Lors des débats territoriaux comme lors des travaux réalisés par le Conseil national du débat sur l'énergie (CNTE), une idée forte a été soulignée : les collectivités doivent être le moteur de la transition énergétique. Les territoires demandent que leur soient attribués une compétence énergie ainsi que les moyens d'agir sur les plans technique, juridique et financier.
Mais de quelle manière, avec quel niveau de maillage, jusqu'où ? Le débat national sur la transition énergétique, tant au niveau local que national, a permis d'approfondir ces questions et fait ressortir les grands axes de réflexion, résumés en quelques mots par le ministre de l'Ecologie Philippe Martin, lors de la synthèse des débats territoriaux, le 8 juillet : "La question du bouquet énergétique est territoriale. Il faut clairement identifier les ressources des territoires. De fait, une forme d'autonomie énergétique des territoires est recherchée, sous contrôle de l'Etat pour garantir la solidarité nationale".
Autonomie versus solidarité ?
Il faut une "autonomie accompagnée des territoires", souligne le sénateur de Loire-Atlantique Ronan Dantec face à ceux qui s'inquiètent d'une trop grande autonomie des collectivités. Pour celui qui a présidé les travaux du groupe de travail Gouvernance du CNTE, pas question de faire une transition énergétique décentralisée au détriment de la solidarité territoriale. Un point de vue partagé par l'ensemble des parties prenantes : il est nécessaire de préserver la solidarité territoriale en matière d'accès et de coût de l'énergie, via notamment la péréquation tarifaire.
En revanche, les collectivités pourraient acquérir un droit à l'expérimentation, mesure qui a déjà été intégrée par amendement dans le projet de loi sur la modernisation de l'action publique territoriale, lors de son examen au Sénat début juin. La synthèse des débats territoriaux estime ainsi que les collectivités pourraient être habilitées à créer des obligations nouvelles (réhabilitation des bâtiments, intégration énergies renouvelables…), comme l'a fait la ville de Barcelone (Espagne) qui impose que tout nouveau bâtiment soit pourvu d'un chauffe eau solaire. Le CNTE souhaite également dans un document de travail provisoire "rendre possible la définition de critères d'efficacité énergétique et d'utilisation des énergies renouvelables dans les PLU, les PDH et PLH, les PDU".
De même,"les collectivités organisatrices de la distribution d'énergie [doivent] jouer réellement leur rôle d'autorité concédante" et avoir accès aux données techniques, économiques, aux marges de négociation des contrats de concession, afin de reprendre en main les dossiers…, souligne la synthèse des débats territoriaux. Pour le CNTE, il faut élargir la gouvernance des opérateurs réseau et encourager les acteurs locaux dans le développement de boucles locales (réseaux de chaleur et de froid) et l'autoconsommation (à l'échelle pertinente). Mais Ronan Dantec insiste : "Il faut une planification partagée pour éviter la concurrence des réseaux sur les territoires".
La région, chef de file pour l'énergie
Justement, petit à petit se dessine l'articulation de la transition énergétique entre les territoires. Lors de l'examen du projet de loi "modernisation de l'action publique territoriale", les sénateurs ont attribué à la Région le chef de filat de la transition énergétique. Un principe qui semble partagé par l'ensemble des parties prenantes.
Une contribution, publiée par l'Association des régions de France (ARF), va dans ce sens : "Le rôle des régions en matière de planification et d'animation territoriale devrait être amplifié". Les départements pourraient, quant à eux, "développer des capacités d'ingénierie au service des collectivités rurales à faibles moyens […et] être dotés d'une compétence (préventive et curative) sur la précarité énergétique compte tenu de leurs publics cibles actuels". Une piste reprise par le CNTE dans son document de travail provisoire : la détection de la précarité énergétique et l'accompagnement des ménages précaires pourraient s'appuyer "sur l'action sociale gérée par les départements, en coordination avec le bloc communal".
Le SRCAE, document directeur ?
Il s'agit aussi de dresser un retour d'expérience de l'élaboration de ce document (méthodes et outils), laissée volontairement libre pour ce premier exercice. D'ici la fin de l'année, pourra ainsi être rédigée une feuille de route pour la deuxième génération des SRCAE, qui pourraient servir d'outils de planification territoriale de la transition énergétique.
Le nouveau SRCAE devra être plus prescriptif dans les moyens d'intervention sur "le développement des énergies renouvelables, la maîtrise de l'énergie et la lutte contre le changement climatique", souligne la synthèse des débats territoriaux. De même, certains documents doivent être adaptés ou généralisés. Ainsi, le PCET devra être renforcé et favoriser l'intégration systématique de critères énergétiques dans les documents d'urbanisme. Pour ne pas qu'il y ait chevauchement de ces plans, le groupe de travail gouvernance du CNTE estime que le bassin de vie doit être l'échelon des PCET, de l'intercommunalité aux pays ou parcs en allant jusqu'au département pour les territoires les plus ruraux.
Mais comment articuler l'ensemble ? "Il y a un besoin de planification nationale déclinée selon les spécificités régionales, estime Ronan Dantec. Mais il faut faire attention au tout "bottom up" ou au tout "top down". La programmation pluriannuelle des investissements (PPI) pourrait être déclinée territorialement par les SRCAE qui eux seraient déclinés par les PCET. Il faut actionner le duo planification (partagée et renforcée) et concertation".