© Val Vert Tri
L'expansion de ces nouvelles filières révèle pour les salariés de ces secteurs, de nouveaux dangers et des expositions donnant lieu à des risques nombreux et multiples : risques liés à la dangerosité même du déchet, risques liés aux procédés mis en œuvre (opérations mécanisées, expositions à des gaz et poussières, à la chaleur, au bruit), risques liés au secteur ou à l'organisation du travail.
Le poste d'opérateur de tri dans les centres de tri des déchets issus de la collecte sélective fait partie de ces ''nouveaux'' métiers, ou tout du moins assez récents. L'opération consiste à sélectionner visuellement l'objet à trier sur un tapis roulant (bouteille en PVC ou en PET, journaux, magazines...) et à le jeter dans un bac qui se trouve soit en face (tri frontal) soit sur le côté du poste de travail (tri bilatéral). Le tri manuel entraîne par conséquent deux risques non négligeables : les lésions musculaires liées aux manipulations et les contaminations. En une heure, près de quatre tonnes de déchets peuvent ainsi être triées. Comme il est difficile de tout voir dans un tel foisonnement, les risques de coupures et de piqûres sont réels. D'autre part le tri frontal entraîne 2.500 gestes identiques à l'heure et le tri bilatéral 1.200 gestes à l'heure avec rotation du corps et déplacement latéral. Avant toute décision, il convient donc de réfléchir attentivement à l'ergonomie des installations pour minimiser les gestes et réduire la pénibilité du travail.
Le centre de tri Val Vert Tri en Poitou-Charentes a été confronté à cette situation. Après l'installation d'un nouveau process de tri en 2004, Val Vert Tri remarque un certain mal-être au travail auprès de ses salariés. Ce problème dû à la répétition et à la rapidité des gestes de tri fait bientôt apparaître des troubles (fatigue physique, visuelle et mentale) ainsi que des maladies professionnelles (Troubles-Musculo-Squelettiques). L'entreprise rencontre alors des problèmes d'absentéisme et décide de réagir. Elle sollicite l'avis de l'ASSTV (l'Association du Service de Santé au Travail de la Vienne) par le biais de son médecin du travail afin de réaliser un diagnostic de l'existant et de déterminer des axes d'amélioration. À partir des préconisations établies par les différents intervenants, Val Vert Tri conçoit un nouveau poste de travail et le généralise à l'ensemble des postes de tri en janvier 2008 : réduction des souffleries bruyantes, position de l'opérateur face au flux entrant ce qui limite l'amplitude des gestes de tri, limitation à deux familles de produits recyclables à appréhender par l'opérateur de tri, sièges « assis-debout » et tapis antifatigue qui permettent un travail en station debout prolongée.
Alors qu'avant l'installation, le Centre de Tri souffrait d'un taux d'absentéisme lié à l'activité ayant atteint jusqu'à 7% par mois, 3 mois après les aménagements, l'entreprise a déjà noté une baisse de 2%. L'investissement nécessaire à la réalisation de ces nouveaux postes de travail s'élève à 31.000 € HT mais pour Val Vert Tri, cela en valait la peine : avec l'aménagement des postes de travail, la qualité du tri et la productivité se sont améliorées et dans un environnement concurrentiel fort, la qualité de vie au travail constitue une valeur ajoutée non négligeable, explique la société. Pour les salariés, les changements sont réels : on fait moins de gestes, moins de rotations des bras et du corps. L'organisation aussi a changé. Il y a une rotation des postes toutes les heures, pour ne pas rester toujours du même côté, explique Marie- France BARON, Déléguée du personnel et opératrice de tri depuis 8 ans.
Avec cette opération Val Vert Tri espère servir d'exemple. L'inauguration officielle de ces nouvelles installations aura lieu le 6 juin prochain à l'occasion de la 5ème Semaine pour la Qualité de Vie au Travail. La société espère également faire évoluer la connaissance sur l'ergonomie de ces postes de travail car du fait de la jeunesse du métier, les instances pour la santé au travail n'ont que peu de recul. L'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) a établi en 2005 un guide pour la conception des centres de tri (ED914) mais selon Christian SAWCZUK, Directeur du Centre de Tri Val Vert, le guide ne répond pas à toutes les questions : cette expérience mérite d'être élargie à l'ensemble des Centres de Tri du territoire français et à l'INRS, car tous suivent les préconisations de l'ED914, qui n'apportent pas encore de solution à la conception pour limiter les T.M.S. avec un tri bilatéral, explique-t-il.