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Actu-Environnement

Alimentation : vers un retour aux tickets de rationnement ?

Réunis en conférence le 24 juin dernier pour débattre de la crise alimentaire dans le monde, le philosophe Edgar Morin et quatre autres intervenants ont tiré la sonnette d'alarme et proposé un retour à l'agriculture vivrière et aux traditions.

Agroécologie  |    |  M. Duchesne
C'est un vrai coup de gueule ! Invités à animer mardi 24 juin dernier, dans les locaux de la Maison de la Radio, une conférence au titre volontairement provocateur, « Vers un retour aux tickets de rationnement ? », cinq personnalités reconnus ont souhaité « rendre leur terre aux paysans » pour résoudre la crise alimentaire mondiale actuelle. Président de séance, Edgar Morin, sociologue et philosophe français, auteur en 2007 de « L'an I de l'ère écologique : La Terre dépend de l'homme qui dépend de la Terre », a tout de suite donné le ton. Son diagnostic est sévère : Cette nouvelle famine n'est plus locale et temporaire. Elle se répand partout. Pour éviter le désastre, le penseur estime qu'il faut choisir entre l'intensification de l'agriculture industrialisée à base d'OGM et de pesticides, quitte à aggraver certains problèmes (…) et une autre voie, plurielle, permettant de développer à travers le monde d'autres modes plus respectueux de l'homme et de la nature. Puis il s'interroge : la spéculation, à elle seul, justifie t-elle la crise alimentaire actuelle ? Pour lui, tout est lié et absolument tous les experts doivent travailler ensemble car les solutions seront à la fois agronomiques, philosophiques, politiques et sociales !.

Des solutions existent

Philippe Desbrosses, le fondateur du centre pilote de « la Ferme Saint Marthe » et de l'association Intelligence Verte, se passe autour du cou sa vraie légion d'honneur, un collier de plantes presque illégales, composé de céréales non transgéniques, puis explique avec fougue qu'en 1939- 1944, à l'époque des tickets de rationnement, 34% des français étaient paysans contre seulement 4 ou 5% aujourd'hui. L'agriculture était bien moins dépendante du pétrole et nous étions moins vulnérable. Pour l'agronome, les occidentaux croient avoir acquis définitivement la sécurité alimentaire mais selon lui, au moindre accident climatique, politique ou diplomatique, si il y a des sécheresses, des inondations ou invasions de criquets, on peut être projeté dans la tragédie… Une prophétie que délivrait déjà l'orateur en 1986 dans son livre Le Krach alimentaire. Que préconise t-il ? L'homme annonce d'abord le lancement imminent d'un réseau, constitué d'universités paysannes et d'éco compagnonnage pour favoriser la création de fermes pilotes. Pourquoi ? Selon lui, il faut remettre les petits paysans dans les champs car les agricultures paysannes, vivrières et biologiques, qui sont malheureusement en voie de disparition avec un foncier trop cher, sont les seules à pouvoir réconcilier les hommes avec la terre sacrée (…). Question du public : Comment va-t-on devoir s'y prendre ? En étant plus solidaire, plus sobre et en partageant davantage» répond vaguement l'intéressé.

Pierre Rabhi, fondateur du Mouvement Terre et Humanisme, est ouvrier agricole depuis 50 ans et témoigne : j'ai fait mon 1968 en 1957 ! Pour moi le progrès était source de désordre. J'ai refusé la souveraineté absolue de l'argent et suis revenu à la terre, en refusant le recours à la chimie. Grâce à son travail, ce passionné a beaucoup voyagé. Il a découvert, surtout en Afrique, que les ouvriers agricoles s'endettaient pour payer le pétrole et ainsi exporter leur production. Il rappelle que pour une tonne d'engrais, il faut trois tonnes de pétrole ! Ils se ruinent donc…. Remonté, il donne volontiers une petite leçon d'histoire : Les occidentaux, menacés des temps-ci, ont l'air de découvrir la famine. Pourtant elle ne date pas d'hier ! (…) La crise d'aujourd'hui a été programmée depuis longtemps par le pillage des ressources naturelles des pays pauvres et par un mode d'organisation qui les a amené à l'indigence. Comment aider ces pays ? L'entrepreneur témoigne. Au Burkina Faso, une sécheresse terrible a infecté dans les années soixante dix toute la bande sahélienne, de l'Ethiopie au Sénégal, détruisant tout le biotope. Les populations avaient perdu leur troupeau et leur terre. Pierre Rabhi leur a alors proposé de recourir à l'agro-écologie : Grâce aux techniques de recherches mises au point dans nos labos en Ardèche, subventionnés, nous leur avons permis de produire davantage sur des terres arides et rocailleuses. Concluant, l'intéressé appelle la classe politique mondiale à faire preuve d'audace car il faut lutter contre l'imposture des OGM et généraliser les politiques décentralisées. La société civile est prête à innover .

Michel Jacquot, lui, avocat, membre de l'Académie de l'Agriculture de France, ancien directeur du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA), est persuadé que la crise alimentaire actuelle, en ville et à la campagne, peut être solutionnée. Après avoir rappelé la fragilité de l'équilibre entre l'offre et la demande en matière de nourriture, estimé que les thèses néo libérales ont faillies, l'expert s'emporte : Depuis 1994 et les accords de Marrakech, l'OMC persiste à vouloir détruire les politiques de protection et de soutien des agriculteurs C'est meurtrier ! Ajoutant, à propos de la dimension environnementale de ces accords commerciaux que Pascal Lami avait pour mission de développer une agriculture respectueuse de l'environnement. Pendant dix ans, il n'a rien fait ! . Regrettant le manque de coordination des règles agricoles à l'échelle mondiale, Michel Jacquot propose enfin, concernant les aides alimentaires, internes et externes que les excédents, gérés par la FAO ou le Programme Alimentaire Mondial, soient obligatoirement redistribués car il y a toujours aujourd'hui 800 millions de personnes qui mangent moins de 220 calories par jour. Essentiellement des végétaux, du lait et des œufs. C'est honteux ! Un sentiment partagé par Marc Dufumier, agronome et professeur d'agriculture comparée à AgroParisTech. Pour lui, il est également possible de doubler la production alimentaire mondiale car les techniques locales et adaptées existent. Surtout, l'agronome enfonce le clou : En attendant le doublement de la production mondiale d'ici 2050, par des voies originales et responsables, les éco consommateurs doivent prendre le pouvoir et faire évoluer le marché ! En mangeant moins de viande et en faisant des choix d'achats éthiques et respectueux de l'environnement…

Réactions7 réactions à cet article

Où donc est la modernité ?

Voilà donc la croissance : on va de plus en plus vite, on produit de plus en plus.... des statistiques gloreuses.
Mais sait-on où on va ?
Que mesurent tous ces indices qui, depuis des années, nous confortent dans le modèle économique à la mode ?
Il faut être moderne, renier les utopies du passé, mais que faut-il adorer à la place ?
L'agriculture moderne obtient des rendements surabondants en utilisant massivement des engrais (produits à base de gaz naturel et autre ressources non renouvelables), des machines agricoles (dont les moteurs brulent des produits pétroliers) et des pesticides.
On n'a pas "augmenté" la production mondiale de nourriture par magie, mais en déstockant des ressources qui ne sont pas inépuisables.
De l'autre côté, des produits ont été qualifiés de "déchets" parce que leur recyclage n'était pas suffisamment rentable.
La crise pétrolière est une occasion de modifier les modes de production de la nourriture, comme d'autres produits.
Accroître la valorisation des "engrais naturels" que sont les boues de station d'épuration, optimiser l'utilisation de végétaux résistant aux variations climatiques, développer des exploitations "de subsistance" : ce sont des pistes qui sont tellement logiques que les économistes sont incapables de les imaginer.
L'agriculture a-t-elle pour fonction première de produire de la nourriture pour les humains, ou doit-elle, avant tout générer des bénéfices (souvent virtuels) pour des entreprises aux contours mystérieux ?

Dom | 26 juin 2008 à 14h37 Signaler un contenu inapproprié
qui pilote le navire ?

Bien sûr que des solutions existent ! Mais comment les mettre en oeuvre massivement afin d'avoir un réel impact sur la situation ?
Et cette question ne se pose pas seulement pour l'alimentation mais aussi pour tous les autres problèmes essentiels auxquels nous devons faire face et qui sont tous liés entre eux : climat , énergie ....
Le problème majeur auquel nous devons nous atteler c'est celui localement comme mondialement de la gouvernance ; nous ne sommes pas réellement en démocratie mais prisonniers d'un système à gérer; les incantations et déclarations de bonnes intentions sont vaines parce que nous ne disposons pas d'un outil politique collecif et démocratique permettant d'agir.

Di Girolamo | 27 juin 2008 à 09h22 Signaler un contenu inapproprié
les tickets de rationnement, une solution juste !!

Ces messieurs réunis en conférence sont de bon sens ! Qu'un Edgar Morin, longtemps indifférent à l'écologie adopte à présent la pensée des courants les plus impliqués, est très bon signe ! Cela dit, moi, le titre de la conférence ne m'effraie pas : instaurer des tickets de rationnement, voilà la meilleure solution pour partager ce qu'il y aura à partager : sinon, avec le retour des famines, qu'essuient déjà les pays du sud, ce sont les riches qui continueront à se goberger tandis que les petits vivront une tragédie : donc, vive le rationnement et le partage !!

marie | 28 juin 2008 à 17h27 Signaler un contenu inapproprié
Le bon sens absolu.

Le "Retour à la terre", pas le nostalgique, mais celui d'avant garde; cette formule serait sagesse et prudence face au défi alimentaire... et créatrice de nombreux emplois.
Car, effectivement, beaucoup de gens au cours des guerres (Sommes nous à l'abri d'un tel fléau ?)ont été en mesure de se ravitailler de façon autonome.
On peut d'ailleurs commencer tout de suite en arrêtant le bétonnage insatiable des terres agricoles à la périphérie des villes ! Quelle folie que de voir en 2008 des "Bulldozer" décaper des plaines céréalières pour y mettre ... des grandes surfaces ou des bureaux !
(Ce qui se passe dans la Brie, autour du parc Disney, est effarant... pour ne citer que cet exemple).

Esteban2 | 03 juillet 2008 à 08h55 Signaler un contenu inapproprié
du fric a tous prix

comme vous avez raison!!je vie dans le sud de la france l'Herault ,toutes nos vignes,les jardins,forets de chènes verts,disparaissent, pour les autoroutes,le tgv,les zones industrielles ,ou zones de bureaux (qui restent toujours vides)
tous les maréchés on les légumes sous des serres,rien ne pousse en plein air,78 serres de 50 mètre de long ont étés construites pour des fraisiers suspendus, dans 20cm de pouzolane,et nourris par un goute a goute au tout aliment!! des fraisiers plantés en janvier et en mais fracis de fraises enormes!et fin juin les plants sont tous fannés ,en 3 mois que leur a t'on donner comme nourriture, je suis dégoutée, de ce que nous laissons a nos petits enfants !les champs de salades!! les jardiniers sur leurs tracteurs, abillés comme des cosmonotes lorsqu'ils traitent leurs salades (très tot le matin) sans compter l'odeur insoutenable du produit!! tout celà pour plus de fric une mamie en colère Mamiette

mamiette | 06 juillet 2008 à 23h05 Signaler un contenu inapproprié
Re:du fric a tous prix

D'accord pour lutter contre le scandale du gaspillage des terres agricoles et la production alimentaire artificielle. Boycottons, cultivons des fraisiers en pot sur le balcon, achetons bio. Je suis partante aussi pour un rationnement des carburants: par exemple, sur la base de 1000 km par mois par adulte dans le foyer plus 500 par enfant, avec 7 litres aux 100,avec un prix de 0,1€ le km, soit 3000 km pour une famille de 2 enfants, soit un budget de 300`€, ce qui est déjà pas mal, en persnnalisant au delà en fonction des besoins "vitaux", des particularités etc, sinon au delà, vendre le carburant beaucoup plus cher, par exemple`3 € le litre, la différence finançant les besoins des plus démunis, les énergies renouvelables, la mise en place d'une économie moins gourmande en transports..

delphineetmarinette | 17 juillet 2008 à 12h07 Signaler un contenu inapproprié
Re:les tickets de rationnement, une solution juste

edgar morin parle d'ecologie depuis son retour des etats unis, 1970.
le niveau de toxicité des esprits dans l'agriculture francaise et telle, qu aucun changement n est possible. VU : sur le terrain la guerre mafieuse entre assaciation/agriculture service de repression de l'état, le faible niveau de prise de concience des étudiants en agri (vision d'une agriculture respectueuse de l'environnment = meilleur utilisation des pescticides, ogm demystifié, productivité accru par une plus grande technicité des retraitements déchets. loin de l'agriculture sans pétrole, sans pecticide, sans consommation d'eau excéssive.

zazi | 12 août 2008 à 13h13 Signaler un contenu inapproprié

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