Mardi 18 avril, les associations du bloc communal (1) ont affiché un front uni contre la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. Elles ont redit tout le mal qu'elles en pensent et ont formulé 14 propositions pour atteindre les objectifs de collecte européens sans consigne.
Cette sortie publique intervient alors que la concertation lancée en janvier par le ministère de la Transition écologique bat son plein, au rythme de deux réunions par mois à Paris et de réunions en régions. Si les collectivités territoriales expliquent sentir une volonté d'apaisement de la part des pouvoirs publics, elles craignent que la consigne pour recyclage ne soit adoptée sans passer devant le Parlement, puisque la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec) offre au Gouvernement la possibilité de lancer le dispositif par décret.
Selon les informations recueillies par Actu-Environnement, Bérangère Couillard, secrétaire d'État à l'Écologie, chargée du dossier, pourrait prochainement évoquer le sujet. Quant à Citeo, le principal éco-organisme agréé pour la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers, il explique travailler sur « des éléments objectifs [qu'il partagera] dans les semaines à venir » (lire l'encadré ci-dessous).
Vider le bac jaune des matières recherchées
Au-delà des arguments avancés depuis maintenant quatre ans, les collectivités expriment surtout leur crainte de voir le service public de tri des déchets recyclables démantelé. La consigne pour recyclage des bouteilles serait un pied dans la porte pour, progressivement, sortir du bac jaune les emballages recyclables les mieux valorisables. Déjà, expliquent-elles, les industriels de l'aluminium disent vouloir, eux aussi, récupérer les canettes grâce à la consigne pour recyclage (ce qu'envisage explicitement le projet de règlement sur les emballages). À terme, ne passeraient par les centres de tri du service public que les emballages pas, peu ou mal recyclables, donc sans valeur. Et de critiquer une privatisation rampante des bénéfices associés aux matières les plus recherchées.
Cette évolution, expliquent les communes, serait particulièrement coûteuse. Lorsque la collecte des bouteilles plastique atteindra 85 % (ce taux était de 61 % en 2021), le manque à gagner pour les collectivités pourrait atteindre 320 millions d'euros (M€) : 150 M€ par an de pertes sur la vente des bouteilles en plastique et 170 M€ de pertes de soutien versé par Citeo. Une partie de ce manque à gagner devrait être compensée par d'autres metteurs en marché, la réglementation prévoyant que Citeo couvre 80 % des coûts de collecte optimisés des emballages. Mais il semble que les collectivités n'aient reçu aucune garantie sur ce point.
Parallèlement, il faudra aussi équiper la France de 30 000 à 100 000 automates de collecte, pour un coût que les collectivités évaluent « entre 750 millions et plus d'un milliard d'euros d'investissement ». Des dépenses « qui seront d'une manière ou d'une autre payées par les consommateurs ». En l'occurrence, les consignes non réclamées par les Français qui ne rapporteront pas leurs bouteilles pourraient financer l'investissement. À raison de 20 centimes par bouteille, ces consignes non réclamées pourraient représenter plusieurs dizaines de millions d'euros par an.
Privilégier le service public
Citeo veut mobiliser tous les leviers
Pour l'instant, Citeo ne souhaite pas communiquer sur la consigne pour recyclage. L'éco-organisme explique « [rester] engagé dans la concertation ».
« Des objectifs [de recyclage des bouteilles] très ambitieux ont été fixés à la filière et nous faisons tous le constat que le dispositif de collecte actuel à lui seul ne suffira pas à les atteindre », explique-t-il, ajoutant vouloir « mobiliser toutes les parties prenantes et tous les leviers à disposition, y compris ceux qui fonctionnent ailleurs en Europe. »
Bien sûr, il faut s'assurer que les moyens soient mis pour maintenir le rythme. C'est ce que les collectivités réclament lorsqu'elles demandent à Citeo de financer la collecte hors foyer (la liste complète des propositions est ici (2) ). Il faut aussi appliquer les dispositions prévues pour atteindre l'objectif de division par deux des bouteilles plastique d'ici à 2030, notamment le déploiement de fontaines à eau dans les espaces publics et le développement de la vente de boissons en vrac.
Plus globalement, elles plaident pour renforcer le service public des déchets. Et de formuler une série de propositions : mobiliser les Français autour du geste de tri ; développer des collectes plus performantes en augmentant leur fréquence et la taille des bacs et en densifiant les points d'apport volontaire ; contraindre les éco-organismes, en appliquant les sanctions prévues pour la non-atteinte des objectifs et en augmentant le niveau de couverture des coûts du service public ; améliorer le cadre de la tarification incitative ; expérimenter des dispositifs de gratification sur la collecte sélective des emballages « en coordination étroite avec le service public de gestion des déchets » ; ou encore sanctionner automatiquement le non-respect des règles de tri.