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Actu-Environnement

Un véritable bouleversement climatique

Édition spéciale Copenhague : l'augmentation tout azimut des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère met en péril l'équilibre climatique de la planète. Une situation sans précédent que rappelle Jean Jouzel, climatologue et membre du Groupe d'experts sur le changement climatique (GIEC).

   
Un véritable bouleversement climatique
   
Prenant en compte les différents scénarios, les modèles climatiques prédisent une fourchette d'augmentation de la température moyenne à l'horizon 2100 comprise entre 1,4 °C et 5,8 °C. Les incertitudes, importantes, ont deux causes principales. La première tient à notre connaissance imparfaite du système et l'imprécision relative des modèles utilisés pour réaliser ces projections. La seconde est liée à la difficulté de prévoir nos comportements en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Pour se convaincre que de tels changements correspondront à un véritable bouleversement climatique, il suffit de rappeler qu'entre le dernier maximum glaciaire et aujourd'hui, cette température moyenne n'a augmenté que de 5 à 6 °C. Et ce en plus de 5000 ans et non en moins d'un siècle.

D'autant que la quasi-totalité des terres émergées connaîtront un réchauffement plus rapide que la moyenne mondiale, en particulier, en hiver, aux latitudes élevées de l'hémisphère Nord. Ainsi un réchauffement moyen de 3 °C peut se traduire par 8 à 10 °C dans certaines régions de l'Arctique et les projections faites par différents modèles indiquent que pour la France, et plus généralement pour l'Europe de l'Ouest, ce réchauffement pourrait alors dépasser 4 °C. Il faut d'ailleurs s'attendre à un accroissement du nombre des vagues de chaleur sur presque toutes les terres émergées et les modèles français de l'IPSL et de Météo-France indiquent que l'été 2003, tout à fait exceptionnel, deviendrait la norme au-delà de 2050. A l'échelle régionale, on prévoit des variations de précipitation de l'ordre de 5 à 20 % avec, dans l'hémisphère Nord, des augmentations été comme hiver aux latitudes élevées, et durant l'hiver aux latitudes moyennes. Une diminution est par contre prévue en été dans des régions telles que le Sud de l'Europe et le pourtour Méditerranéen entraînant un assèchement des sols sous l'influence de l'accroissement de l'évaporation liée à l'élévation de la température. Par contre, les modèles ne concordent pas quant à l'évolution future des tempêtes aux latitudes moyennes ou des cyclones tropicaux, dont certaines mesures laissent cependant entrevoir un accroissement de l'intensité et des précipitations qui y sont associées. Enfin, ce réchauffement sera accompagné d'une régression généralisée de la couverture neigeuse, des surfaces continentales gelées de façon permanente et de la superficie de la glace de mer qui, en Arctique, pourrait avoir disparu l'été d'ici 2100, peut-être même plus rapidement. Une autre conséquence concerne l'élévation du niveau de la mer. Des études récentes ont montré que la composante liée à la dilatation, soit environ 40 cm d'ici la fin du siècle, a été surestimée dans le passé. En revanche, la contribution des grandes calottes, en particulier particulier du Groenland pourrait avoir été sous estimée en l'absence d'une prise en compte de l'accélération éventuelle de l'écoulement dont des signes avant-coureurs ont été observés ces dernières années. Au-delà de ces aspects liés aux paramètres physiques du climat, le réchauffement climatique aura des impacts sur les écosystèmes naturels, dont certains – glaciers, récifs coralliens, atolls, mangroves, forêts boréales et tropicales, écosystèmes polaires et alpins - sont menacés. Des travaux récents ont attiré l'attention sur l'acidification de l'océan de surface en réponse à l'absorption de CO2 et sur les risques que cela fait porter sur les écosystèmes marins. Enfin les impacts du changement climatique concernent également l'agriculture, la santé humaine, le tourisme, l'industrie...
Enfin les experts du GIEC attirent l'attention sur la quasi - irréversibilité de certains processus : fonte des glaces en régions polaires, libération de gaz à effet de serre piégés dans les sols gelés, modification de la circulation océanique... Le Gulf-Stream, sur lequel les variations rapides enregistrées dans le passé ont attiré l'attention, ne devrait pas s'arrêter d'ici 2100. Mais certains modèles indiquent que ce risque existe pour le prochain siècle et au-delà. Aucun risque néanmoins de retour à l'ère glaciaire, puisque les prédictions font alors toujours état d'un réchauffement de nos régions, qui serait alors moindre que le réchauffement planétaire moyen. Ceci étant un arrêt du Gulf-Stream s'y traduirait par des changements régionaux importants et rapides, synonymes de déstabilisation aussi bien sur les plans écologique qu'économique.

Dans le long terme la stabilisation de l'effet de serre passe obligatoirement par celle du CO2. Or stabiliser l'effet de serre est l'objectif, à l'évidence de bon sens, que s'est fixé la Convention sur le Changement Climatique mise sur pied en 1992 dans le cadre du Sommet de la Terre de Rio. Ratifiée par tous les pays membres des Nations Unies, y compris les États-Unis, celle-ci stipule comme
objectif ultime ''de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère
à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique''
.
Pour que la concentration de gaz carbonique se stabilise, il faut que les émissions soient contrebalancées par les puits océanique et biosphérique. Quelle que soit que la concentration visée, il faut qu'à un moment donné dans le futur, les émissions annuelles redescendent en- dessous de leur valeur actuelle pour atteindre des valeurs de 2 à 3 GtC/an, voire moins. Quel niveau de stabilisation doit être visé ? La Convention Climat se limite à indiquer qu'il ''conviendra de l'atteindre dans un délai convenable pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable''.
Certains spécialistes des impacts du changement climatique sont allés plus loin ; la vulnérabilité dépend du paramètre considéré mais tout plaide d'après eux pour que tout soit mis en oeuvre de façon à ce que le réchauffement moyen n'excède pas 2°C. Pour avoir de bonnes chances d'être atteint, il faudrait que le gaz carbonique soit stabilisé à 450 ppm. Dans ce cas, c'est dès 2020 que les émissions doivent diminuer pour revenir à leur valeur actuelle en 2050 et descendre à moins de 3 GtC/an à la fin du siècle. Entre les 30 GtC du scénario maximum,celui pour lequel aucun effort n'est fait pour limiter l'effet de serre, et celui certainement souhaitable d'une stabilisation à une concentration pas trop éloignée de sa valeur actuelle, c'est donc à terme un effort de l'ordre d'un facteur 10 qu'il faut réaliser.
Le défi est énorme...
D'autant qu'un aspect que met en exergue le troisième rapport du GIEC concerne l'inertie du système. Il intervient également pour la température et, encore plus, pour le niveau de la mer. Plaçons-nous à un moment dans le futur où les concentrations auront été stabilisées. La température moyenne de la planète va cependant continuer à augmenter de l'ordre d'un demi, degré. Une fois les concentrations en gaz carbonique à l'équilibre, le niveau de la mer continue à monter de façon quasi linéaire pendant plusieurs siècles. S'y ajoute le risque non négligeable que la calotte du Groenland, située dans une région de haute latitude dans laquelle le réchauffement est amplifié, ne contribue, d'ici quelques centaines d'années, de plusieurs mètres à l'élévation du niveau des mers. Si le niveau de stabilisation de l'effet de serre était trop élevé, on pourrait craindre à l'échéance de quelques siècles des augmentations de température de l'ordre de celles qui ont accompagné le passage d'une période glaciaire à une période interglaciaire et une montée du niveau de la mer qui pourrait atteindre plusieurs mètres. Nul besoin devant ces chiffres d'insister sur l'absolue nécessité d'une politique de réduction des émissions qui conduise à une stabilisation de l'effet de serre à un niveau qui permette une adaptation à un réchauffement climatique désormais inéluctable.

Le protocole de Kyoto qui vise, sur la période 2008-2012, à légèrement diminuer les émissions par rapport à celles de 1990, n'est qu'un tout premier pas dans cette direction. D'autant que les pays en voie de développement n'ont pas cette contrainte et que les États-Unis, premier pays émetteur, n'ont pas ratifié ce protocole qui est néanmoins rentré en vigueur. Tous les regards sont désormais vers l'après 2012. Je suis très conscient des efforts immenses qu'il faudra alors mettre en ouvre à l'échelle planétaire pour stabiliser l'effet de serre mais je souhaite terminer par une note d'optimisme. Elle tient au fait que les décideurs politiques ont, pour beaucoup d'entre eux, correctement compris le message que délivre notre communauté scientifique. Lors de la conférence 2006 de la Convention Climat, les signataires du Protocole de Kyoto ont reconnu la nécessité d'une division par deux des émissions. Comme d'autres pays européens la France a un discours volontariste. Dans le cadre de la loi de 2005, fixant les orientations de la politique énergétique notre pays soutient, pour les pays développés, la définition d'un objectif de division par quatre ou cinq de ces émissions d'ici 2050.

Jean Jouzel
Climatologue, membre du Groupe d'experts sur le changement climatique (GIEC)
Directeur de l'Institut Pierre Simon Laplace/Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement CEA/CNRS/UVSQ, CE Saclay

Réactions2 réactions à cet article

plogoff

à brice lalonde 1 inconditionnelle non violente de plogoff;sans oublier haroun tazieff!!!

Anonyme | 07 décembre 2009 à 15h01 Signaler un contenu inapproprié
cycles solaires, une chance à saisir?

Qui pourrait nous communiquer de vraies infos scientifiques et non polémiques estimant l'intensité du rayonnement solaire pour les prochaines décennies?
Pourrait-il être d'une intensité suffisamment faible pendant 20 ou 40 ans pour aboutir à une température moyenne du globe stabilisée voire en légère baisse?
Si c'est le cas, vous avez déjà compris le risque majeur: on dira que le GIEC s'est trompé, qu'on ne peut pas faire confiance aux scientifiques, qu'il est donc urgent d'attendre, que l'on peut dilapider un peu plus le pétrole, le gaz, le charbon, les métaux,...en oubliant la pollution et le fait que ces richesses ne sont pas renouvelables.
Et dans 40 ans? nouveau cycle solaire? beaucoup plus intense + le CO2 ...accumulés par imprévoyance et gaspillage comme aujourd'hui!
Résultat: un bouleversement climatique d'une brutalité toute particulière? ce serait assassiner nos petits enfants!
Un cycle solaire "froid" serait une chance inespérée de pouvoir réellement réagir à temps dans le cadre d'une vraie vision à long terme. Ce peut être également un cadeau empoisonné si l'on en profite pour continuer à vivre à court terme pour notre pseudo bien-être immédiat et égoïste.
Alors va-t-on connaitre un cycle solaire "froid"?
Si oui, il faut en être conscient, le faire savoir et saisir cette incroyable chance que nous donnerait encore notre créateur pour mener une politique sobre et respectueuse de tous les hommes de notre terre, nos frères des autres pays ou continents, et nos enfants.

Velo 54 | 08 décembre 2009 à 10h36 Signaler un contenu inapproprié

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