La fin de vie du parc nucléaire arrive à grand pas, imposant le renouvellement de l'essentiel de l'outil de production électrique français au cours des trois prochaines décennies. Une note publiée, jeudi 18 novembre, par les sages de la rue Cambon dresse un panorama des principaux enjeux. Elle rappelle que la France devra réaliser « un investissement financier considérable » et qu'elle doit anticiper « d'importants délais de construction ».
La Cour des comptes exhorte donc les pouvoirs publics à prendre « dès à présent des décisions urgentes » et à les « mettre en œuvre de façon résolue ». Préalablement, elle « estime nécessaire la tenue d'un débat sur le choix de production électrique (…) dont les conséquences en termes d'emploi et d'aménagement du territoire se répercuteront sur plusieurs décennies ».
Une puissance raccordée réduite de moitié en 2050
Actuellement, le nucléaire couvre 70 % de la production électrique. Or, l'essentiel des 56 réacteurs nucléaires français ont été mis en service entre 1977 et 1987. Ces unités auront atteint soixante ans et seront donc mis à l'arrêt définitif dans le courant de la décennie 2040. Quel que soit le scénario envisagé, la puissance installée passera d'environ 60 gigawatts (GW) actuellement à une valeur comprise entre 0 et un peu plus de 30 GW en 2050.
Quoi qu'il en soit, la note constate que « le fait que les choix en matière de mix électrique n'aient pas été effectués, il y a dix ans, oblige d'ores et déjà à intégrer (…) la nécessité d'une prolongation jusqu'à soixante ans d'une partie du parc, avec les contraintes en termes de sûreté et les aléas du passage de la cinquième visite décennale qui en résultent ». C'est d'ailleurs l'option retenue dans la dernière Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), adoptée en mars 2020.
De longs délais de mise en service
Parallèlement, les durées de construction des nouveaux moyens de production (hors photovoltaïque, que la note n'évoque pas) sont longues. Sur la base de l'expérience récente, la Cour explique qu'il faut entre sept et neuf ans pour les parcs éoliens terrestres, un minimum de onze ans pour l'éolien en mer et plus de quinze ans pour l'EPR.
Des enjeux technologiques opposés
Quel que soient les options retenues, les enjeux sont importants pour l'avenir de la France. Sur le plan industriel, le choix du nucléaire implique d'être en mesure de lever l'« incertitude en termes de capacité à construire un nouveau parc de réacteurs dans des délais et à des coûts raisonnables ». EDF souhaite mettre en service six EPR supplémentaires, entre 2035 et le début des années 2040, pour une facture annoncée à 46 milliards d'euros. Maintenir 50 % de nucléaire au-delà de 2050 implique d'en construire jusqu'à une vingtaine de plus en trente ans. « Une mobilisation et un effort de redressement accélérés de notre industrie nucléaire » seraient alors nécessaires.
Le choix des renouvelables ne présente pas d'incertitude technologique. Au contraire, la puissance des éoliennes progresse régulièrement, tout comme le rendement des panneaux solaires photovoltaïques. Mais leur déploiement à très grande échelle implique des capacités de stockage à un coût abordable, explique la Cour, qui cite l'étude publiée, début 2021, par RTE. Autre écueil à surmonter : les difficultés d'implantation du fait de contraintes géographiques ou règlementaires, voire d'acceptabilité sociale.
Ne pas oublier les réseaux et la gestion des déchets
La Cour des comptes pointe aussi des éléments moins fréquemment mis en avant, parce qu'ils sont moins visibles (s'agissant du réseau électrique), ou alors l'échéance est très lointaine (la gestion des déchets radioactifs).
Le développement des renouvelables nécessitera d'importants investissements de la part de RTE, notamment pour relier au réseau les parcs éoliens offshore et pour renforcer les liaisons avec les pays voisins. Parallèlement, le réseau de distribution géré par Enedis jouera un rôle plus important qu'actuellement et devra être adapté pour accueillir l'éolien terrestre et le solaire.
Quant à la gestion des combustibles nucléaires, elle doit être envisagée à l'horizon 2100. Si la France décide de poursuivre l'utilisation du combustible MOX, elle devra « renouveler l'usine de retraitement des combustibles de la Hague (…) et créer de nouveaux sites d'entreposage, puis de stockage des déchets ». Si elle y renonce, elle devra « proposer un autre mode de gestion des combustibles usés et des déchets, qui seraient, dans une telle hypothèse, beaucoup plus volumineux ».