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AccueilCorinne LepageProfitons de la baisse du prix du pétrole pour accélérer la transition !

Profitons de la baisse du prix du pétrole pour accélérer la transition !

Avec un cours du pétrole qui s'effondre depuis 2014, l'inquiétude monte sur la mise en œuvre de la transition énergétique. Pour Corinne Lepage, co-présidente du MENE, il est plus qu'urgent de saisir cette opportunité pour mettre en place de nouveaux outils pour entamer réellement cette transition.

Publié le 10/02/2016

La baisse historique du prix du pétrole, présentée comme un supplément de pouvoir d'achat pour les consommateurs est en réalité, si aucune mesure n'est prise, un fantastique outil de régression de la transition énergétique et économique. En effet, indépendamment des menaces géopolitiques que la baisse des revenus des Etats pétroliers fait peser, la descente qui paraît en l'état, inexorable, du prix du baril est une menace évidente sur la viabilité de toutes les filières d'économie d'énergie et d'énergie renouvelable mais aussi de manière plus générale de toutes les filières liées à l'économie circulaire. Nous voilà renvoyés, pour des raisons purement économiques, vers l'économie linéaire la plus dure, puisque le prix de la matière première secondaire ou recyclée est plus élevé que le prix de la matière première vierge.

A court terme, ce sont des dizaines de milliers d'emplois de la Nouvelle Economie qui risquent de disparaitre. Allons-nous assister, par manque de vision et de réaction, à la même hécatombe que nous avons vécus pour l'industrie du solaire ?

Le Mouvement des Entreprises pour la Nouvelle Economie1 (MENE) milite pour la prise en compte des externalités, qu'elles soient positives ou négatives, c'est-à-dire pour une vérité économique des prix. Il est évident qu'en aucune manière le prix actuel du baril de pétrole ne reflète la réalité des coûts externes qu'il génère. En l'absence d'un prix du carbone, le prix du baril traduit "l'équilibre" entre une offre volontairement pléthorique et une demande atone. Plutôt que de laisser le prix du pétrole détruire et a minima totalement déséquilibrer des filières entières, mieux vaut utiliser ce très bas prix pour intégrer de manière indolore un véritable prix du carbone.

De nouveaux outils fiscaux pour stimuler l'investissement

Plusieurs méthodes peuvent être envisagées et les membres du MENE ont proposé plusieurs solutions. Tout d'abord, cesser de nuire. Compte tenu du prix actuel du pétrole, la moindre des choses serait de supprimer toutes les subventions et aides destinées à favoriser l'achat d'hydrocarbure. Celles-ci ont été pensées à un temps où le baril était à un prix très élevé ; elles n'ont plus de raison d'être.

Ensuite, il est possible d'augmenter considérablement les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui sont supportés par les émetteurs de CO2 c'est-à-dire les pétroliers qui peuvent les répercuter dans les prix, ce qui est aujourd'hui indolore. Cette solution, qui permet de financer une partie des travaux d'économie d'énergies a des effets immédiats sur l'investissement des ménages et des entreprises et donc sur les carnets de commandes. Une autre solution, parfaitement compatible avec la précédente, consiste à s'orienter vers la TVA circulaire qui fait varier le taux de TVA en fonction de l'incorporation de matières recyclées et réutilisées dans le produit final. Si cette solution est très intéressante, elle l'est à moyen terme. C'est la raison pour laquelle dans un premier temps, une TVA à taux réduit sur tous les produits recyclés ou réutilisés et les produits utilisant une matière première réutilisée ou recyclée pourrait être appliquée.

Une autre solution consisterait à mettre en place une taxe flottante, comme cela avait été fait par Lionel Jospin lorsque le prix du pétrole s'était envolé. Le même principe pourrait s'appliquer à l'envers. Un prix minimal ou plancher serait fixé par exemple à 50 ou 60 euros le baril ; la différence entre ce prix et le prix de marché serait acquittée par les sociétés pétrolières qui le répercuteraient sur le prix de vente et ces sommes viendraient abonder un fonds qui financerait la transition énergétique. Dans le même esprit, un droit d'accise fixe de 10 $ par baril permettrait d'internaliser les externalités carbone à hauteur de 25$ la tonne de CO2 (un baril émettant 400 kg CO2) valeur reconnue par la majorité des experts.

Le même système pourrait parfaitement être appliqué au prix des matières premières et venir abonder un fonds de l'économie circulaire. Ce système aurait pour avantage non seulement de rééquilibrer les prix, mais de stimuler l'investissement ; il serait relativement indolore dans la mesure où le prix plancher retenu serait très inférieur au prix maximal que nos sociétés ont précédemment connu. Il va de soi que lorsque le prix du baril retrouverait le prix plancher, la contribution disparaîtrait. Ce système très simple à mettre en place pourrait intervenir rapidement ; il aurait l'avantage de sauver de très nombreuses entreprises avec les emplois correspondants.

Refondre la fiscalité énergétique pour favoriser les énergies les plus vertueuses

Enfin, on pourrait également mettre à l'étude une refonte complète de la fiscalité d'énergie avec l'instauration progressive sur 20 ans d'un impôt unique de 50 € par mégawatt heure d'énergie primaire sur toutes les énergies à l'exception seulement de la biomasse qui bénéficierait d'un abattement des deux tiers de cet impôt. Cette disposition2 se traduirait dans tous les cas par une fiscalité trois fois moins élevée des énergies renouvelables que celle des autres énergies. Pour ne pas pénaliser l'industrie européenne, des corrections douanières aux frontières de l'Union européenne seraient mises en place pour les produits énergétiques : restitution à l'exportation et prélèvement à l'importation. Cette mesure unique, simple, particulièrement efficace pour rendre systémique la transition énergétique, l'efficacité énergétique et l'économie circulaire, pourrait se substituer à toutes les initiatives économiques mises aujourd'hui en place : tarif d'achat, subventions, crédits d'émissions de CO2, etc… Quelle que soit la méthode retenue, il est absurde, quelques semaines après la COP 21, de laisser sans réponse la baisse du prix du pétrole, condamnant ainsi une politique de transition énergétique lancée à grand renfort de superlatifs à Paris en décembre 2015. M. Hollande, Mme Royal, c'est le moment d'agir.

Ecrit en collaboration avec Myriam Maestroni, co-présidente du Mouvement des Entreprises pour la Nouvelle Economie, Eric Boël, Nathalie Croisé, Victor Ferreira, Romain Ferrari, Yves Heuillard, Jacques Huybrechts, Patrick Jouin, François-Michel Lambert, Jean Philippe Lecarpentier, Didier Livio, Arnaud Lobez, Didier Péréol, Pascal Picq, Marc Roquette, Romain Ruth, François Siegel, Daniel Zimmer, membres du Conseil d'administration du MENE.

1 En savoir plus
http://adnmonde.fr/le-mene/

2 compte tenu du fait que l'électricité renouvelable éolienne, hydraulique, photovoltaïque est primaire contrairement à l'électricité d'origine fossile, nucléaire, biomasse, nécessite 3 MWh d'énergie primaire pour produire 1 MWh électrique

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