Une commission d'enquête sénatoriale s'est penchée sur le coût réel de l'électricité. Si elle souligne dans son rapport que le coût relativement bas du kilowatt heure français ne devrait pas perdurer et que des investissements considérables devront être déployés au cours des vingt prochaines années, les différents groupes politiques membres de la commission n'en tirent pas les mêmes conclusions.
Trois scénarios de mix électrique ont donc été présentés. Le groupe UMP estime que "le premier atout du nucléaire est bien évidemment son prix" et penche pour un "scénario intermédiaire" qui mise sur une réduction de moitié de la puissance nucléaire installée en 2050 (prolongation de la durée de vie des centrales entre 45 et 50 ans et remplacement partiel des réacteurs actuels par des EPR) et le développement des énergies renouvelables. Le groupe socialiste se dit également proche de ce scénario. Le groupe communiste préconise d' "approfondir la réflexion en termes de complémentarité plutôt que de substitution immédiate d'un mode de production énergétique à un autre" et semble donc pencher également pour le "scénario intermédiaire".
Pour le groupe de l'union centriste et républicaine, le nucléaire "délivre un ruban incompressible de production de l'électricité, indispensable pour la France". Les énergies renouvelables doivent être développées pour couvrir les besoins énergétiques nouveaux tout en maîtrisant la demande. Ce groupe se rapproche donc du scénario "nucléaire nouvelle génération" qui vise un maintien de la part du nucléaire à moyen et long terme via le remplacement des centrales actuelles par les technologies nucléaires de nouvelle génération (EPR, 4ème génération). Le groupe écologiste penche quant à lui pour un "scénario sobriété" qui mise sur une sortie du nucléaire à l'horizon 2040 (limitation à 40 ans de la durée de vie des réacteurs), un programme d'économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables.
Au delà de ces perspectives, d'autres questions divisent les groupes politiques.
Faut-il faire payer le coût réel de l'électricité ?
La commission d'enquête a estimé que, quelle que soit l'option choisie, 400 milliards d'euros d'investissements seraient nécessaires dans le domaine énergétique d'ici 20 ans. De ce fait, la facture d'électricité des ménages pourrait augmenter de plus de 49 % pour atteindre 1.307 € par an en 2020. En France, le prix du kWh est régulé, mais faut-il maintenir un prix artificiellement bas ?
Le groupe communiste estime que "l'électricité ne doit pas être considérée comme une simple marchandise mais comme un bien de première nécessité" et met en cause la gestion capitalistique du secteur de l'énergie qui serait, selon lui, à l'origine de la hausse des coûts (rémunération des actionnaires…). Ce groupe appelle à un réengagement de l'Etat dans ce domaine via la mise en place d'un pôle public de l'énergie.
Pour le groupe de l'Union centriste et républicaine, "il serait nécessaire […] d'augmenter le prix de l'électricité, afin d'y intégrer les coûts présents et futurs", ajoutant que cette augmentation permettrait d'inciter à un changement des modes de consommation. Un avis partagé par la plupart des groupes politiques qui cependant, soulignent la nécessité de mettre en place des outils afin d' "obtenir l'acceptabilité sociale des hausses de tarifs" à venir. La proposition du Médiateur de l'énergie de créer un chèque énergie est soutenue par la commission d'enquête, même si celle-ci souligne qu'il faut accompagner cette aide au paiement des factures d'un véritable soutien à l'amélioration énergétique du logement.
La mise en place d'un tarif progressif de l'électricité, mesure envisagée par le gouvernement, doit faire l'objet d'une étude approfondie afin de ne pas pénaliser les ménages les plus précaires, estime la commission.
Comment financer les investissements ?
Les charges relatives au développement de la production d'électricité sont supportées par le consommateur, via la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui soutient également le dispositif de lutte contre la précarité énergétique. Elle est fixée à 10,5€/Mwh mais ce tarif est largement en deçà des besoins : le déficit cumulé de la CSPE depuis 2007 est estimé à 3,8 Mds € fin 2011. Elle devrait donc augmenter de 28 %. La plupart des groupes politiques s'accordent pour dénoncer des tarifs d'achat trop coûteux, qui pèsent à hauteur de 52 % de la CSPE.
Pour le groupe UMP, outre la réévaluation des tarifs d'achat, il s'agira de prioriser les énergies faisant l'objet d'un soutien public. Pour le groupe de l'union centriste, la CSPE devrait être limitée à un instrument de solidarité nationale "couvrant les surcoûts liés aux tarifs sociaux ainsi que la péréquation tarifaire des zones non interconnectées".
Le groupe écologiste préconise pour sa part l'autoconsommation, qui évite la mise en place de tarifs d'achat coûteux, et l'abondement de la CSPE par de nouvelles recettes, comme l'affectation d'une partie du produit de mise aux enchères des permis d'émissions de CO2 ou d'une part d'une contribution climat-énergie.
Quant au financement du réseau, la commission se range du côté de la Commission de régulation de l'énergie concernant le futur tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (Turpe 4). Celle-ci propose notamment l'introduction d'un tarif horo-saisonnalisé (variation selon la période de consommation) qui permettrait d'envoyer un signal-prix au consommateur et favoriserait les solutions de stockage de l'électricité (financé par le Turpe).
Comment réduire les consommations ?
Tous s'accordent sur la nécessité de réduire les consommations, via l'effacement et la rénovation du bâti. Les groupes socialiste, centriste et écologiste estiment que le compteur Linky n'est pas suffisant en l'état pour entraîner un changement des comportements. Le rapporteur écologiste demande même un moratoire sur la généralisation du compteur.
Enfin, la commission a souligné la nécessité de durcir les normes européennes applicables aux produits consommateurs d'électricité : les consommations spécifiques représentent 61 % de la consommation des ménages et nécessitent donc une attention particulière.