Alors qu'étaient présentées la semaine dernière les grandes lignes du projet de loi de programmation pour la transition énergétique, Ségolène Royal, Sylvia Pinel et Michel Sapin, respectivement ministres de l'Ecologie, du Logement et des Finances, ont ouvert, le 23 juin, les travaux de la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique.
Annoncée par François Hollande lors de la dernière conférence environnementale, cette conférence bancaire doit permettre de trouver les moyens de mieux mobiliser l'argent public et privé pour financer la transition énergétique. Les travaux déjà menés sur ce sujet, par la Caisse des dépôts, le Commissariat général au développement durable ou lors du débat national sur l'énergie, et les nombreuses consultations ont permis de définir quatre priorités de travail, leurs feuilles de route et "un calendrier rapide de conclusion des travaux", indique le ministère. "Cela doit nous permettre d'avancer sur des points essentiels" afin de proposer un "cadre stable à l'horizon 2030", précise Ségolène Royal. La ministre de l'Ecologie l'avait annoncé : l'objectif de ces travaux est d'aboutir à des annonces mises en œuvre rapidement, sans travaux supplémentaires, en mobilisant le plus possible les outils existants et en les adaptant si nécessaire.
Ainsi, les deux groupes de travail consacrés au financement de la rénovation thermique des logements des particuliers ainsi que celui sur le financement de la transition énergétique des entreprises grâce à une meilleure orientation des aides publiques devront rendre leurs conclusions la semaine du 21 juillet, avant le passage en Conseil des ministres du projet de loi de programmation sur la transition énergétique. Le dernier groupe de travail, portant sur le financement des projets d'énergies renouvelables, pourra remettre ses travaux le 15 septembre, car "le sujet est plus complexe et moins mûr". Le Réseau action climat (RAC) a regretté l'absence de la problématique transport, alors que le gouvernement a confirmé l'abandon de l'écotaxe poids lourd au profit d'un péage de transit.
Rénovation thermique : éco-PTZ, fonds de garantie et tiers financement
Le premier groupe de travail est chargé de plancher sur l'amélioration de la lisibilité des dispositifs d'aides publiques à la rénovation thermique. "Nous devons imaginer un dispositif de financement plus efficace, estime Michel Sapin. Une double économie est nécessaire : économie d'énergie mais aussi d'argent public !". Lors de cette première matinée de travail, deux mots étaient dans toutes les bouches : simplification et stabilité.
Ségolène Royal a déjà annoncé une simplification et un renforcement des allègements d'impôt pour les travaux de rénovation (taux unique de 30% de septembre 2014 à fin 2015). Le gouvernement devrait également proposer un amendement au projet de loi de finances rectificative 2014 dont l'objectif est de relancer l'éco-prêt à taux zéro. Très peu mobilisé aujourd'hui (un seul éco PTZ serait délivré par département chaque mois), il est pourtant l'un des outils conçus lors du Grenelle pour accélérer le chantier de la rénovation. Pour le relancer, le gouvernement prévoit de décharger les banques des responsabilités techniques et de les transférer vers les entreprises RGE. Celles-ci, si elles ne souhaitent pas assumer ces responsabilités, pourraient avoir recours à un tiers certificateur. Une mesure qui semble faire consensus aujourd'hui.
Le groupe de travail devra plancher sur l'utilisation du fonds de garantie, créé par le projet de loi sur la transition énergétique et qui devrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce fonds doit "permettre aux banques d'attribuer des prêts pour la rénovation à des conditions moins coûteuses ou pour des catégories d'emprunteurs présentant un profil de risque plus marqué, par exemple les copropriétés", précise le ministère de l'Ecologie.
"L'éco PTZ et le fonds de garantie sont des dispositifs économes en deniers publics", constate Bruno Deletré, directeur général du Crédit foncier. Celui-ci alerte cependant sur le cas des copropriétés les plus dégradées, pour lesquelles "les subventions resteraient les mesures les plus efficaces".
La société d'économie mixte francilienne Energie posit'if a quant à elle alerté sur le cas des ménages trop modestes pour accéder à un financement bancaire. Un rapport, qui devrait être remis demain à Sylvia Pinel et Michel Sapin, devrait proposer des outils pour prendre en compte cette problématique.
Enfin, Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment, est revenu sur l'idée de passeport de la rénovation énergétique visant à "raisonner par étapes dans la rénovation car les particuliers n'ont pas tous la capacité de tout financer d'un coup". Des prêts sécables pourraient constituer une solution, selon lui.
Les parties prenantes devront également, au sein du deuxième groupe de travail, dessiner les pistes pour rendre opérationnel le tiers financement, reconnu depuis mars par la loi Alur. Au programme : modalités d'agrément des sociétés de tiers financement, statut d'intermédiaires d'opérations bancaires et partenariats avec les banques. Les intervenants à cette première matinée de travaux ont insisté sur le fait que le tiers financement ne devait pas concurrencer les banques mais être complémentaire et qu'il fallait s'appuyer sur les expérimentations menées dans différentes régions (Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Poitou Charentes, Rhône-Alpes).
Enfin, des réflexions devront être menées pour améliorer le suivi de l'utilisation des livrets A et Développement durable, pas toujours fléchés vers des projets de transition écologique.
Entreprises : éco-conditionnalité des aides et obligations vertes
Le troisième groupe de travail devra passer en revue les outils à mobiliser pour engager la transition énergétique au sein des entreprises. "Aujourd'hui, les entreprises ont les finances serrées. Elles ont deux choix : investir dans leur cœur de métier ou dans la rénovation énergétique", résume Thierry Copie, directeur de Socomec, entreprise spécialisée dans les solutions électriques.
Pour mieux orienter l'aide publique, ce groupe de travail étudiera les conditions de mise en œuvre de l'éco-conditionnalité pour les Investissements d'avenir, annoncée par Jean-Marc Ayrault en juillet dernier, ainsi que les conditions d'octroi des prêts de la BPI en faveur de la transition énergétique.
Enfin, alors que le gouvernement entend faire passer la part d'électricité renouvelable de 14 à 40% en 2030, le dernier groupe de travail se penchera sur la mobilisation des obligations vertes pour financer des projets sur les territoires et sur la finalisation d'un label "investissement socialement responsable" (ISR).