Le président de la République, Emmanuel Macron, a pris sa décision : l'entrée en vigueur du décret relatif à la mise en place du contrôle technique pour les deux-roues motorisés (2RM) est « suspendue jusqu'à nouvel ordre ». Le ministère des Transports a annoncé la nouvelle 24 heures seulement après la parution du décret au Journal officiel ce mercredi 11 août.
L'exécutif aurait l'intention de ne pas « embêter » outre-mesure les Français, déjà contraints par la mise en application du pass sanitaire, et en particulier les milliers de motards qui avaient déjà signifié leur ferme opposition à ce texte lors de manifestations au printemps dernier. Néanmoins, en plus de vouloir renforcer la sécurité des usagers, ce décret suspendu avait également pour but d'accentuer la lutte contre la pollution de l'air et les nuisances sonores produites par les 2RM.
Contrôle technique pour tous les deux-roues
Avant l'intervention inattendue du président de la République, saluée par la Fédération française des motards en colère dans Le Monde, le fameux décret était censé imposer un contrôle technique (comme celui déjà en place depuis 1992 pour les voitures thermiques) à tous les véhicules motorisés à deux ou trois roues et jusqu'aux quadricycles à moteur. Autrement dit, l'ensemble des engins de catégorie L devait y être soumis – y compris les motos, les scooters, les quads ou les voitures sans permis à partir de 50 cm3. Seuls les vélos à assistance électrique n'étaient pas concernés.
Ce contrôle technique devait être réalisé, une première fois, dans les six mois précédant les quatre ans de mise en circulation du véhicule (neuf ou d'occasion), puis tous les deux ans. Les 2RM immatriculés avant 2016 avaient jusqu'en décembre 2023 pour l'effectuer –jusqu'à la fin de l'année 2024 pour les véhicules immatriculés entre 2016 et 2020.
Une mise en conformité à nouveau reportée ?
Cette nouvelle obligation pourrait non seulement améliorer la sécurité des véhicules contrôlés mais aussi écarter « une partie du parc qui est devenu obsolète [et] supprimer des scooters et des motos qui ne devraient plus circuler », a souligné Franck-Olivier Torro, porte-parole de Ras le scoot, association de lutte contre les nuisances des deux-roues, sur France Info. D'autant plus qu'elle relève d'une mise en conformité, maintes fois reportée, avec une directive européenne de 2014.
« [Le Gouvernement] ne peut pas se permettre, du jour au lendemain, de faire n'importe quoi avec la législation et surtout sur les questions de sécurité routière et de pollution, s'est ainsi insurgée Karima Delli, présidente de la commission transport et tourisme du Parlement européen, sur France Info. La France doit se conformer au droit européen, cette mesure a été repoussée depuis des années ».
Cette directive prévoit, dans chaque État-membre, la mise en œuvre de ce contrôle au 1er janvier 2022. Bien qu'en retard d'un an sur le droit européen, le décret français souhaitait élargir cette obligation à tous les 2RM, contrairement à la directive. Celle-ci la limitait en effet aux véhicules de catégorie L3e (deux-roues sans side-car), L4e (deux-roues avec side-car), L5e (véhicules à trois roues symétriques) et L7e (quadricycles lourds à moteur) de plus de 125 cm3.
L'impact sur le bruit et la qualité de l'air
« Derrière le fait de favoriser un bon entretien des véhicules, cette mesure permettrait d'atténuer sérieusement leurs pollutions sonores et de l'air, et donc d'améliorer la qualité de vie dans l'espace public, nous a affirmé Tony Renucci, directeur général de l'association Respire. Car un véhicule mal entretenu va polluer d'autant plus ».
En août 2020, le Centre d'information sur le bruit rapportait en effet que les nuisances sonores occasionnées par la circulation des 2RM comptent parmi les plus gênantes du spectre de l'espace public. La faute revient, le plus souvent, à une modification volontaire des pots d'échappement qui, en plus de générer plus de bruit, aggrave « leurs rejets polluants » selon Ras le scoot.
Pour rappel, les motos et autres scooters polluent plus que les voitures à essence ou diesel récentes. D'après les chiffres publiés en 2018 par le Conseil international sur le transport propre, et relevés par Ras le scoot et Respire, les 2RM produisent en moyenne dix fois plus de monoxyde de carbone (CO) que les voitures à essence et vingt fois plus que les voitures diesel. En outre, ils émettent trois fois plus d'oxydes d'azote que les premières. Une étude de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar) pointait notamment du doigt le catalyseur qui équipe les scooters de 125 cm3 et tend à perdre de son efficience lorsque le moteur tourne, très fréquemment, à plein régime.
Des discussions organisées en septembre
Raison de plus pour voir ce décret comme une mesure de sécurité mais aussi de lutte contre la pollution de l'air. Qu'il ait été suspendu surprend d'autant plus. « La France doit verser une amende de dix millions d'euros pour inaction face à la pollution de l'air, mais Macron préfère faire des cadeaux à dix mois de l'élection », a tweeté David Belliard, adjoint Europe Écologie-Les Verts à la Mairie de Paris, en référence à un récent jugement du Conseil d'État.
« Le Gouvernement ferait mieux d'appliquer la loi parce qu'il risque d'être pris à nouveau en défaut au niveau judiciaire, a ajouté Tony Renucci. On va recréer le même schéma avec des conséquences un peu similaires ». L'association Respire n'envisage cependant pas de lancer un recours, pour le moment. Elle préfère attendre les rencontres prévues en septembre, par le ministère des Transports, « pour échanger plus largement » sur le sujet.