
La vénérable institution a été mandatée par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, afin d'organiser un débat contradictoire sur le changement climatique, à la suite d'une pétition signée par 600 chercheurs, en avril dernier.
Ces scientifiques demandaient à être confrontés aux tenants des thèses tendant à questionner la réalité du réchauffement. Le débat qui s'est déroulé ce 20 septembre à l'Académie des Sciences devrait faire toute la lumière sur la prétendue imposture climatique que l'ouvrage de Claude Allègre a prétendu démontrer.
Que cette réunion capitale se tienne à huis clos, qu'aucun document, aucune contribution au débat n'ait été mise en ligne sur le site de l'Académie le jour du débat, que la liste des participants, sélectionnés selon des critères opaques, n'ait pas été d'emblée rendue publique, voilà qui pourrait accréditer l'idée que l'Académie des sciences craint le regard de la société.
La question médiatique paye son succès
Dans une communication à trois voix exprimée lors d'une conférence organisée à Paris les 20 et 21 septembre par le CNRS, les chercheurs Stefan Aykut, Hélène Guillemot et Jean-Baptiste Comby retracent l'évolution des controverses liées au changement climatique depuis les années 1990.
Jusqu'au début des années 2000, la question climatique n'est pas réellement considérée comme un problème important. Les changements climatiques, selon ces chercheurs, sont alors appréhendés sur le registre des incertitudes scientifiques, ce qui permet aux controverses de trouver leur place légitime dans le champ médiatique.
C'est au cours d'une seconde période, comprise entre 2003 et 2009, que le climat s'impose progressivement comme un problème qu'il n'est plus possible d'ignorer. Cette consécration publique va de pair avec un fort consensus scientifique, mais également un consensus sur la nécessité de sensibiliser le plus grand nombre à ces enjeux.
Dans ce contexte d'unanimité, les voix dissonantes des sceptiques accèdent difficilement aux médias. Et, selon ces chercheurs, quand elles y parviennent, elles suscitent une forte mobilisation des journalistes spécialisés et de leurs sources pour les discréditer.
C'est au cours de l'année 2009 que les « sceptiques » reviennent à la charge, à la faveur du piratage de courriels échangés entre scientifiques de l'université britannique d'East Anglia à la veille du sommet de Copenhague. Puis la découverte d'une erreur grossière dans le dernier rapport du GIEC a alimenté la défiance.
Selon les sociologues des sciences venus présenter leurs travaux au CNRS, c'est parce que le changement climatique confère du « capital symbolique » qu'il devient l'enjeu de rivalités entre les « propriétaires » du sujet. Répartis en quatre catégories – journalistes, Etat, scientifiques et société civile représentée par les ONG -, les « propriétaires » des thématiques climatiques forgent l'opinion publique en la matière.
De nouveaux acteurs critiques sont apparus sur le devant de la scène, alimentant la confusion et l'exploitant pour faire entendre leur voix. La question climatique est devenue victime de son succès. Depuis 2009, des trublions s'invitent dans le débat et bouleversent la « structure des propriétaires » afin d'y instiller leurs positions sceptiques et d'apparaître dans les médias à l'occasion de débats binaires sans véritable fondement scientifique.
Malgré les failles du GIEC, la surenchère des sceptiques ne semble pourtant pas prendre au sein des sociétés occidentales. Même aux Etats-Unis, selon le sociologue Matthew Nisbet, maître de conférences à l'Université américaine de Washington D.C., le degré de confiance envers la science reste élevé. Et l'économiste danois Bjorn Lomborg, auteur polémique du Skeptical Environmentalist (2001), a récemment rompu avec les climato-sceptiques dans un ouvrage qui reconnaît la fiabilité du GIEC.