se révèle vraiment spécifique. Nous rejetons beaucoup de déchets végétaux et d'épluchures, des matières humides et azotées. Afin de produire du compost de qualité, il faut parvenir à un équilibre entre ces éléments et les matières sèches et carbonées. C'est la raison pour laquelle nous ramassons actuellement des feuilles mortes. En d'autres saisons, nous nous faisons livrer du broyat d'élagage, mais c'est temporaire : nous souhaitons acquérir un broyeur pour devenir autonome dans la fabrication de matières sèches.
AE : Avez-vous rencontré des difficultés dans la réalisation de votre projet ?
JJF : Pas vraiment. Ma résidence possède de grands espaces verts, ce qui constitue déjà un atout. Je devais simplement rassurer le bailleur quand au fait que tout se passerait bien.
En revanche, le volontariat des participants et l'instauration d'un suivi régulier représentent des facteurs clés de succès. Au début, les habitants peuvent être perdus et abandonner la démarche. C'est pourquoi j'ai proposé une formation de base à tous les volontaires de ma résidence. Avec un projet bien cadré, il est assez facile d'envisager du compost en habitat collectif. Aujourd'hui, 50 foyers de mon immeuble sont engagés dans cette démarche. On aura gagné le jour où l'on trouvera normal de faire du compost.
AE : Quel bénéfice tirez-vous de cette expérience ?
JJF : Faire du compost, c'est participer à un écosystème naturel porteur de sens. Nos déchets passent ainsi du statut de contrainte à celui de ressource. Par ailleurs, le compost fonctionne mieux avec un volume significatif de déchets. Ce mode de traitement favorise donc l'intelligence collective.
Le compost est également vecteur de lien social. Grâce à ce projet, j'ai appris à connaître des personnes que je ne fréquentais pas. Les gens sensibles à la thématique du compost ne sont pas obligatoirement des écolos purs et durs, mais ils possèdent tous une réelle ouverture d'esprit…
AE : Depuis cet été, vous proposez un accompagnement au compost dans le cadre de votre activité professionnelle. Avez-vous reçu beaucoup de demandes et quels sont les acteurs concernés ?
JJF : Il s'agit d'une prestation récente. Concrètement, la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) et la mairie du 20e m'ont déjà demandé d'accompagner les locataires d'un immeuble situé rue des Haies. Cet après-midi, je me déplace à Dreux pour étudier le projet de compost collectif envisagé par la commune.
En fait, je me rends toujours sur place afin de rencontrer le bailleur et le locataire référent. Ce pré-diagnostic sert à déterminer le cadre de mon action et les modalités de son financement. Il permet également de choisir un matériel de compost en adéquation avec le lieu d'installation.
Je reçois également des demandes émanant des établissements d'enseignement. En effet, le traitement des déchets est souvent l'une des premières thématiques de développement durable abordées à l'école.