La situation des combustibles solides de récupération (CSR) a considérablement évolué en deux ans. Fini le débat sur l'incinération et la réduction des déchets, "on est dans les starting-block" et les professionnels n'attendent que le feu vert des pouvoirs publics pour lancer quelques dix projets en France.
La voie du développement des CSR semble tracée. Le marché devrait passer de quelque 350.000 tonnes consommées en France, pour une production d'environ 700.000 tonnes, à 1,5 million de tonnes d'ici 10 ans, pour un gisement de l'ordre de 2 millions de tonnes. Bref, "nous somme dans le faire", résume le grand témoin de l'atelier CSR des Assises nationales des déchets qui s'est tenu mercredi 23 septembre.
L'objectif n'est pas de créer de nouveaux exutoires, mais de créer des installations de production énergétique. Elles pourront, entre autres, être reliées à un site industriel consommateur de chaleur ou à un réseau de chaleur urbain.
Ces unités devraient avoir approximativement 10 MW de puissance et seront classées dans la catégorie des chaudières, et non pas dans la catégorie des unités de combustion de déchets, comme les unités d'incinération d'ordures ménagères (UIOM). Néanmoins, elles devraient être soumises aux mêmes conditions de rejets que les incinérateurs.
Restent deux inconnues qui seront fixées par arrêté : quels seront les niveaux de rejet autorisés ? Quelles caractéristiques auront les CSR admissibles dans ces unités ?
Stéphane Rutkowski, chef du département combustible de substitution du cimentier Vicat, résume parfaitement l'état d'esprit des représentants du secteur : "il y a deux ans le ministère de l'Ecologie disait « il n'y a pas de volonté de faire des déchets une énergie », aujourd'hui, je suis satisfait, la situation a bien évolué". "On a le pied sur l'accélérateur", confirme Fréderic Giouse, vice-président du Syndicat national des bureaux d'études environnement (SN2E). Ce regain d'intérêt pour la fourniture d'énergie à partir de déchets est validé par Francis Dunois, directeur marketing déchets dangereux chez Suez Environnement, qui juge que son entreprise "se transforme de plus en plus en énergéticien", précisant qu'"on reconnaît le contenu énergétique des déchets et on l'encourage", ce qui satisfait pleinement l'industriel.
Si l'Etat soutient ouvertement la filière CSR, il reste vigilant sur certains points. Montée en puissance de la notion d'économie circulaire oblige, le marché du CSR sera nécessairement local. Les CSR "doivent répondre à un besoin local en énergie, il ne s'agit pas de gestion des déchets", explique Gregory Dubois, chargé de mission au ministère de l'Ecologie, précisant que le ministère est attentif au lien entre le gisement local de déchets et le besoin local d'énergie.
Reste à définir ce que l'on entend par "local". Pour Martial Vandewoestyne, président du Syndicat mixte d'élimination et de valorisation des déchets (Symevad) du Pas-de-Calais, il s'agit des localités les plus proches. En effet, il regrette que les CSR produits par son syndicat soient expédiés à 40 km, voire 100 km, alors que toutes les collectivités du syndicat sont à moins de 15 km de son barycentre. Fréderic Giouse, estime pour sa part que le local, "c'est peut-être 100 km, mais pas 200 km". En effet, justifie le vice-président de la SN2E, une unité de combustion standard aurait une puissance de l'ordre de 10 mégawatts (MW) pour une consommation annuelle de 20 à 30.000 tonnes de CSR, ce qui dimensionne l'approvisionnement comme la demande en énergie.
Subventionner l'investissement
Restent les demandes récurrentes d'un soutien financier public pour amorcer la pompe. "Aujourd'hui le modèle économique des CSR est juste", explique Fréderic Giouse, en présentant une étude réalisée à la demande de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade). La stratégie proposée par l'étude, et retenue par les pouvoirs publics, consiste à soutenir l'aval, c'est-à-dire les unités de combustion, plutôt que l'amont, les unités de production de CSR. En effet, le soutien à l'amont est jugé risqué, les CSR ainsi subventionnés pouvant être exportés, plutôt que consommés localement.
Pour se développer, les CSR doivent être compétitifs par rapport au faible coût de la mise en décharge, selon l'étude réalisée pour la Fnade. Le tri des déchets utilisés pour le CSR et leur calibrage ne doivent pas coûter plus de 30 euros par tonnes. A ce coût de production s'ajoutent 20 à 30 euros par tonnes payables par le producteur à l'unité de valorisation. Du côté de la chaudière, la rentabilité est atteinte si la somme reçue du fournisseur de CSR et la vente de l'énergie couvrent les coûts de l'installation. A noter par ailleurs, que la modification de la TGAP en préparation, qui devrait défavoriser l'enfouissement, sera favorable aux CSR.
Dans ce contexte, l'étude défend la mise en place d'une aide de l'ordre de 25 à 35% de l'investissement pour une chaufferie industrielle. Le soutien "serait du même ordre que celui apporté par les appels à projets biomasse chaleur industrie agriculture tertiaire (BCIAT)", plaide Fréderic Giouse. Quant à une chaudière alimentant un réseau de chaleur urbain, elle nécessiterait une aide supérieure à 45% de l'investissement, compte tenu d'un besoin en chaleur limité à 4 à 6.000 heures pas an. Une autre solution pour ces unités consiste à combiner un soutien à l'investissement plus faible et l'achat de l'électricité produite à un prix comparable à celui payé aux unités de cogénération. Seul bémol à l'optimisme affiché par les participants, le ministère montre encore quelques réticences à subventionner l'électricité produite, car il faut identifier la part de renouvelables dans des CSR qui sont rarement comparables d'un site de production à l'autre, voire d'un lot à l'autre.
Ces demandes ont semble-t-il été entendues puisque l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) prépare un appel à projets calqué sur le modèle du BCIAT. Cet appel à projets devrait être lancé d'ici la fin de l'année. Il y aurait une dizaine de projets en préparation en France. "Il faut qu'ils sortent cette année", lance depuis la salle Christine Cros, cheffe du bureau planification et gestion des déchets au ministère de l'Ecologie.