
Initialement prévu pour entrer en vigueur au 1er novembre 2011, le réseau de collecte des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) perforants produits par les patients en autotraitement ne sera pas opérationnel avant quelques mois. D'après la loi de finance 2009 ainsi que le décret d'application du 28 juin 2011, les exploitants de médicaments et fabricants de matériels médicaux devaient, dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs (REP), organiser à cette date, une collecte séparée de ces déchets. Mais, plusieurs étapes réglementaires et techniques sont encore nécessaires pour finaliser la création de ce réseau.
La mise en œuvre de la filière de collecte des Dasri est conditionnée par la nomination d'un éco-organisme, constitué par les fabricants de médicaments et chargé d'organiser la collecte ainsi que le traitement des Dasri selon un cahier des charges précis. Mais, son élaboration prend du temps. Beaucoup trop au goût d'associations de patients et de collectivités qui estiment que les fabricants ne respectent pas leurs obligations. "Normalement, le réseau devait se mettre en place à partir du 1er novembre. Or, tant qu'il n'y a pas d'éco-organisme nommé, il n'y aura pas de collecte organisée par les fabricants. Il est pourtant anormal que les patients se déplacent encore plusieurs dizaines de kilomètres pour déposer leurs Dasri", s'insurge Nicolas Garnier de l'Association Amorce.
Un frein financier
Le principal désaccord porte sur la question du financement de la collecte qui incombe normalement à part égale aux exploitants de médicaments et fabricants de matériels médicaux. Mais, l'Appamed, le syndicat de l'industrie des dispositifs médicaux, refuse de financer cette filière à la même hauteur que les entreprises du médicament, car ces dernières dégageraient une marge bien supérieure. Cette question de gros sous ralentit l'élaboration de ce cahier des charges qui est déjà à sa sixième version. "Le premier verrou à faire sauter est le problème de financement entre producteurs. Il est inconcevable que ces fabricants d'aiguilles ou de médicaments qui gagnent beaucoup d'argent, n'arrivent pas à se mettre d'accord. Cette situation montre bien le manque de respect de ces professionnels envers les malades, notamment les diabétiques", se désole Gérard Raymond, le président de l'Association française des diabétiques.
La question du nombre de points de collecte - directement liée à des enjeux financiers - est également un élément sensible dans ce dossier. Pour l'instant, la seule règle retenue pour les milieux rural et urbain est un point tous les 20.000 habitants et/ou un point tous les 10 kilomètres. Mais ce critère est encore en discussion. "Le but est de mettre en place un mode de collecte le plus efficient et la plus économique pour l'ensemble des parties concernées", précise Pierre Gavid de l'Ordre national des pharmaciens. Ce nombre de points de collecte a donc été revu à la baisse, et est passé de 10.000 à 5.000 points lors de la dernière réunion organisée par l'Ademe le 12 octobre dernier.
Par ailleurs, les producteurs de médicaments et d'aiguilles souhaitent également ne pas inclure les pharmacies dans cette filière, contrairement à ce que stipule le décret du 28 juin 2011. En effet, ce dernier précise qu'en l'absence de collecte de proximité spécifique, les pharmacies et laboratoires de biologie médicale auront l'obligation de collecter gratuitement les Dasri perforants des patients autotraités.
Mais, en impliquant les officines, un problème d'équité risque de se poser. En effet, la pharmacie sélectionnée fournira un service que les autres ne pourront proposer et qui lui permettrait de séduire peut être davantage de clients. Les diabétiques étant considérés comme les clients les plus réguliers des pharmacies. Dans ce cas, les autres officines auraient le droit de demander à l'ARS d'être également inscrite sur les listes comme point de collecte. "Si toutes les pharmacies dont le nombre est estimé à environ 23.000 font cette démarche, il serait impossible financièrement d'organiser une filière sur autant de points de collecte," explique Christophe Koperski de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France.
En conséquences, "les professionnels veulent voir si la filière peut fonctionner pour l'instant en s'appuyant uniquement sur les réseaux existants. Ils auront ensuite jusqu'au 1er novembre, soit un an, pour mettre en place et évaluer ce système", détaille Adeline Pillet de l'Ademe. Dans le cas contraire, le préfet pourrait, après consultation des Agences régionales de santé, établir des listes de pharmacies dans chaque région.
Ce choix d'écarter les pharmacies – au moins dans un premier temps - ne satisfait pas tout le monde, notamment les collectivités. "Etendre la filière aux pharmacies devait normalement permettre aux collectivités de ne plus supporter seules les coûts de collecte, mise en place dans certaines déchetteries. Dans le cadre de la REP, c'est désormais aux fabricants de prendre en charge cette question", martèle Nicolas Garnier de l'Amorce. Pour Raymond Gérard de l'AFD, cette situation présente un vrai risque. "Bien sûr que la pharmacie serait le point de collecte le plus adéquate pour les patients, mais à terme, cette solution risque d'augmenter le prix des médicaments et des dispositifs médicaux pour compenser la hausse du dispositif de collecte". En effet, le coût de la mise en place de la filière est estimé entre 12 et 15 millions d'euros pour 5.000 points de collecte. En prenant en compte toutes les pharmacies françaises, ce montant pourrait ainsi être multiplier par quatre, une somme qui pousserait les fabricants à demander à l'assurance maladie un déblocage des prix.