Recensement incomplet des dépenses fiscales, préoccupation de préserver certains secteurs d'activités plutôt que des objectifs environnementaux : la Cour des comptes, dans un référé adressé le 17 décembre 2012 aux ministères de l'Economie et de l'Ecologie, dénonce certaines dérives de la fiscalité sur l'énergie. "Les dépenses fiscales relatives à l'énergie comptent parmi les principales (…) ayant des effets négatifs pour l'environnement", assure t-elle.
L'un des biais pointés : le différentiel entre le taux de taxe intérieure sur la consommation (TIC) appliqué au gazole et celui qui pèse sur les autres carburants ne figurerait pas sur la liste des dépenses fiscales.
Une perte fiscale de 6,9 Md d'euros
La perte fiscale s'élèverait pourtant à 6,9 Md d'euros en 2011. Ceci serait "d'autant moins justifié que le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le GPL, d'un montant bien inférieur, a été introduit en 2010 dans la liste des dépenses fiscales", souligne dans son rapport la Cour des comptes.
Mise en place pour encourager l'essor de véhicules perçus alors comme moins consommateurs, ce différentiel ne serait plus légitime. Selon l'Ademe, les véhicules diesels neufs requièrent en effet aujourd'hui 4,8 litres/100 km contre 5,6 litres/ 100 km pour les voitures essence.
Par ailleurs, la diésélisation du parc a contribué à l'augmentation des émissions des particules fines. Concernant les impacts sur la santé, l'agence internationale pour la recherche sur le cancer (CIRC) a classé les gaz d'échappement du diesel cancérogène pour l'homme.
La Cour des Comptes propose donc d'aligner progressivement le taux de TIC sur les carburants gazole destinés aux véhicules légers sur celui applicable à l'essence. Dans sa réponse au référé, Delphine Batho, ministre de l'écologie assure qu'elle est favorable "à une convergence progressive des fiscalités de l'essence et du diesel". Pour elle, ce dernier doit passer par une diminution concomitante de la fiscalité de l'essence soit par l'affectation du rendement supplémentaire issu de la hausse de la fiscalité du gazole à des mesures d'accompagnement et de justice sociale (aide au remplacement des véhicules polluants).
"Le renouvellement naturel du parc automobile générera mécaniquement une disparition progressive des anciens véhicules diesels problématiques. Il n'y a donc pas de justification à augmenter la pression fiscale sur les automobilistes" a réagi Daniel Quéro, Président de l'association "40 millions d'automobilistes".
La plupart des associations environnementales saluent le constat de la Cour des comptes et encouragent à une évolution du système budgétaire.
"Le gouvernement doit se montrer cohérent et engager clairement une réforme de la fiscalité des carburants pour dégager les ressources nécessaires à cette transition et réduire notre dépendance aux énergie fossiles, souligne dans un communiqué, Jean-Baptiste Poncelet chargé de mission Transports pour l'association FNE, cette réforme devra être accompagnée d'un dispositif amortissant l'évolution de la fiscalité pour les populations les plus précaires."
Absence de taxe sur le kérosène
Autre absent de la liste des dépenses fiscales: les TIC favorables au gaz naturel et au charbon. De la même manière, la détaxation du kérosène n'est pas mentionnée sous le couvert de la ratification de la convention de Chicago. "Ce retrait est contestable, estime la Cour, le gouvernement y a consenti avant que le Parlement n'entérine cette décision". Outre son coût élevé (3,4 MD d'euros en 2009), cette pratique favorise un mode de transport polluant.
Elle rappelle notamment que la taxation des vols intérieurs est pratiquée aux Etats-Unis, au Brésil, au Japon, en Norvège, aux Pays-Bas ou en Suisse.
Dans un rapport, l'OCDE estimait que "l'absence de taxe sur le kérosène utilisé par les vols intérieurs est l'une des plus importantes subventions fiscales françaises".
Pour le ministère de l'écologie, la superposition de l'inclusion du secteur de l'aviation au système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (Sceqe) à une taxe national ne serait pas pertinent au vu de leur situation économique.
3,6 Md d'euros proviennent des taxes environnementales
Selon le commissariat général au développement durable, 76% des recettes des taxes environnementales proviennent de l'énergie. Au total, le gain s'élevait à 36 Md d'euros en 2010.
Pour favoriser la transition énergétique, la Cour des comptes recommande de réorienter les dépenses fiscales relatives à l'énergie. Elle préconise notamment d'appliquer les engagements de la loi Grenelle 1 sur les dépenses fiscales dommageables à l'environnement.