C'est une décision favorable aux partisans de la restauration écologique des cours d'eau que la Haute Juridiction administrative a rendue, le 28 juillet dernier. Par cette décision, le Conseil d'État juge que l'article L. 214-18-1 du Code de l'environnement, qui exempte certains moulins des obligations de restauration de la continuité écologique des cours d'eau, méconnaît les objectifs de la directive-cadre sur l'eau ainsi que le règlement du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes. Ces dispositions exemptent, en effet, les moulins existants à la date de publication de la loi du 24 février 2017 sans prendre en compte les incidences des installations sur la continuité écologique des cours d'eau ni leur capacité à affecter les mouvements migratoires des anguilles.
Il incombe par conséquent aux préfets de « s'abstenir d'adopter les mesures réglementaires destinées à permettre la mise en œuvre de ces dispositions » et, le cas échéant, aux ministres de donner instruction à leurs services de « n'en point faire application tant que ces dispositions n'ont pas été modifiées », indique la décision.
France Nature Environnement (FNE) se félicite de cette « victoire juridique majeure pour la nature ». « Les dispositions européennes imposent à la loi française d'assujettir les ouvrages au respect des mouvements migratoires des poissons amphihalins (saumons, anguilles, aloses, lamproies…). (…) Cette décision constitue une première étape vers le respect de la continuité écologique des cours d'eau, par tous, y compris les moulins. Une bonne nouvelle aussi pour les anguilles, en danger d'extinction », réagit la fédération d'associations de protection de l'environnement.
En mai dernier, le Conseil constitutionnel avait, au contraire, douché les espoirs des associations en déclarant conforme à la Constitution ce même article du Code de l'environnement. Seule satisfaction pour les requérantes, les Sages avaient jugé que l'exemption ne s'appliquait pas aux ouvrages installés sur les cours d'eau en très bon état écologique, « qui jouent le rôle de réservoir biologique ou dans lesquels une protection complète des poissons est nécessaire ». La bataille judiciaire entre naturalistes et promoteurs de la petite hydroélectricité n'est sans doute pas terminée. Les dispositions de la loi Climat et résilience, prises au bénéfice des seconds, sont venues en effet ajouter à la confusion.