Manque de transparence, sélection biaisée des études prises en compte… Les critiques s'accumulent à l'encontre des méthodes d'évaluation des risques liés au glyphosate adoptées par la Commission européenne, en vue du renouvellement de son approbation de son utilisation au sein de l'Union d'ici à la fin de l'année 2022. Émise par la Commission nationale déontologie et alerte en santé publique (CnDaspe), chargée de veiller à la déontologie de l'expertise scientifique et technique en matière de santé et d'environnement, la dernière en date, après celles des associations, est particulièrement sévère.
Dans son avis, publié le 10 janvier dernier, la Commission met ainsi en doute la robustesse du dossier initial fourni à l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) et à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), elles-mêmes responsables de mener des consultations avant de transmettre leur avis final sur la question à la Commission européenne.
Élaboré par un Groupe d'évaluation sur le glyphosate (AGG), composé de membres de quatre pays (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède), ce prérapport souffrirait, selon la CnDaspe, d'une trop grande rigidité des règles de sélection des contributions prises en compte par ce groupe. Pour finir, 90 % des articles publiés dans la littérature scientifique internationale auraient ainsi été éliminés, car jugés « non pertinents ». Conséquence : le matériau retenu proviendrait essentiellement des industriels à l'origine de la demande de renouvellement. Un biais déjà repéré pour l'exercice d'évaluation précédent (2017), grâce à l'ouverture récente de l'accès aux dossiers d'origine industrielle – jusqu'alors placés sous le sceau du secret – et dénoncé, au printemps dernier, par deux chercheurs en toxicologie : Alexander Nersesyan et Siegfried Knasmüller.
La CnDaspe reproche aussi à ce prérapport de réfuter d'emblée les classifications cancérogène, mutagène, reprotoxique ou perturbateur endocrinien de ce désherbant, alors qu'une expertise collective de l'Inserm, rendue publique en juin dernier, cite précisément, entre autres, « la présomption d'un lien entre le glyphosate et le risque de lymphome non hodgkinien dans des populations d'agriculteurs ».
Afin d'éviter ces dérives, la CnDaspe préconise donc, notamment, la constitution d'un panel international de personnalités indépendantes, spécialistes de la déontologie de l'expertise scientifique dans les champs de l'environnement et de la santé publique, afin d'examiner les liens d'intérêt des participants au prérapport d'évaluation et aux travaux de l'Efsa et de l'Echa. La Commission réclame aussi une analyse critique des études par un panel international de personnalités indépendantes, experts en toxicologie en matière de cancer, de génotoxicité, de reprotoxicité et de perturbation endocrinienne.