Le dérèglement climatique "est un facteur d'aggravation des crises humanitaires et constitue de ce fait un défi majeur tant pour les gouvernements que pour les acteurs humanitaires non gouvernementaux", alertent une soixantaine d'ONG humanitaires françaises et internationales, dans une lettre ouverte remise ce mercredi 9 septembre au ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius.
Les ONG ont interpellé le président de la 21ème Conférence internationale sur le Climat (COP21) qui se tiendra à Paris en décembre, à l'occasion de la conférence "Climat et Crises", co-organisée ce mercredi par le Quai d'Orsay, Care France et Action contre la faim – à l'origine de la lettre - ainsi que l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Intitulée "il est temps d'agir!", cette lettre appelle les 195 Etats parties de la COP à parvenir à un accord "ambitieux et contraignant" pour limiter à 1,5°C le réchauffement climatique d'ici à la fin du siècle, afin de prévenir l'aggravation des crises humanitaires.
Des réfugiés climatiques et politiques
Et pour cause : en 2013, plus de 22 millions de personnes dans le monde ont été contraintes de se déplacer en raison de catastrophes naturelles (inondation, tempête, séisme…) liées au climat et ses impacts sur les récoltes, le bétail et la ressource en eau, source de tensions entre agriculteurs et éleveurs. L'Asie est le continent le plus touché suivi de l'Afrique sub-saharienne. Selon l'ONU, ils seront 250 millions de migrants climatiques en 2050, si la tendance n'est pas inversée.
Alors que 25% des terres sont aujourd'hui dégradées dans le monde, "l'ensemble de nos ressources naturelles de base sont au point de rupture", a prévenu Monique Barbut, secrétaire exécutive de la Convention des nations unies sur la lutte contre la désertification. "La migration est la voie la plus évidente" pour les populations impactées et "leur stratégie d'adaptation commune", a-t-elle indiqué.
Tandis que l'afflux massif de migrants en Europe, fuyant les guerres en Syrie, en Irak ou au Nigéria fait la une de l'actualité, "sur ces 100.000 migrants, 100% d'entre eux viennent de zones arides", a ajouté Mme Barbut. "L'ampleur de ces migrations va excéder ce que nous connaissons actuellement. Dans 10 ans, les migrants que nous refusons pour des raisons économiques, reviendront pour des raisons politiques", a-t-elle alerté.
Une crainte partagée par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui a tenu ce mercredi son premier discours "sur l'état de l'Union", axé sur la solidarité et la responsabilité : "A l'avenir, nous aurons des réfugiés climatiques". M. Juncker a appelé à "agir maintenant" et à "être très ambitieux" dans la perspective de la COP21.
L'adaptation des territoires au cœur de l'accord
Lors de la conférence "Climat et Crises", Dominique Burgeon, directeur de la division des urgences de la FAO, a également mis en garde contre le phénomène climatique El Niño cet hiver et ses impacts sur la production alimentaire en particulier en Afrique de l'Est. "Aujourd'hui 70% des événements extrêmes sont des conséquences directes des changements climatiques", a-t-il souligné. A l'instar des ONG, M. Burgeon a rappelé l'importance d'investir dans des mesures d'adaptation pour renforcer la résilience climatique des pays et "d'intégrer la notion de risques dans les projets de développement". Le "défi" est également de "mettre à disposition des petits agriculteurs des technologies s'appuyant sur les pratiques traditionnelles".
Des "objectifs spécifiques sur l'adaptation" sont au coeur des négociations de l'accord de Paris, a confirmé Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le climat. Dans
Le financement du Fonds vert "conforté"
En matière de financements : l'engagement d'abonder le Fonds vert à hauteur de 100 milliards de dollars chaque année d'ici 2020 est également "conforté", a souligné Mme Tubiana. "50% des ressources du Fonds vert seront consacrés aux mesures d'adaptation", a ajouté M. Fabius. De quoi satisfaire les ONG qui demandent aussi aux gouvernements de consacrer 5% de leur aide publique au développement (APD) aux plans de réduction des risques de catastrophe (RRC). De son côté, Monique Barbut a appelé à fixer dans l'accord la réhabilitation de 200 millions d'hectares de terres : "Cela coûte 20 dollars par hectare".
Laurence Tubiana se veut optimiste : "Nous sommes encore à temps pour l'adoption d'un accord international" en décembre. "Quand les ONG humanitaires alertent, elles sont écoutées", a assuré M. Fabius.