C'est une petite phrase dans une décision rendue par le Conseil d'État, le 15 novembre. Mais elle pourrait changer beaucoup de choses dans les procédures de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement.
« Ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne », affirme la Haute Juridiction administrative. Ces stipulations, ce sont celles du paragraphe 4 de l'article 6 de la Convention internationale d'Aarhus du 25 juin 1998, qui encadre l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Il y est indiqué que « chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ».
« Or, d'évidence, nos procédures ne respectent pas l'obligation de laisser le temps au public de se préparer et participer aux travaux tout au long du processus décisionnel, et ce, dès le début de la procédure afin qu'il puisse jouer un rôle effectif dans la prise de décision », réagit Gabriel Ullmann, docteur en droit de l'environnement. « Il en résulte l'obligation de revoir de fond en comble le processus d'enquête publique et, pis, de consultation électronique de maints projets, qui, actuellement, intervient en fin de procédure, quand tout ou presque est joué », ajoute cet ancien commissaire enquêteur, qui a fait l'objet d'une radiation, fin 2018.
Vrai coup de tonnerre
Le principe d'effet direct, reconnu ici par le Conseil d'État, donne la possibilité à un particulier d'invoquer une disposition d'un traité international directement devant une juridiction nationale lors d'un litige, sans qu'il soit besoin qu'un texte la reprenne dans le droit national. « C'est un vrai coup de tonnerre, estime M. Ullmann. À voir ensuite comment les juridictions vont réagir, car c'est la première fois que le Conseil d'État reconnaît l'effet direct de la Convention sur ces points. » « Quelques arrêts avaient déjà appliqué l'article 6, § 4, donc reconnu son effet direct, mais sans l'affirmer explicitement », nuance, sur Twitter, Julien Bétaille, maître de conférences en droit public.
« Fidèle à son principe, le Conseil d'État bouscule la jurisprudence par un arrêt qui déboute les requérants, mais donne raison sur le fond », commente Gabriel Ullmann. Le juge administratif rejette en effet, ici, le pourvoi de l'association de protection de l'environnement Force 5, qui avait attaqué l'arrêté d'autorisation de la centrale de production d'électricité de Landivisiau (Finistère).
Remise en cause des procédures actuelles
Cette nouvelle décision s'inscrit dans un contexte national de remise en cause des procédures actuelles de participation du public. Le 29 octobre, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a publié un rapport dont certaines des conclusions allaient dans le même sens. Il suggérait en effet aux ministres commanditaires d'associer le public plus en amont des projets.
Mais, dans le même temps, les hauts fonctionnaires recommandaient de faire converger les fonctions de garant de la concertation et de commissaire enquêteur en les rattachant à une même autorité indépendante. Une préconisation qui se rapproche de celles faites par la députée LReM Cécile Muschotti, qui a proposé au Premier ministre la création d'un Défenseur de l'environnement.
En tout état de cause, cette nouvelle décision du Conseil d'État vient plaider pour une nouvelle réforme des procédures de participation du public. Reste à voir dans quel sens elle penchera, si elle se fait.