Les ministres européens de l'énergie, réunis jeudi 12 décembre à Bruxelles, ont voté contre la proposition de compromis de la présidence lituanienne du Conseil de l'UE visant à imposer une limite de 7% d'incorporation d'agrocarburants de première génération (biodiesel et bioéthanol) dans les transports en 2020.
Le compromis proposé par la présidence lituanienne visait à "promouvoir la production de biocarburants avancés, en réduisant ainsi les effets secondaires de leur fabrication néfastes à l'environnement et l'homme tout en garantissant la protection des investissements actuels". Le projet de loi lituanien affaiblissait l'obligation de déclaration des émissions de CO2 causées par le changement indirect d'affectation des sols (Casi ou Iluc) et rendait facultatif le recours à des biocarburants de dernière génération, produits à partir d'algues et de déchets, a précisé le site Euractiv.com.
Or, le Parlement européen s'était prononcé le 11 septembre dernier pour un plafond de 6% d'agrocarburants alors que la Commission européenne proposait un seuil de 5%. Les eurodéputés (1) ont également fixé à 2,5% l'incorporation d'agrocarburants avancés fabriqués à partir d'algues ou de déchets. Ils avaient également approuvé la prise en compte, à partir de 2020, des émissions de gaz à effet de serre attribuées aux agrocarburants liées au Casi dénoncées par les industriels du biodiesel.
Un accord des ministres sine die
La Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Danemark et l'Italie se sont opposés au compromis de la présidence lituanienne, car ils estiment que la limite d'agrocarburants doit être fixée à 5%. La Hongrie et la Pologne ont voté contre car elles souhaitent supprimer toute limitation sur les biocarburants. De leur côté, l'Espagne, la France et le Portugal soutiennent un objectif d'incorporation de 7%.
"Il existe encore quelques questions en suspens et il n'a pas été possible de parvenir à un accord politique à ce stade. Par conséquent, le Conseil a invité ses instances préparatoires à poursuivre les travaux permettant de parvenir à un accord politique futur", a indiqué le Conseil de l'UE dans un communiqué.
L'eurodéputée Corinne Lepage (ALDE, Cap 21), rapporteure du texte au Parlement, a déploré sur son compte Twitter le rejet par le Conseil "du très minimaliste" compromis. "Victoire du biodiesel. Défaite de la lutte contre la faim et de la défense du climat", a-t-elle dénoncé. Faute de mandat de négociation accordé à l'eurodéputée en vue de trouver un accord avec le Conseil de l'UE avant les élections européennes de mai 2014, Corinne Lepage espérait en septembre "avoir un texte avant la fin de la mandature, mais là, il n'y en aura donc pas avant 2015".
Une alliance "malheureuse entre les Etats les plus ambitieux et les moins ambitieux a bloqué tout progrès au Conseil sur le changement indirect dans l'affectation des sols", a regretté la commissaire européenne au Climat Connie Hedegaard. "Pour combien de temps ?", a-t-elle demandé, soulignant que "tout délai signifie incertitude pour l'industrie des biocarburants".
"Nous ne pouvons pas continuer pendant sept ans avec les directives actuelles. Il faut les modifier", a pour sa part insisté le commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger.
Le statu quo du Conseil divise
Le texte proposé par la présidence lituanienne divise les ONG et les agro-industriels. Pour les associations Oxfam France, Greenpeace et le Réseau Action climat, ce compromis "manquait d'ambition" car il ne permettait pas "de réduire les impacts négatifs liés aux agrocarburants de première génération". L'adoption d'un plafonnement à 7% pour 2020 conduirait "à une augmentation de 50% de la consommation d'agrocarburants par rapport à aujourd'hui. 400 millions de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires seraient alors émises par rapport à la proposition de la Commission de plafonnement à 5%", ont prévenu les ONG.
Pour Clara Jamart d'Oxfam France : "Les Etats membres doivent aboutir à une proposition ambitieuse dans les plus brefs délais, négocier avec la Commission et le Parlement européen, et cesser de subventionner des agrocarburants qui nuisent au climat et à l'environnement, et mettent en péril le respect du droit à l'alimentation de centaines de millions de personnes vulnérables dans le monde".
De son côté, le Bureau européen du biodiesel (EEB), représentant les producteurs, s'est félicité des conclusions des ministres de l'Energie, notamment la demande de davantage de recherches sur les effets des changements indirects dans l'affectation des sols."Le rejet de la proposition de la Lituanie indique explicitement que le facteur Casi est loin d'être consensuel", estime EEB qui appelle "à une meilleure compréhension de la production de biodiesel en vue de parvenir à un compromis juste et équilibré entre les institutions de l'UE".