"Quelques faiblesses". C'est ce qu'a relevé la Cour des comptes européenne au cours d'un audit du système communautaire de contrôle des produits biologiques. Celle-ci insiste, dans son rapport spécial publié le 26 juin, sur l'importance d'un tel système : "Vu qu'il n'existe aucun moyen scientifique de déterminer si un produit est biologique ou non, le système de contrôle vise à garantir les procédés de production et non les produits eux-mêmes. Le marché des produits biologiques dépend dans une large mesure de la confiance des consommateurs, et donc de ce système de certification censé garantir que les produits biologiques sont authentiques".
Renforcer la supervision des organismes de contrôle
La réglementation européenne prévoit que les Etats membres mettent en place un système de contrôle (public, privé ou mixte), que la Commission est chargée d'auditionner. Or, depuis 2001, la Commission n'a réalisé aucun audit dans les États membres en vue de vérifier la conformité réglementaire de ces contrôles. Une situation qui devrait changer en 2012, a indiqué la Commission.
Dix huit Etats membres ont confié les contrôles à des organismes privés. Dans ce cas, les autorités compétentes sont chargées d'agréer et de superviser les organismes et autorités de contrôle. Lors de son audit, la Cour des comptes a relevé plusieurs faiblesses, notamment en France où "l'autorité compétente n'avait établi [au moment de l'audit] ni les procédures ni les listes de vérification permettant de valider les plans de contrôle des organismes de contrôle, qui constituent le principal document communiqué par ces derniers".
Pourtant, ces organismes de contrôle sont chargés d'inspecter au moins une fois par an les opérateurs et de délivrer les certifications biologiques conformément aux règles de l'UE. Ils doivent également procéder à une "évaluation systématique des risques de leurs opérateurs en tenant compte des facteurs de risque liés à la nature de leurs opérations (par exemple la quantité des produits concernés ou le risque que des produits biologiques soient échangés avec des produits conventionnels) lorsqu'ils prennent la décision d'effectuer ou non des visites de contrôle supplémentaires". La Cour des comptes relève qu'une majorité d'organismes de contrôles audités (7 sur 12) ne tiennent pas compte de ces facteurs de risque lorsqu'ils décident de procéder à des visites de contrôle supplémentaires.
Analyses en laboratoire et traçabilité
Concernant la traçabilité des produits, les organismes de contrôle et les autorités compétentes réalisent des contrôles de surveillance. La Cour, qui a vérifié la traçabilité de 85 produits d'origine et de composition différentes, conclut qu'il "n'est pas toujours possible, pour tous les produits, de remonter jusqu'au niveau du producteur". Cela s'est même avéré impossible pour 40 % des produits testés. "Cette situation s'explique en grande partie par le fait que les États membres n'exercent aucune autorité sur les opérateurs en dehors de leur territoire lorsque les produits ou leurs ingrédients franchissent les frontières intérieures et extérieures de l'UE", analyse la Cour des comptes. Elle dresse une liste de préconisations pour les produits importés mais se félicite de la simplification qui découle de l'initiative récente de la Commission d'abandonner progressivement le régime d'autorisation des importations. Plus généralement, la Cour salue la transparence du système italien, où "plusieurs organismes de contrôle ont créé des bases de données en ligne qui permettent aux consommateurs et aux entreprises acquérant des produits biologiques auprès des opérateurs certifiés par eux de vérifier la véracité des documents de transaction ou du certificat de conformité des opérateurs".
Une autre méthode peut permettre de vérifier l'origine du produit :"Les méthodes de production biologique supposent obligatoirement une restriction de l'utilisation de produits chimiques et d'autres substances. En cas de doute, la recherche de résidus peut fournir des éléments probants attestant ou non l'utilisation de substances non autorisées, telles que les pesticides interdits, les organismes génétiquement modifiés (OGM), les additifs alimentaires ou les produits phytosanitaires", indique la Cour. Mais la réglementation ne définissant pas un nombre minimal d'analyses à effectuer, le recours à cette pratique est différent d'un organisme à l'autre. Cependant, après avoir demandé aux Etats membres de procéder à des tests sur une série de produits achetés, la Cour des comptes estime qu'un certain nombre d'organismes de contrôle adoptent les bonnes pratiques.
"En France, l'un des organismes de contrôle visités élabore chaque année un programme de contrôles analytiques en laboratoire en se fondant sur une analyse des risques ainsi qu'en tenant compte de toute alerte et des résultats des années précédentes. Depuis 2009, le comité de certification établit un plan prévisionnel d'analyses, qui précise le nombre minimal d'échantillons à examiner ainsi que le nombre minimal d'analyses à effectuer sur ces échantillons". Un deuxième organisme de contrôle audité en France a défini une stratégie analytique qui détermine les critères de déclenchement d'un contrôle en laboratoire. "Il s'agit principalement de cas particuliers, comme celui des opérateurs mixtes (produits biologiques et conventionnels) et des risques liés aux OGM". Seulement, cet organisme s'est fixé un budget maximal pour ces opérations.
Sanctions et paiement d'aides
En Allemagne, en France et au Royaume-Uni, les autorités compétentes n'ont pas distingué de catégories précises pour les manquements et les sanctions correspondantes. De ce fait, il revient à chaque organisme de contrôle de les définir et donc, pour une même infraction, les opérateurs peuvent être sanctionnés de manière différente au sein d'un même État membre.
De plus, en cas d'irrégularités et d'infractions qui altèrent le caractère biologique d'un produit, une communication immédiate doit en être faite aux autres États membres et à la Commission via le système d'information sur l'agriculture biologique (Organic Farming Information System – OFIS). Or, le délai de communication varie aujourd'hui d'un à sept mois, note la Cour des comptes.
De même, la réglementation européenne prévoit que, dans le cadre de la PAC, certaines pratiques de l'agriculture bio puissent être éligibles à une aide au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural. Dans ce cadre, l'échange d'informations entre les services et les organisations actifs dans la vérification des critères d'éligibilité à cette aide est obligatoire. Mais il s'avère insuffisant dans plusieurs Etats membres. En France, par exemple, "les résultats des vérifications effectuées par les organismes de contrôle ne sont pas communiqués à l'organisme payeur chargé des aides agroenvironnementales. Par conséquent, les cas de non-respect des conditions d'obtention des aides agroenvironnementales détectés par un organisme de contrôle risquent de ne pas se traduire par une réduction ou par un recouvrement des paiements".