Aux derniers coups de minuit ce dimanche 15 décembre 2013, le débat public sur le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de déchets nucléaires de haute et moyenne activité à vie longue s'est clôt. "Les réunions publiques n'ont pas pu se tenir compte-tenu de l'obstruction de 60 à 150 personnes", a rappelé Christian Leyrit, président de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Il rendra son bilan le 15 février prochain, annonçant d'ores et déjà des résultats chiffrés : un total de 7.500 connexions Internet en direct des neuf débats contradictoires retransmis sur le site du débat, plus de mille questions et avis postés et plus de 80 cahiers d'acteurs publiés. Après le loupé au démarrage, ce débat public s'est en effet déplacé sur la toile. Cela reste conforme au Code de l'Environnement mais interroge la notion de participation du public, comme en témoigne l'usage de pseudonymes et l'inégalité d'accès à Internet et à ses nouvelles pratiques de communication.
Après le débat virtuel, une conférence de citoyens
Ce même dimanche se terminait le premier week-end de formation de la vingtaine de citoyens recrutés par l'institut Ipsos pour plancher sur le sujet. Les conclusions de cette "conférence de citoyens" devraient s'adjoindre au bilan de la CNDP. "Ça s'est très bien passé, les formateurs sont excellents et les citoyens très contents", a déclaré Marie-Angèle Hermitte, docteur en droit et directrice de recherche au CNRS. Chargée d'en présider le Comité de pilotage, elle a précisé que ce week-end portait, entre autres, sur le processus de décision autour des déchets nucléaires, avec "un chercheur et un parlementaire, pour avancer sur le malentendu que les conclusions du débat public s'imposent au législateur".
Rare volontaire pour cet exercice le député de la circonscription concernée par le projet de Cigéo Bertrand Pancher a été débouté après avoir révélé le lieu de la rencontre contrairement aux consignes de discrétion des organisateurs. Il entendait dire "comment les recommandations faites pourront orienter la prochaine loi sur les conditions de stockage de déchets nucléaires". Il lui était demandé d'évoquer "comment le législateur réagit au principe de participation", sachant que la solution d'entreposage pérennisé, qui a émergé lors du débat public sur la gestion des déchets radioactifs avec les faveurs du public, n'avait pas été évoquée lors des discussions parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 28 juin 2006 actant la solution du stockage géologique profond.
Cette non considération de la participation du public est un argument avancé par les empêcheurs des réunions publiques du débat sur le projet de Cigéo. L'identification de liens directs et indirects entre l'Agence de gestion des déchets radioactifs (Andra), maître d'ouvrage, et certains membres du comité de pilotage et du comité d'évaluations de cette conférence de citoyens rallonge la liste.
Un Cigéo dont le coût reste inconnu…
Dans sa décision du 6 février 2013, la CNDP approuvait les modalités d'organisation du débat public "sous réserve que soient explicitées à l'occasion du débat les questions financières et l'adaptabilité du projet aux évolutions de la politique nucléaire". Cependant, le débat contradictoire virtuel organisé le 13 novembre dernier sur le thème des coûts et financements du projet de Cigéo n'a pas permis d'expliquer le constat d'écart considérable entre l'évaluation faite par l'Andra en 2005 (actualisée aujourd'hui à 16 Mds€) et le chiffre avancé par la Cour des Comptes (36 Mds€ en 2009). "La question me semble particulièrement importante parce que les citoyens ont besoin de savoir sur quoi ils s'engagent pour un projet qui va durer une centaine d'années et qui va les débarrasser, peut-être, de déchets pendant 100.000 ans, ce qui n'est pas rien", déclarait à cette occasion l'ingénieur et économiste Benjamin Dessus, président de Global Chance, avant de quitter la séance faute de dossier à contredire.
Dans le calendrier d'origine du débat, Claude Bernet, président de la Commission particulière du débat public (CPDP) sur le projet de Cigéo, avait choisi d'en débattre en bout de course, afin de laisser au maître d'ouvrage le temps de constituer un dossier sur les éléments financiers. "Je serai forcé de constater [dans le compte-rendu du débat] que, malgré la demande express de la CNDP, nous n'avons pas eu d'éléments financiers", a-t-il affirmé.
… et le financement anticipé
Vendredi 13 décembre, dans le cadre du projet de loi de Finances rectificative pour 2013 (LFR 2013), la Commission de Finances du Sénat a acté l'article 25 qui instaure une contribution au profit de l'Andra jusqu'à la date d'autorisation de création du centre de stockage en couche géologique profonde, jusqu'au 31 décembre 2021 au plus tard. Cette contribution vise à alimenter un fonds dédié non seulement aux études mais aussi aux "opérations et travaux préalables au démarrage de la phase de construction de ces installations". Elle tient compte de "la quantité estimée et de la toxicité des colis de déchets radioactifs dont la solution de gestion à long terme est le stockage en couche géologique profonde". L'adoption de la Loi de programmation sur la transition énergétique lèvera peut être l'incertitude sur les volumes de déchets concernés par le projet de Cigéo.