Le 4 mars, est paru au Journal officiel le décret créant une rubrique dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) relative aux activités de déconditionnement des biodéchets. La création de cette rubrique ICPE 2783 permet d'assouplir sensiblement les seuils réglementaires applicables. Finie l'autorisation pour les installations traitant plus de 10 tonnes par jour (t/j) : celles traitant jusqu'à 30 t/j bénéficient maintenant du régime de la déclaration avec contrôle périodique et celles de plus de 30 t/j sont soumises à enregistrement. Le décret est accompagné de deux arrêtés fixant les prescriptions applicables.
Jusqu'à maintenant, les unités de déconditionnement des biodéchets étaient encadrées par la rubrique 2791 qui regroupe diverses installations de traitement des déchets non dangereux. En 2020, un premier décret avait déjà adapté et simplifié la réglementation applicable à cette activité. Ce premier texte modifiait notamment les règles applicables aux biodéchets collectés dans des emballages non compostables, non méthanisables ou non biodégradables. Il prévoyait aussi la création d'une réglementation fixant les modalités de leur déconditionnement.
De l'autorisation à l'enregistrement
Aujourd'hui, en créant une nouvelle rubrique, les pouvoirs publics entendent aller plus loin pour accompagner cette activité en plein essor. La principale modification concerne les seuils. Auparavant, les installations de déconditionnement d'une capacité supérieure à 10 t/j étaient soumises à autorisation. Celles traitant moins de 10 t/j étaient soumises à déclaration avec contrôle périodique.
En mai 2022, le ministère de la Transition écologique soumettait à la consultation publique un premier assouplissement : les installations de plus de 10 t/j devaient être soumises à enregistrement et celles de moins de 10 t/j restaient soumises à déclaration. Le ministère justifiait alors le passage de l'autorisation à la déclaration par des impacts suffisamment homogènes pour être prévenus par des prescriptions générales établies sur le plan national.
Mais ce premier assouplissement n'était pas suffisant. « Ce seuil [de 10 t/j] est jugé démesurément bas par la profession, qui met notamment en avant le fait qu'il serait inférieur au seuil de rentabilité industrielle », ajoute le ministère de la Transition écologique.
Une possible régression environnementale
Le ministère a donc accepté d'aller plus loin dans l'assouplissement en relevant le seuil : le décret publié soumet à enregistrement les installations traitant plus de 30 t/j et à déclaration celles traitant moins.
En juin 2022, lors de la réunion du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), les organisations environnementales ont affiché des réticences, notamment parce que le déconditionnement est source de nuisances olfactives. Pour autant, le relèvement du seuil à 30 t/j est validé, malgré les votes opposés des associations environnementales Robins des bois et Eaux et rivières de Bretagne (ainsi que l'abstention des représentants de France Nature Environnement, FNE).
Ce faisant, la réglementation applicable au déconditionnement est alignée sur celle des installations auxquelles est destinée la pulpe de déconditionnement. En effet, de nombreuses installations de déconditionnement sont adossées à des installations de compostage (seuil d'enregistrement à 20 t/j) ou de méthanisation (enregistrement à 30 t/j).
Mais ce relèvement « pourrait être considéré comme une régression environnementale », craint le ministère. En effet, des installations traitant de 10 à 30 t/j, précédemment soumises à autorisation, sont dorénavant soumises à une simple déclaration. D'où les réticences initiales des pouvoirs publics à relever le seuil. Pour contourner la difficulté, l'État a expliqué au CSPRT que la non-régression environnementale pouvait se justifier par l'effet cumulé de la clause filet, ainsi que la mise en place de prescriptions techniques spécifiques.
Quid du mélange des biodéchets emballés et non emballés ?
Lors de la consultation, les professionnels ont aussi souhaité que les arrêtés fixant les prescriptions applicables aux installations en déclaration et en enregistrement autorisent la réception et le traitement conjoints des biodéchets emballés et non emballés. Initialement, le ministère était opposé à ce mélange. En effet, la législation interdit de mélanger des biodéchets triés à la source avec d'autres déchets (sauf régime dérogatoire courant jusqu'à fin 2023). En outre, mélanger des biodéchets non emballés à des biodéchets emballés revient à diluer les polluants, ce qui, là aussi, est proscrit par la loi.
Mais les professionnels ont avancé plusieurs arguments. Outre la difficulté à stocker séparément les deux flux, certains déchets arrivent sur sites déjà mélangés. Surtout, ils ont fait valoir que ce mélange permet d'atteindre un bon taux d'humidité. Faute de mélanger les lots, il faut augmenter les quantités d'eau consommées pour produire une pulpe convenable, a expliqué l'association professionnelle Metheor.
En réponse, l'État a proposé une forme de laisser-faire : si l'interdiction de traiter des mélanges est supprimée des arrêtés, alors il devient possible de réceptionner des lots mélangés (quand bien même ces lots ne respectent pas la loi). Seul le mélange, sur site, de déchets emballés et non emballés, reste interdit. Mais cette solution a été balayée par Jacques Vernier, qui a considéré que cela reviendrait « à violer la loi ». D'autant que les arguments des industriels ont été qualifiés de « spécieux » par le président du CSPRT. En effet, il est tout à fait possible d'atteindre le niveau d'humidité requis sans mélange, a-t-il rappelé. Finalement, les textes autorisent la réception de biodéchets non emballés, mais impose leur traitement par lots sans être mélangés aux biodéchets emballés.