"Si, au 31 décembre 2016, seuls 14.000 des 37 millions de clients raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité étaient des installations d'autoconsommation, ce nombre connaît une croissance forte ces dernières années. Il a ainsi été multiplié par trois en un an et tout porte à croire que cette tendance devrait encore s'accentuer en 2017", souligne Brice Bohuon, directeur général des services de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Face à cette tendance, le régulateur a lancé, le 30 août, une large concertation sur l'autoconsommation (1) . L'objectif est d'identifier les enjeux liés au développement des différents modèles (autoconsommation individuelle, collective, partielle, totale, avec ou sans stockage…) et "de réfléchir ensemble afin de garantir que l'autoconsommation se développe dans un cadre stable, durable, au bénéfice des consommateurs finals concernés comme de la collectivité".
Dans un document de réflexion (2) , la CRE pose déjà quelques enjeux : "la conciliation des mécanismes de solidarité nationale [CSPE (3) , Turpe (4) ] qui constituent un des fondements du modèle énergétique français avec le développement de l'autoconsommation, le développement de signaux tarifaires et de mécanismes de soutien permettant un développement optimal et maîtrisé de ce nouveau monde de consommation, et l'accompagnement des projets d'autoconsommation".
Faut-il remettre en cause la solidarité nationale ?
Le développement de l'autoconsommation interroge en effet le modèle énergétique français actuel basé sur la solidarité nationale : "Le système électrique français repose aujourd'hui sur une grande centralisation et une priorité donnée aux valeurs de solidarité entre utilisateurs des réseaux et équité entre territoires, incarnées par les principes de péréquation tarifaire et de timbre-poste. L'application de ces deux principes aboutit à une tarification de l'énergie en fonction d'un coût moyen national", rappelle Brice Bohuon. Qu'il habite à proximité d'une centrale nucléaire ou dans une zone non interconnectée (ZNI), où les coûts de production de l'électricité sont très élevés, le consommateur a accès aux mêmes tarifs, grâce à la péréquation tarifaire, financée par la CSPE. Mais cette contribution, tout comme le Turpe, est prélevée sur la facture des consommateurs. Les autoconsommateurs y échappent en partie, ce qui conduit à un transfert de charges vers les autres consommateurs. L'objectif est donc de définir dans quelle mesure les autoproducteurs participeront demain aux mécanismes de solidarité nationale.
Trouver le juste équilibre
"Un scénario où de plus en plus de projets se développeraient sur la base d'exceptions aux mécanismes de solidarité nationale, jusqu'à les vider de leur substance, mènerait à un communautarisme énergétique, où chaque sous-groupe de consommateurs tenterait de s'assurer du meilleur tarif via un système de contrats locaux avec des producteurs, rendant le système électrique moins lisible, et plus complexe", prévient le régulateur. Une évolution qui remettrait en cause la solidarité nationale, d'autant que tous les consommateurs n'auront pas accès à l'autoconsommation…
Dans le même temps, la mise en place de tarifs différenciés "permettrait un meilleur reflet des coûts effectivement générés par les utilisateurs du système électrique, et en particulier de leur dimension locale". Cela pourrait inciter les acteurs à réaliser les meilleurs investissements d'un point de vue énergétique et économique (pilotage des charges, isolation, choix de l'implantation des énergies renouvelables…) et à réduire "in fine les coûts pour le système électrique".
L'équilibre est donc complexe à trouver. Les débats, qui dureront plusieurs mois, devront permettre d'y parvenir…