Tout a semblé joué d'avance à la conférence ministérielle extraordinaire de l'AIEA organisée à Vienne (Autriche), siège depuis 1957 de cette agence onusienne, trois mois après l'accident de la centrale de Fukushima. Dès le premier jour, la déclaration finale était diffusée, soulignant "les bénéfices du renforcement d'une expertise internationale de haute qualité, en particulier dans le cadre de l'AIEA, à travers des évaluations périodiques des cadres réglementaires nationaux", résumant un compromis qui, cependant, ne prévoit pas l'élargissement du mandat de l'AIEA mais se bornera à conduire à l'adoption d'un plan d'action en septembre. A la tribune de la plénière, les discours des ministres se sont succédés, plaidant tous pour une sûreté et une transparence renforcées, gage de reconquête d'une opinion publique inquiète.
Un des temps forts de la semaine aura été la présentation par M. Weightman, inspecteur nucléaire britannique, des résultats de la mission internationale qu'il a conduite à Fukushima pour l'AIEA du 24 mai au 2 juin. Tout en se gardant de critiquer directement la gestion de l'accident par l'opérateur TEPCO et par les autorités japonaises, la mission a présenté la liste des enseignements de l'accident. M. Weightman a enjoint les Etats à "ne jamais être complaisants, toujours chercher à améliorer la sûreté, car ce sont toujours les plus aptes qui survivent", faisant allusion à la théorie de l'évolution de Darwin.
Proximité des parties prenantes
Le rapport d'évaluation présenté par M. Weightman a souligné l'importance "essentielle" d'améliorer l'indépendance des régulateurs chargés de contrôler la sûreté des centrales. Dans son discours prononcé lors de la plénière du 20 juin, Banri Kaieda, ministre japonais de l'économie, du commerce et de l'industrie, a annoncé, dans le même ordre d'idées, que l'agence japonaise chargée de la sûreté nucléaire (NISA) serait rendue indépendante du METI (ministère de l'industrie).
Mais l'intrication entre industrie nucléaire et élaboration des régimes de sûreté demeurera, comme l'a affirmé Daniel Poneman, vice-ministre américain de l'énergie, pour qui elle semble aller de soi : "Les compagnies d'énergie nucléaire et l'industrie nucléaire internationale continueront à jouer un rôle central dans la prévention et le traitement des accidents". Cette proximité du régulateur et du régulé est une caractéristique assumée du secteur. L'association mondiale des opérateurs nucléaires (WANO), pilotée par le Français Laurent Stricker, et l'association mondiale du nucléaire (WNA), dirigée par l'Américain John B. Ritch, ont été les chevilles ouvrières du groupe de travail sur l'amélioration de la sûreté nucléaire réuni cette semaine à l'AIEA.
Lors d'une conférence de presse le 21 juin, Gregory Jaczko, directeur de la Nuclear Regulatory Commission (NRC), l'autorité de sûreté nucléaire des Etats-Unis, a annoncé que les audits en cours des 104 réacteurs américains n'avaient pas conclu à la nécessité de mettre à l'arrêt une centrale. La centrale californienne de Diablo Canyon, située sur une faille sismique majeure, ne présente pas de danger, selon M. Jaczko. Les systèmes de refroidissement des 27 réacteurs BWR américains - du type de ceux de Fukushima – sont opérationnels, selon M. Jaczko, qui a approuvé l'idée de renforcer les peer reviews, ces inspections internationales prônées par le Japonais Yukiya Amano, directeur général de l'AIEA. Mais le directeur de la NRC a souligné que l'AIEA n'aurait pas les moyens d'effectuer des inspections dans chaque centrale américaine et souscrit à l'idée d'inspections effectuées au hasard. Au final, selon les conclusions des groupes de travail diffusées ce 24 juin, ce seront d'abord les installations les plus anciennes qui pourront être inspectées en priorité. Une décision laissée à la discrétion des Etats, dont l'AIEA dépend statutairement pour toute extension de ses futurs mandats en matière de nucléaire civil.