La Commission européenne propose de réduire de 15 % la consommation de gaz dès le 1er août. Cet élan urgent de sobriété énergétique doit être couplé à des mesures de substitution d'énergie, renouvelable ou non.
« L'hiver arrive », a déclaré, ce jour, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, au plein cœur de l'été. Cette référence au sinistre mantra de la célèbre série américaine Game of Thrones n'est pas anodine : l'Union européenne craint de ne pas pouvoir passer l'hiver prochain en l'état actuel de la situation énergétique du continent. « Si nous ne faisons rien dès maintenant, nous serons en manque de gaz cet hiver et chaque État membre devra faire face à de sérieuses conséquences économiques », a souligné Frans Timmermans, en écho à l'arrêt des importations de gaz russe du fait de la guerre en Ukraine.
La Commission européenne a donc présenté une proposition radicale pour éviter ce scénario : réduire la consommation de gaz naturel de 15 %, dès le 1er août et jusqu'au 31 mars 2023, soit l'équivalent de 45 milliards de mètres cubes. À titre indicatif, les pays de l'Union européenne en ont consommé environ 400 milliards de mètres cubes durant toute l'année 2021, dont 155 milliards en provenance de la Russie. « Plus vite nous agissons, plus de gaz nous économiserons et plus nous serons en sécurité cet hiver », a affirmé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Lyen.
Une réduction potentiellement obligatoire
Ce nouvel objectif, qui s'ajouterait à ceux du plan RePowerEU encore en phase d'adoption, conduirait à stocker et à économiser le plus de gaz possible, qu'il soit consommé habituellement pour le chauffage individuel ou dans l'industrie. « Tous les États membres devraient mettre à jour leur plan national d'urgence avant la fin du mois de septembre et informer la Commission de leur progrès tous les deux mois, afin de montrer leur intention d'atteindre cet objectif de réduction, ajoute la Commission. Les demandes d'approvisionnement en gaz, sur la base de la solidarité européenne, devraient être seulement satisfaites en fonction des mesures mises en place pour réduire la consommation. »
Plus vite nous agissons, plus de gaz nous économiserons et plus nous serons en sécurité cet hiver
Ursula von der Lyen, Commission européenne
Cette proposition de règlement de dernière minute s'appuie également sur l'article 122 du traité de Rome pour prévoir un mécanisme « d'alerte européenne ». Celui-ci serait déclenché si les stocks s'effondrent et si le marché s'emballe avant le début de l'hiver. Une fois le règlement approuvé par le Conseil de l'Union européenne, ce dispositif forcerait alors chaque État membre à respecter obligatoirement la réduction de 15 % exigée.
Vers une sobriété carbonée ?
Les réserves actuelles de gaz en Europe
D'après les chiffres rassemblés par l'Inventaire des capacités de stockage de gaz européenne (AGSI), les réserves des pays d'Union européenne sont remplies à 65 %, soit environ 74 milliards de mètres cubes, au 19 juillet. Ce stock ne représente néanmoins que 17,4 % de la demande en gaz, au regard de la consommation totale de l'Europe en 2020 (près de 425 milliards de mètres cubes). De son côté, la France a rempli 72,5 % de ses réserves, soit un peu moins de 10 milliards de mètres cubes.
Cette mesure s'accompagne d'un «
plan européen de réduction de la demande en gaz », sur lequel les États membres devraient s'appuyer pour atteindre l'objectif de réduction visé. La Commission encourage les États européens à faire preuve de
sobriété dans tous les secteurs, tout en
« garantissant le maintien intact des capacités productives », et à avoir recours au plus de substitutions possibles. Elle indique, par exemple, que l'Union dispose déjà de 21 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) et de 14 milliards de mètres cubes de gaz délivrés par gazoducs de plus qu'en juillet 2021. Cet approvision-nement en provenance des
États-Unis, du Canada, de la Norvège ou encore de l'Algérie doit remplacer, à terme, les imports russes. Le plan RePowerEU vise l'importation de 60 milliards de mètres cubes non russes, pour assurer le remplissage d'au moins 80 % des capacités de stockage souterrain en gaz d'ici à la fin de l'année.
Cela étant, « si possible, la priorité doit être donnée à la transition vers des options renouvelables ou propres, moins carbonées et polluantes, insiste la Commission européenne. Néanmoins, passer au charbon, au fioul et à l'énergie nucléaire peut devenir une mesure temporaire, mais nécessaire. » Cette invitation à actionner tous les leviers possibles a déjà été anticipée par la France. D'une part, son nouveau plan de sobriété prévoit de réduire la consommation énergétique nationale de 10 % d'ici à 2024. D'autre part, son projet de loi pour le pouvoir d'achat contient des mesures facilitant l'installation d'un nouveau terminal méthanier flottant, au Havre, et le redémarrage des dernières centrales à charbon.
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Note Télécharger la synthèse du plan de sobriété proposé par la Commission européenne Plus d'infosArticle publié le 20 juillet 2022