"Les niveaux d'exposition induits par les compteurs communicants sont très faibles, estime l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) dans son expertise publiée jeudi 15 décembre. Cependant, même si l'exposition d'un seul objet communicant induit une exposition très faible vis-à-vis des valeurs limites réglementaires, du fait de leur multiplication prévisible, il paraît important de continuer à quantifier l'exposition due à toutes les sources, dans un contexte de maîtrise de l'environnement électromagnétique".
Suite aux inquiétudes suscitées par le déploiement de compteurs communicants, prévu par la loi de transition énergétique, la Direction générale de la santé (DGS) a chargé l'agence en 2015 de se pencher sur l'évaluation de l'exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par ces appareils. Pour la produire, les experts ont analysé la littérature scientifique disponible, les normes techniques existantes, les résultats des précédentes campagnes de mesures ainsi que des informations recueillies auprès de différents acteurs. En complément, les résultats d'une campagne de mesure suite à l'installation de compteurs Linky chez des particuliers, réalisée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), devraient être prochainement communiqués. "L'Agence regrette qu'une telle campagne de mesure n'ait pu être menée à bien dans le cadre de son calendrier d'expertise", indique cependant cette dernière dans son rapport. Les conclusions de l'avis seront éventuellement modifiées en fonction des résultats.
Différents types de transmissions
En fonction des compteurs, des technologies différentes sont utilisées pour échanger des informations : soit grâce à une transmission radioélectrique pour les compteurs de gaz (Gazpar) et d'eau ou par courant porteur en ligne (CPL) pour les compteurs électriques (Linky).
Pour l'Anses, l'exposition à proximité d'un compteur de gaz (Gazpar) ou d'eau tel que ceux utilisés par Suez est très faible, compte tenu de la faible puissance d'émission et de la forme impulsionnelle utilisée (transmission des informations de deux à six fois par jours). "Pour une même distance, le champ électrique maximal émis par les compteurs et les concentrateurs est plus faible que celui d'un téléphone GSM", note l'Anses.
Concernant les compteurs communicants électriques (Linky) utilisant le CPL, le champ électromagnétique est induit par son fonctionnement : c'est la circulation de courant et l'existence de tensions électriques qui génèrent des champs.
L'Anses a regroupé les données issues de différentes campagnes de mesures (EDF, Criirem, Finnish Institute of Occupational Health, l'Ineris, l'ANFR). "Les configurations de mesures sont très hétérogènes et ne permettent donc pas de comparer les résultats des différentes campagnes entre eux", soulève l'agence. Néanmoins, elle souligne que les résultats sont inférieurs aux valeurs limites d'exposition réglementaire (87 V/m pour le champ électrique, 6,25 µT pour le champ magnétique).
"Je dénonce fermement ces limites légales d'exposition aux ondes électromagnétiques ; elles ont été calculées sur des critères purement techniques et pas du tout sanitaires !, a réagi à la publication du rapport Michèle Rivasi, députée européenne, vice-présidente du groupe Vert/ALE, co-fondatrice du CRIIREM. Je suggère que nous soyons très vigilants à ce sujet, en abaissant l'exposition générale de la population aux ondes et que nous préservions des "zones blanches" pour permettre aux personnes les plus sensibles 28086 de survivre."
Pas de littérature scientifique traitant spécifiquement des effets sanitaires
D'un point de vue sanitaire, l'Anses reste prudente sans revenir sur les conclusions de ses précédentes études. "Actuellement, il n'existe pas de littérature scientifique traitant spécifiquement des effets sanitaires à court ou long terme de l'exposition aux compteurs communicants", souligne-t-elle. Dans un premier rapport sur les effets biologiques et sanitaires des radiofréquences publié en 2009, elle indiquait l'existence de signaux sanitaires indéniables et conseillait de réduire l'exposition de la population, sans pour autant préconiser de limiter les émissions des antennes-relais. Dans une nouvelle évaluation en 2013, l'Anses indiquait que "cette actualisation ne met[tait] pas en évidence d'effet sanitaire avéré et ne condui[sait] pas à proposer de nouvelles valeurs limites d'exposition de la population".
Dans cette dernière expertise, l'agence renouvelle sa demande d'approfondir les connaissances à la fois concernant l'exposition mais également les éventuelles effets sanitaires liée à cette dernière pour des champs électromagnétiques dans la bande des 50-100 kHz utilisées en France. Elle souhaite également une harmonisation des protocoles de mesure et indicateurs d'exposition.
Autre recommandation de l'agence : faire supporter les coûts associés pour les études et recherche par les entreprises déployant les compteurs communicants, par exemple dans le cadre du fonds affecté à la recherche d'effets potentiels sur la santé liés à l'exposition aux champs électromagnétiques radiofréquences. Enfin, elle préconise "des études, portant spécifiquement sur les compteurs communicants, pour tenter de faire la part entre de possibles effets sanitaires directement liés à l'exposition et ceux dus à un effet nocebo".