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Actu-Environnement

Négociations sur le financement de la lutte contre la déforestation tropicale: un changement de cap nécessaire

Édition spéciale Copenhague : Romain Pirard, docteur en économie de l'environnement, économiste à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) rappelle l'enjeu de la prise en compte de la lutte contre la déforestation dans les négociations internationales sur le Climat.

   
Négociations sur le financement de la lutte contre la déforestation tropicale: un changement de cap nécessaire
   
Le GIEC, groupement d'experts sur le climat, indique que les changements d'usage des sols contribuent à hauteur d'environ 20% des émissions globales de GES, et la déforestation tropicale en est de loin la source principale.

Bien que le phénomène soit préoccupant dans la plupart des pays tropicaux, les taux de déforestation diffèrent fortement. En Asie certains pays ont un taux très élevé d'environ 2% par an (Indonésie) mais d'autres voient au contraire un accroissement de leurs superficies forestières (Chine, inde). Le bassin amazonien est un cas emblématique, et le Brésil a enregistré ces dernières années une déforestation de plus de trois millions d'hectares annuellement (environ 25% de la déforestation dans le monde). Les pays du bassin du Congo ont été relativement préservés jusqu'à présent, mais devraient voir le phénomène s'aggraver avec le développement économique de la région. Notons aussi que les forêts tropicales contiennent des stocks importants de carbone bien que des contrastes existent là aussi : le carbone de la biomasse vivante atteint une moyenne de 110tC/ha en Amérique du sud, 77tC/ha en Asie du sud et du sud-est, et 155 tc/ha en Afrique du sud et centrale.

Ce phénomène de la déforestation, qui intervient quasi-exclusivement dans les pays en développement - les pays industrialisés tels que la France voyant leur couvert forestier augmenter - est donc devenu logiquement un sujet important des négociations devant mener à un accord global à Copenhague en décembre 2009. Les discussions se sont cristallisées autour d'un mécanisme de financement répondant à l'acronyme REDD (Réductions des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation).

La situation peut être résumée ainsi : alors que « les responsabilités communes mais différenciées » entre pays sont un des principes incontournables des négociations climatiques, il est acquis que dans un premier temps les efforts de réduction des émissions liées à la déforestation tropicale seront financés par les pays industrialisés. Ainsi, le mécanisme REDD a pour objectif d'organiser le transfert de ressources financières des pays industrialisés vers les pays en développement.

Le débat sur le fonctionnement de ce mécanisme a tendu depuis 2006 à opposer deux voies : d'un côté la création d'un Fonds international abondé par de l'argent public et chargé du financement des politiques publiques ; d'un autre côté l'élaboration d'un mécanisme de marché chargé d'organiser la distribution de crédits carbone qui seraient commercialisables sur les marchés internationaux du carbone.

Mais alors que l'option dite de marché fut favorisée dans un premier temps, les termes du débat ont évolué récemment. Le marché était censé permettre de lever des ressources financières bien plus importantes que par le passé, et de fonctionner sur un mode incitatif présumé le seul capable de « convaincre » les pays forestiers d'agir effectivement contre le problème.

Mais la réalité a progressivement rattrapé cette construction reposant sur des bases toutes théoriques, mettant en évidence l'impossibilité de résoudre un tel problème par le haut et par la finance. Ainsi, il y a aujourd'hui un relatif consensus sur le besoin de passer par des phases transitoires dont l'objectif, certes plus modeste en apparence, sera d'aider les pays en développement à élaborer des stratégies nationales et à avoir les capacités (aussi bien techniques qu'humaines ou politiques) de les mettre en œuvre. En effet, et pour le dire crûment, les négociations des trois dernières années ont focalisé sur l'accès à l'argent en oubliant complètement de stimuler la réflexion sur les moyens d'utiliser cet argent pour lutter la déforestation tropicale. Mais le changement de cap devrait être entériné à Copenhague. Espérons-le tout du moins.

Le dossier REDD fut présenté très tôt dans le cours des négociations comme un dossier « technique », en partant du principe que seules les questions de mise en œuvre devaient être résolues - méthodes de mesure des stocks de carbone, suivi de la déforestation, élaboration des scénarios de référence, inclusion des nouveaux crédits carbone dans les marchés existants, etc. - alors que les autres questions plus politiques étaient supposées soit faciles à trancher (on confie le financement au marché) soit hors sujet (les politiques domestiques sont souveraines).

Un grand nombre de pays en développement ont appuyé cette manière de procéder, en particulier les pays regroupés sous la Coalition of Rainforest Nations. Ces pays plaidaient pour que des règles simples soient fixées, afin que leurs résultats (déforestation observée comparée à une valeur de référence) soient récompensés avec la distribution de crédits carbone commercialisables. La Banque Mondiale a appuyé ce processus en mettant sur pied un fonds (FCPF, Forest Carbon Partnership Facility) chargé de financer des projets pilote, d'aider les pays à se préparer au mécanisme REDD, et de racheter à l'avenir les crédits carbone.

Par ailleurs, d'autres initiatives ont vu le jour tel que le programme onusien UN-REDD consistant à aider les pays à participer au processus REDD et à renforcer leurs capacités. Ajoutons à cela un bourgeonnement de projets de conservation forestière labellisés REDD, et qui visent soit à multiplier les expériences pour contribuer au débat, soit à anticiper le futur mécanisme afin d'en obtenir par la suite des bénéfices financiers ou simplement un moyen pour des ONG de financer les programmes de conservation.

En attendant que le changement de cap soit entériné à Copenhague - i.e. soutien dans l'élaboration/mise en œuvre des politiques et mesures plutôt que mise en place d'un marché pour le financement - les négociations continuent à traiter d'aspects techniques : sur le périmètre du mécanisme (inclusion de l'accroissement des stocks de carbone par des pratiques sylvicoles adéquates), la mise au point des modalités de mesure et suivi des émissions, ou la constitution de mesures de sauvegarde pour protéger les droits des populations indigènes (pour n'en citer que quelques unes).

Bien que ces points soient souvent pertinents à discuter, ils risquent de faire passer à côté du réel problème à l'origine des émissions substantielles provoquées par la déforestation : la concurrence sur l'usage des terres. Il est aujourd'hui avéré que l'expansion agricole, ainsi que dans une moindre mesure le développement des cultures pour les bioénergies, sont la cause première (et de loin !) de la déforestation.

Pourtant les leçons d'un tel constat ne sont pas encore tirées, puisque les discussions sur REDD sont isolées de celles sur l'agriculture, ou les bioénergies. C'est pourtant bien là que réside le salut des forêts tropicales, avec la nécessité de très rapidement investir dans la R&D et de diffuser les meilleures techniques pour accroître les rendements agricoles à l'hectare, tout en donnant les capacités aux pays en développement de définir des plans d'usage des sols cohérents, en s'appuyant sur la clarification des droits de propriété très largement sous le contrôle de l'Etat dans les principaux pays forestiers tropicaux.

Romain Pirard
Docteur en économie de l'environnement, économiste à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)

Réactions6 réactions à cet article

COPENHAGUE = KYOTO

Mais où vont tous ces gens par trains entiers,avions,cars,voitures ??? Ils vont à Copenhague...Et quoi faire à Copenhague ??? Fêter l'évenement ??? Quel Evénement ??? Ils vont faire la fête du "carbonne", le CO² ou les GES. Malades de faire la fête ils sont...Que de pognon dépensé, que de pollution supplémentaire et inutile, ils n'ont vraiment pas compris que pour polluer moins, il fallait rester chez soi et consommer moins. Qu'ils ne pleurent pas sur les pays pauvres, ils les ont "pillé" ces pays. On a détruit leurs forêts pour nourrir nos vaches et nos cochons dont une partie finissent dans nos poubelles. Les pauvres n'ont rien demandés,on les a exploité...Arrêtons cette colonnisation. Trop de pays continuent à faire du business sur le dos de ces pays pauvres, à commencer par les pays du bénélux dont nous faisons partie. Celà dure depuis 2 siécle alors pas besoin d'aller faire du cinéma et verser des larmes de crocodile à Copenhague...Vraiment, il y a des gens qui doivent bien gagner à se balader, médias,politiques et blabla..

BERTRAND | 07 décembre 2009 à 08h36 Signaler un contenu inapproprié
chantez bardit !

Aux politiques préconisées par d'éminents docteurs,
s'opposeront des "pratiques" d'éminents dictateurs.
cherchez l'erreur.
Quant aux droits des populations indigènes...Nous y opposeront l'us et coutumes,bien moins lourd que force de lois.n'est il pas ?

squelette élégant | 07 décembre 2009 à 09h21 Signaler un contenu inapproprié
ça laisse quand même songeurs

vous ne trouvez pas gonflé de nous poser en donneurs de leçon,super techniciens et tout ce qu'on veut vis à vis des pays émergents quand nous sommes responsables pour l'essentiel du rechauffement climatique et de cette déforestation dans beaucoup de pays à cause de nos besoins démesurés?

LOLO974 | 07 décembre 2009 à 10h06 Signaler un contenu inapproprié
Re:COPENHAGUE = KYOTO

... Donc la solution c'est de rester chacun dans son coin, de ne rien coordonner et de se dire que de toute façon, quelqu'un va bien faire le job !? c'est ça la solution ?!
Au contraire, de nombreuses erreurs ont été commise (exploitation des pays du sud, colonnisation,...) par le passé. Donc de 2 choses l'une : soit on continue à dire qu'il ne fallait pas le faire et que de toute façon, la meilleure solution pour la planête c'est d'arrêter de consommer à l'échelle de la planête (= le monde de OUI-OUI !), soit on se essaye de bosser tous ensemble (=Copenhague), parce qu'on est tous dans le même bateau et que la réponse est éminament plus compliquée que de dire "faut pas aller à Copenhague parce que ça pollue !!" ... De la mesure SVP, de la mesure dans vos propos, histoire de faire avancer le débat...

sam | 07 décembre 2009 à 11h16 Signaler un contenu inapproprié
déforestation et reboisement

bonjour!

notre association est tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les propositions contre la déforestation, mais ne devons-nous pas penser à reconstituer les superficies perdues et plus particulièrement une reforestation des espaces susceptibles de former des puits de carbone
si une perte de superficies forestières accroit des émanations de co2 une reforestation joue un effet inverse en ce sens que non seulement une séquestration de co2 est opérée naturellement mais une oxigénation de l'atmosphère est assurés également naturellement A+

DAOUD Alger | 17 décembre 2009 à 16h47 Signaler un contenu inapproprié
et si on réfléchissait pour une fois au lieu de...

solution 1 : on exploite notre terre jusqu'à la dernière goutte de pétrole et le dernier arbre et on est 9 milliards dont 6 ne mangent pas
solution 2 : on économise le pétrole, on développe le durable et le renouvelable, on replante des arbres et on est seulement 4 milliards et on mange tous.
Je préfère la solution 2

tarvol | 18 décembre 2009 à 10h13 Signaler un contenu inapproprié

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