Coup d'arrêt judiciaire dans la lutte contre l'usage massif des pesticides : le Conseil d'Etat a annulé mercredi 28 décembre l'ordonnance du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).
Pour justifier en l'espèce la nécessité d'une consultation, le Conseil d'Etat juge que les dispositions de l'ordonnance ont une incidence directe et significative sur l'environnement dès lors qu'elles mettent à la charge des personnes qui vendent des pesticides "des obligations destinées à limiter leur activité économique afin de protéger l'environnement et dont la violation est passible de sanctions d'un montant élevé".
Pourtant, déplore le ministre de l'Agriculture qui "prend acte avec regret de l'annulation", la consultation du public avait bien été effectuée sur les grands principes du dispositif dans le cadre de la consultation relative au plan Ecophyto 2 ainsi que sur le décret pris en application de l'ordonnance.
Annulée pour une question de forme, Stéphane Le Foll affirme sa volonté de poursuivre l'expérimentation. Le ministre indique veiller à ce que "les bases juridiques de ce dispositif (…) soient rétablies dans les plus brefs délais" afin de ne pas casser la dynamique engagée.
Reste que le Conseil d'Etat envoie un bien mauvais signal à l'encontre de l'agro-écologie et de l'écologie en général. "Pourquoi tout nouvel acte favorable à l'écologie est-il sanctionné par le Conseil d'Etat (phyto) ou le Conseil constitutionnel (taxe carbone) ?", réagit ainsi l'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage.
Dispositif entré dans une phase opérationnelle
Le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prévu par la loi d'avenir pour l'agriculture d'octobre, a été décidé suite au constat d'échec de la réduction des pesticides dans le cadre du premier plan Ecophyto. Selon ce dispositif expérimental, qui couvre la période 2016-2022, les distributeurs de pesticides à usage professionnel sont tenus de promouvoir ou mettre en œuvre des actions permettant de réduire l'utilisation des produits qu'ils mettent sur le marché.
A l'instar du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) qui a fait ses preuves dans le domaine des économies d'énergie, chaque distributeur soumis à une obligation d'économie de produits phytopharmaceutiques doit justifier de sa réalisation soit par la mise en œuvre d'actions de réduction, soit par l'acquisition de certificats auprès de personnes exerçant des activités de conseil aux agriculteurs et ayant mis en oeuvre de telles actions. En cas de non-respect des obligations de réalisation des actions à l'échéance du 31 décembre 2021, l'ordonnance prévoyait une pénalité forfaitaire qui pouvait théoriquement atteindre cinq millions d'euros pour une même personne.
Le dispositif était entré dans sa phase opérationnelle. Ses modalités de fonctionnement ont en effet été précisées par un décret paru fin août, complété par des arrêtés publiés le mois suivant. "Une première série d'actions d'économie de produits phytopharmaceutiques a été reconnue par le ministère chargé de l'agriculture, après expertise par un comité d'évaluation indépendant animé par l'Inra. En outre, les distributeurs concernés ont récemment reçu notification de leurs obligations de mise en œuvre de ces actions", ajoute M. Le Foll.
L'insuffisance du dispositif avait été critiquée par les associations de protection de l'environnement lors de sa mise en place. "Nous sommes dans un schéma d'obligation de moyens et non de résultats", déplorait ainsi François Veillerette, porte-parole de l'association Générations futures. Le dispositif s'est toutefois révélé suffisamment contraignant pour que les fédérations professionnelles impactées décident de l'attaquer en justice.