Lors du lancement du débat national sur la transition énergétique, l'une des premières préoccupations était d'éviter que ce débat reste confiné à un niveau expert pour impliquer au contraire le plus grand nombre de citoyens. Des initiatives ont donc été mises en place pour s'assurer que le débat reste accessible au plus grand nombre (installation d'un comité citoyen) et pour recueillir l'avis des citoyens (journée citoyenne du 25 mai, événements labellisés…). Si ce débat n'a pas emporté la société toute entière et qu'un certain nombre de citoyens ignore encore aujourd'hui qu'un tel processus est en marche, les chiffres montrent cependant que le débat a intéressé de nombreuses personnes, et pas seulement les citoyens éclairés ou déjà sensibilisés aux problématiques environnementale et énergétique.
Ces participations ont permis de souligner les ponts entre débat d'experts et citoyens (partage du constat, des enjeux, de certaines priorités) mais aussi le décalage entre une vision à long terme et parfois abstraite du sujet et les préoccupations quotidiennes du plus grand nombre.
C'est ce qui est ressorti de la réunion du conseil national du débat sur la transition énergétique organisée le 20 juin, dont la matinée était consacrée au bilan du volet participatif et citoyen.
Santé, transports et écoles, grands absents du débat
"La question de la santé publique est une des grandes oubliées du débat. On est la première génération à voir que l'espérance de vie stagne et qui vivra peut-être moins longtemps que la génération précédente. Nous ne voulons pas être la génération cobaye", a interpelé Ivan Pascaud, président du réseau français des étudiants pour le développement durable (Refedd). Ce réseau, qui participe au Conseil national sur la transition énergétique, a présenté son livre blanc après avoir mené des opérations de sensibilisation et de consultation auprès des étudiants.
Effectivement, la santé a été peu abordée dans les groupes de travail, si ce n'est à travers la fiscalité écologique, notamment le diesel, ont reconnu plusieurs membres du conseil.
"Nous avions demandé l'implication des écoles dans ce débat, mais nous ne l'avons pas obtenue. Essayons de les impliquer par la suite", a quant à lui observé Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la CFDT. "Delphine Batho a sollicité le ministère de l'Education à plusieurs reprises, sans succès, a reconnu Laurence Tubiana, facilitatrice du débat. Cela pourrait faire partie de nos recommandations : à partir de la conférence environnementale, impliquons les écoles. Et si cela ne se fait pas par le haut, il faut que nous le fassions par le bas".
Les contributions citoyennes ont elles aussi pointé du doigt une thématique très peu abordée et pourtant au cœur des préoccupations quotidiennes : les déplacements. "La question des transports prédomine, souligne en effet Thierry Wahl, secrétaire général du débat, lors de la synthèse des contributions citoyennes. Or, c'est une sujet peu abordé dans les groupes de travail". En fin de journée, une séquence de travail devait faire le point sur cette thématique. Mais répondra-t-elle aux attentes des citoyens ?
Du concret !
Car ce qu'ont souligné Maëlys Levite et Stéphane Chapman, membres du Comité citoyen, lors de la restitution finale de leurs travaux, c'est bien le fossé existant entre le débat national et leur propre perception du sujet. "On nous dit que la transition énergétique peut être une réponse à la crise. Or, on nous parle d'horizon lointain, 2050, alors que la crise, c'est aujourd'hui. Certaines propositions nous semblent aussi très institutionnelles, il faut nous parler de sujets que nous pouvons nous approprier : la formation, la consommation…". Ce qui n'a pas manqué de faire réagir Marc Jedliczka, représentant des associations environnementales : "Nous avons échoué sur ce point là. La vision à long terme ne vous parle pas et vous ne voyez pas le démarrage de la transition, alors qu'elle a déjà commencé dans certains territoires".
Là où les citoyens semblent se sentir les plus aptes à agir, c'est dans le rôle du consommateur. "Eteindre le bouton, c'est facile. En revanche, nous ne sommes pas prêts à payer plus d'impôts", explique Maëlys Levite. Encore faut-il que les freins à l'action soient levés. Comme lors de la journée citoyenne organisée le 25 mai, les participants ont souligné la nécessité d'avoir des informations fiables sur les solutions technologiques et une offre performante. "Le marché de l'électroménager n'est pas adapté à la maîtrise de la consommation, les transports collectifs parfois insuffisants ou inadaptés… Il faut aussi des incitations pour les circuits courts, les transports en commun, l'achat immobilier en zone urbaine, les produits moins énergivores…". Ils demandent également des garanties sur les compétences des professionnels et les solutions de la maîtrise de l'énergie. "Nous voulons un engagement des professionnels sur les résultats attendus et une moralisation du secteur".
Enfin, ils regrettent que "le niveau local soit très peu présent dans le débat alors que c'est là que le citoyen peut trouver sa place dans la transition énergétique".
Dans ses recommandations, le Comité citoyen demande qu'à l'issue du débat, un discours national sur la transition énergétique soit porté par le Président de la République, qu'une feuille de route soit publiée et suivie par une instance indépendante et qu'au niveau local soient signés des pactes sur les bassins énergétiques et soient installés des comités locaux de citoyens et des observatoires des bonnes pratiques. Enfin, ils considèrent comme un prérequis l'exemplarité de l'Etat, des collectivités et des entreprises.