« Le projet de loi n'est pas bouclé ni finalisé », se défend Matignon alors que le procès d'une trahison de la Convention citoyenne pour le climat par l'exécutif prend de l'ampleur. Il faut dire qu'Emmanuel Macron avait tenu un discours très ambitieux le 29 juin en assurant qu'il reprendrait 146 des 149 propositions de cette assemblée mise en place après la crise des gilets jaunes. Cette annonce faisait suite à sa promesse de transmettre « sans filtre » les propositions « abouties et précises » au Gouvernement, au Parlement, ou directement au peuple français.
Le 4 décembre, interrogé par le média en ligne Brut, le président s'est défendu de tout reniement. Mais, dans le même temps, il a concédé que toutes les propositions de la convention ne pouvaient être reprises en l'état. « Ce n'est pas parce que les citoyens ont écrit un truc que c'est la Bible ! », a prévenu le chef de l'État.
Texte soumis à consultation avant Noël
Le Gouvernement doit se débrouiller avec ça pour rédiger le projet de loi censé reprendre une centaine des propositions de la Convention, les autres devant l'être à travers le projet de loi de finances , le plan de relance, des textes réglementaires, ou les négociations internationales et européennes.
Dans une tribune publiée le 7 décembre dans Le Monde, la ministre de la Transition écologique vante l'importance de ce texte. « De la même manière que des lois fondatrices sur la liberté de la presse ou la laïcité ont enraciné des principes essentiels dans la République à l'orée du XXe siècle, la loi issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat ancrera durablement l'écologie dans notre société contemporaine », n'hésite pas à affirmer Barbara Pompili.
Concernant le calendrier, l'exécutif a organisé les 7 et 8 décembre cinq réunions réunissant ministres, parlementaires et membres de la Convention citoyenne. Elles reprennent les cinq thématiques autour desquelles sont regroupées les propositions : se déplacer, se loger, consommer, se nourrir, produire et travailler. Matignon annonce le lancement des consultations obligatoires (Conseil national de la transition écologique, Conseil d'État, etc.) sur le projet de loi avant les congés de Noël. L'objectif est de présenter le texte en Conseil des ministres fin janvier et de débuter les discussions au Parlement en février pour une adoption d'ici l'été.
« Jamais une loi de la République n'avait autant associé des citoyens dans son élaboration. Rarement des députés n'ont été intégrés au processus législatif aussi en amont », assure la locataire de l'hôtel de Roquelaure, alors que des membres de la Convention citoyenne ont fait le choix de boycotter les réunions de travail.
Interdiction de location des passoires thermiques
Sur le fond, l'exécutif prévoit de mettre dans la loi les différentes dispositions destinées à répondre au mandat initial confié à la Convention citoyenne. C'est-à-dire, permettre à la France de tenir son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 dans un esprit de justice sociale. « Cinquante et une mesures sont déjà mises en œuvre totalement ou partiellement », vante le Gouvernement qui a ouvert un site de suivi des propositions.
« Bien qu'aucun autre nouveau joker n'ait été dégainé jusqu'ici, notre analyse montre qu'il y a bien d'autres manières pour amoindrir, retarder ou affaiblir l'ambition des propositions », explique le Réseau Action Climat (RAC). Le réseau d'associations a listé 15 propositions « à sauver ». Parmi celles-ci : la mise en œuvre d'une obligation de rénovation énergétique, l'adoption de mesures coercitives pour stopper les aménagements commerciaux en périphérie, l'interdiction en 2025 des véhicules neufs très émetteurs, la réduction du trafic aérien ou encore la taxation des engrais chimiques.
Concernant le transport, Greenpeace pointe en particulier les renoncements de l'exécutif sur le secteur aérien. "Ce gouvernement n'a qu'un objectif (…) : le faire redémarrer comme avant et coûte que coûte, peu importe les conséquences pour le climat. Il mise tout sur des fausses solutions comme la compensation carbone ou sur des promesses technologiques comme l'avion vert qui ne suffiront pas pour répondre à l'urgence climatique », pointe Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports au sein de l'ONG. Du côté de Matignon, on évoque un timing différent lié à la survenance de la crise sanitaire.
Réformer le code minier par ordonnance
« Quand des mesures ne sont pas retenues, aucune mesure alternative n'est proposée par le Gouvernement pour respecter le mandat fixé à la Convention », déplore par ailleurs Matthieu Orphelin. Dans un billet intitulé « Convention citoyenne pour le climat : réussir l'atterrissage périlleux d'un objet institutionnel non identifié », le directeur de l'Iddri suggère précisément comment faire aboutir cette expérimentation hors norme. « Le débat devrait avoir pour règle qu'il ne soit possible de demander qu'une mesure soit retirée qu'à la condition qu'une mesure alternative soit proposée et fasse la preuve qu'elle est autant ou plus efficace en matière de réduction de gaz à effet de serre et de respect de la justice sociale », propose Sébastien Treyer.
Mais, s'il existe le risque que certaines propositions disparaissent du projet de loi, celui-ci pourrait aussi en contenir de nouvelles. C'est le cas de la question du renouvellement des concessions hydroélectriques et de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), voire de l'évolution du statut d'EDF à travers le projet Hercule. « Les discussions n'ont pas encore abouti avec la Commission européenne », précise Matignon. Ce qui explique que ces dispositions ne devraient pas figurer dans la première version du texte.
En revanche, d'autres pourraient l'être. C'est le cas de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le code minier que ce dernier confirme vouloir introduire dans le texte. Une commande qui ne figurait pas dans le mandat de la Convention citoyenne.