Le Conseil constitutionnel a statué le 4 août sur les quatre articles, contestés par les sénateurs et députés Les Républicains, après l'adoption de la loi sur la biodiversité le 20 juillet dernier. Il a jugé ces articles "pour l'essentiel, conformes à la Constitution tout en prononçant une censure partielle".
Les Sages ont ainsi validé l'interdiction d'utilisation des pesticides contenant des substances néonicotinoïdes au 1er septembre 2018 (avec une possibilité de dérogations jusqu'au 1er juillet 2020), "compte tenu des risques qu'elles sont susceptibles d'emporter sur l'environnement et la santé publique".
Dans leur décision, ils ont précisé que si le législateur a interdit l'usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits, il n'a en revanche interdit ni leur fabrication ni leur exportation, tout en soulignant les possibilités de dérogation. "Dans ces conditions, [le législateur] a porté à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et ces semences et à celle de leurs usagers une atteinte qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement et de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique poursuivis", ont estimé les Sages.
L'amélioration constante de la protection de l'environnement s'impose
Le Conseil constitutionnel a également jugé conforme à la Constitution le principe de non-régression du droit de l'environnement dans le code de l'environnement. "Les dispositions contestées énoncent un principe d'amélioration constante de la protection de l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s'impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, ces dispositions ne sont donc pas dépourvues de portée normative", ont expliqué les Sages. De même, ces dispositions "ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l'article 5 de la Charte de l'environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution", ont-ils ajouté.
Les Sages ont aussi donné leur feu vert à l'instauration d'une redevance annuelle sur l'exploitation de gisements en mer, situés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive. Cette redevance est à la charge des titulaires de concessions autres que celles de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Son produit doit être affecté à l'Agence française pour la biodiversité (AFB) prévue pour 2017. La loi prévoit que la redevance est majorée lorsque les activités concernées s'exercent dans le périmètre d'une aire marine protégée. "Le législateur a entendu limiter les activités ayant un impact environnemental dans ces zones. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. La différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objet de la loi. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté", ont-ils notamment jugé.
La vente des semences par les associations est retoquée
Concernant les cessions et échanges de semences prévus par la loi, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes les dispositions exemptant de certaines règles les cessions d'espèces végétales appartenant au domaine public, réalisées à titre gratuit au profit d'utilisateurs qui n'entendent pas en faire une exploitation commerciale. En revanche, il a jugé contraires au principe d'égalité les dispositions instituant cette même exception en faveur des cessions à titre onéreux effectuées par les seules associations régies par la loi du 1er juillet 1901. "Sans remettre nullement en cause la volonté du législateur de favoriser les échanges aux fins de préservation de la biodiversité", le Conseil constitutionnel a estimé que "la distinction reposant sur la forme juridique des personnes morales se livrant à des échanges à titre onéreux était sans rapport avec l'objet de la loi".
Le Conseil constitutionnel a censuré d'autres dispositions de la loi, introduites selon une procédure contraire à la Constitution ("cavaliers" ou "entonnoirs"), c'est-à-dire sans rapport direct avec le texte. Il a donc retoqué le rattachement de l'établissement public du marais poitevin à l'Agence française pour la biodiversité et les règles applicables à la protection des chemins ruraux. Il a aussi censuré la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement relatif à l'opportunité de compléter les redevances des agences de l'eau.
Cette validation du texte par les Sages devrait permettre au Gouvernement de promulguer rapidement la loi.