Le 29 juillet, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé que l'Etat belge a allongé, en 2015, la durée de vie des réacteurs 1 et 2 de la centrale de Doel, "sans procéder aux évaluations environnementales préalables requises". Pour rappel, cette centrale, composée de quatre réacteurs, est exploitée par Electrabel, filiale de l'énergéticien français Engie. Les réacteurs 1 et 2 de Doel (situés près d'Anvers) devaient cesser leur production en 2015. Mais le gouvernement belge a adopté, fin juin 2015, une loi qui a prolongé leur exploitation de dix ans, jusqu'en 2025. Ces deux réacteurs, mis en service en 1975, atteindront alors 50 ans.
La CJUE a été saisie en juillet 2017 par les deux associations environnementales belges Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen. Les ONG dénonçaient "une prolongation adoptée sans évaluation environnementale et sans procédure associant le public". Elles pointaient le non-respect, par la Belgique, des exigences des directives européennes "EIE" et "Habitats". Celles-ci encadrent l'évaluation des incidences des projets sur l'environnement et la protection des habitats des espèces.
Dans son arrêt (1) , la CJUE a estimé que le prolongement de l'exploitation d'une centrale nucléaire équivaut à un nouveau projet soumis à l'évaluation des incidences environnementales, comme prévue par la directive EIE. Les réacteurs de la centrale, se situant à proximité de la frontière belgo-néerlandaise, doivent également faire l'objet d'une procédure d'évaluation transfrontière telle que prévue par cette directive. "Cette évaluation devait intervenir avant l'adoption de la loi prolongeant la durée de vie des centrales en cause", indique la CJUE. De même, les travaux de modernisation menés sur la centrale constituent "un projet qui doit être soumis à une évaluation appropriée de ses incidences sur les sites protégés concernés", comme prévue par la directive "Habitats".
Enjeu de sécuriser l'approvisionnement électrique du pays
Toutefois, la CJUE a considéré que le maintien des violations constatées des directives EIE et Habitats "peut être justifié [par un Etat membre] par des considérations impérieuses relatives à la nécessité d'écarter les menaces de rupture d'approvisionnement en électricité". La Cour précise que les évaluations prévues par ces deux directives "peuvent être effectuées à titre de régularisation sous certaines conditions".
L'Etat belge devra ainsi justifier que la décision de prolonger l'utilisation des deux réacteurs a été prise pour "écarter une menace réelle et grave de rupture de l'approvisionnement en électricité" du pays. Les évaluations prévues par les directives devront aussi prendre en compte "l'ensemble des incidences environnementales survenues depuis la réalisation du projet".
Il revient désormais à la Cour constitutionnelle belge "de trancher la question de l'équilibre entre les exigences légales environnementales et les exigences liées à la sécurité d'approvisionnement du territoire", a déclaré la ministre de l'Energie belge, Marie Christine Marghem.