La construction d'une nouvelle piscine d'entreposage de combustibles nucléaires usés à La Hague (Manche) fera l'objet d'une concertation préalable, vient de décider la Commission nationale du débat public (CNDP). Le projet comporte des enjeux environnementaux, d'aménagement du territoire et socio-économiques majeurs et d'intérêt national, estime la Commission qui ne retient cependant pas la procédure du débat public. En effet, elle explique que l'opportunité du projet a déjà été discutée dans le cadre du débat public et de la concertation sur la 5e édition du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). La lettre de mission adressée par la CNDP aux deux garants présente la création de la future piscine d'entreposage comme « la réalisation concrète des orientations du PNGMDR ».
« Le maître d'ouvrage (…) souhaite échanger essentiellement sur le rôle de l'installation, son implantation et ses impacts, etc », explique le document. Il reviendra aux garants d'amener le maître d'ouvrage à clarifier les marges de manœuvre du public », sachant qu'EDF a écarté les solutions alternatives (pour l'essentiel l'implantation de l'installation sur d'autres sites).
Dans ce cadre, la CNDP attend notamment de la concertation qu'elle aborde des thèmes plus larges que la simple création d'une nouvelle installation et ses impacts locaux. Et de citer « les enjeux autour du recyclage des combustibles usés, la pertinence économique, environnementale et technique de la filière de retraitement, la stratégie d'implantation des sites d'entreposages de longue durée, l'articulation des différents sites nucléaires (centrales nucléaires et centres de retraitement) et ses implications en termes de transport par exemple, le lien éventuel entre le projet Cigéo de stockage définitif des déchets nucléaires et ce projet, etc ».
Une capacité de 6 500 tonnes
Dans un avis rendu en juillet 2019, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) explique qu'il est nécessaire de construire un nouveau site d'entreposage pour accueillir avant leur traitement les combustibles usés, et en particulier les assemblages à base d'oxydes mixtes d'uranium et de plutonium (MOX) et à base d'uranium de retraitement (URE). L'ASN rappelle que cette nouvelle piscine doit répondre à la saturation de celles actuellement en service à La Hague qui devrait intervenir entre 2025 et 2035. Aujourd'hui, la capacité d'entreposage autorisée des piscines de La Hague est d'au maximum 17 600 tonnes selon le PNGMDR 2016-2018. Toutefois, la note d'orientation traitant de l'entreposage des combustibles usés dans le cadre du prochain PNGMDR indique que « les piscines du site de La Hague disposent d'une capacité opérationnelle actuellement limitée à environ 12 000 tonnes ».
Le projet initialement étudié par l'ASN portait sur la création d'une piscine pouvant accueillir 10 000 tonnes de combustibles usés sur une période de 100 ans. Le site d'implantation n'était pas précisé, mais il était alors question d'implanter une piscine « centralisée » sur le site de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher). En juillet 2020, le président de la Région Centre-Val de Loire annonçait l'abandon du projet, suite à l'opposition affichée par des associations, des habitants et des élus. De son côté EDF expliquait que « les analyses préliminaires » l'ont conduit à exclure l'implantation de la future piscine à Belleville-sur-Loire. C'est alors qu'apparaît le nom de La Hague.
En janvier 2021, la CNDP a finalement été saisie du projet d'EDF de construction d'une piscine d'entreposage à long terme des combustibles nucléaires usés sur une parcelle de l'usine de retraitement de matières radioactives d'Orano à La Hague. La demande d'EDF ne porte « que » sur un bassin d'une capacité de stockage totale de 6 500 tonnes. L'entreprise envisage toutefois la possibilité de construire ultérieurement un deuxième bassin qui fera l'objet d'une nouvelle procédure d'autorisation dédiée.
Outre le bassin d'entreposage, le projet comprend aussi un ensemble de bâtiments d'une emprise d'environ 10 hectares. Ces constructions comprendront un « bloc usine » et un bloc nécessaire à l'exploitation. Au total, le budget annoncé par EDF s'élève à environ 1,25 milliard d'euros. L'entreprise compte déposer sa demande d'autorisation de création en 2022.