Quels rapports les Français entretiennent-ils avec la notion de consommation d'énergie ? Comment envisagent-ils les concepts de sobriété et d'efficacité énergétique ? Quel mix souhaitent-ils pour l'avenir ? Et avec quelle gouvernance ? Afin d'éclaircir tous ces points, un comité de pilotage formé notamment de membres des cabinets ministériels et de la direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC) a mené une vaste concertation nationale, entre le mois d'octobre 2022 et celui de février 2023, sous le contrôle d'un comité de garantie issu de la Commission nationale du débat public (CNDP).
Cette démarche, baptisée « Notre avenir énergétique se décide maintenant », s'est appuyée sur trois modes de recueils de points de vue très différents : une plateforme participative qui a enregistré plus de 31 000 contributions, un tour de France ouvert à tous en 12 étapes et un forum des jeunesses réunissant, pendant quatre jours, 197 Français âgés de 18 à 35 ans tirés au sort. Les enseignements issus de ces dispositifs et transmis par le comité de garantie de la CNDP, ce vendredi 10 mars, sous la forme d'un rapport, dessinent l'image d'une France très sensibilisée à ces sujets, volontaire pour agir, mais aussi très partagée sur un certain nombre de solutions.
Articuler l'individuel et le collectif
Pour ce qui concerne la notion de sobriété, les rapporteurs notent une forte implication des participants à la concertation. « L'urgence climatique et écologique est désormais intégrée (…) au niveau individuel et le public est prêt à changer ses comportements », soulignent-ils. En particulier en termes de mobilité, de chauffage et de pratiques domestiques. Mais les citoyens savent aussi qu'une addition de comportements individuels vertueux ne suffit pas. Ils insistent donc sur la nécessaire implication de tous les acteurs – État, collectivités locales, administrations, entités productrices… –, en faisant appel au collectif pour revoir nos manières de concevoir le monde, l'aménagement du territoire, les sciences, l'économie ou les règles sociales.
Des stratégies collectives de réduction de la consommation d'énergie, plus justes et plus soutenables, pourraient ainsi être mises en place dans les secteurs du tourisme, de l'alimentation et du travail, en particulier. Quant à la responsabilité de l'État et des collectivités, elle est prépondérante et indispensable pour les participants : pour l'aménagement du territoire, la réindustrialisation, la construction et la rénovation des bâtiments. À l'inverse, si les Français semblent prêts à accepter une régulation nationale pour actionner le levier de l'efficacité énergétique, dans le domaine de l'isolation thermique par exemple, ils sollicitent une attention particulière aux publics les plus en difficulté face à ces mesures.
Favoriser l'autonomie et le partage de la gouvernance
Leur position sur le prix de l'énergie est à ce titre très éclairant : favorables à un encadrement et à une baisse des tarifs pour les « besoins essentiels », ils envisagent parfaitement un prix « exceptionnel » pour « les surplus ». En matière de production énergétique, ils visent bien une sortie des énergies fossiles, sans consensus toutefois sur la taille et la répartition des projets à mener, sur le degré d'implication de l'État dans ce domaine ou sur l'origine de l'électricité à fournir, nucléaire ou énergies renouvelables. « Une des principales controverses porte sur la question suivante : ces modes de production sont-ils complémentaires ou y a-t-il une concurrence dans leur mise en œuvre de par les investissements qu'ils nécessitent ? », précise le rapport.
Sans trancher entre une association du public à son élaboration et une méthode plus autoritaire, les citoyens s'accordent en revanche sur la nécessité d'une planification claire et précise, ne faisant pas l'impasse sur les besoins réels en électricité du pays. Une majorité, chez les jeunes notamment, manifeste aussi l'envie de tendre vers plus d'autonomie, à l'échelle de la nation et des collectivités comme à l'échelle individuelle, et de devenir actrice de sa production via l'autoconsommation. Les participants semblent également attendre la mise en œuvre de gouvernance et de financements partagés sur les territoires, ainsi qu'un appui à la recherche pour trouver des solutions dans les départements d'outre-mer.
Un engagement démocratique ?
Cette concertation contribuera à alimenter la réflexion sur la future loi de programmation énergie-climat (LPEC). Le Gouvernement et les parlementaires y trouveront l'assurance d'un soutien du public à des mesures urgentes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais sans ligne claire sur la méthode à adopter – plus ou moins contraignante –, ni sur le modèle industriel et de consommation à privilégier. Encore moins sur la manière de répartir les infrastructures sur le territoire. « Les citoyens nous attendent au tournant, ils sont exigeants et ont raison de l'être, a commenté Olivier Véran, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique. À nous d'être à la hauteur et de revenir vers eux pour dire en transparence comment leurs préconisations seront prises en compte dans le futur projet de loi de programmation énergie et climat. (…) Il ne peut y avoir de transition énergétique et écologique sans transition démocratique ! »