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Une économie déconnectée des ressources
Autant dire qu'en ces temps de tourmente énergétique et économique, la contribution climat-énergie est mise au placard, ainsi que les recettes qu'elle pourrait procurer à l'Etat, alors que le groupe de travail du Grenelle avait proposé qu'une part des ressources dégagées par la fiscalité environnementale soit affectée à un fonds d'égalité sociale chargé de l'accompagnement des consommateurs en difficulté. Auparavant, dans la discussion générale sur le projet de loi entamée le 8 octobre, le ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo avait donné le ton : Le Grenelle est né de la conviction que nous entrons dans un nouveau monde. Nous avons vécu un siècle et demi dans l'illusion : celle de la profusion des ressources naturelles et des matières premières, comme l'eau et les forêts, celle d'un climat stable, d'un air sans CO2, d'une biodiversité infinie et sans cesse renouvelée. Et voici que la crise financière vient interférer avec ces constats, tout en les confirmant vertigineusement. Car ce dont il est question dans les deux crises – financière et écologique – c'est de la déconnexion absolue entre économie et ressources naturelles. Comme le souligne le philosophe Jean-Claude Milner* , les outils financiers n'ont pas d'autre but que d'allonger et de complexifier le parcours entre biens matériels et plus-value. Et lorsqu'il s'agit de reconnecter l'économie avec ses coûts écologiques réels, il est trop tard, comme en témoigne la suspension du bonus malus et le report du chantier de la fiscalité écologique, pivot du Pacte de Nicolas Hulot.
Ainsi la révolution écologique, annoncée il y a un an par Nicolas Sarkozy, risque-t-elle d'être malmenée par les soubresauts de l'économie de la déconnexion, même si certaines avancées de principe, comme le renversement de la charge de la preuve, ont été favorablement accueillies par les députés. Contre toute attente, la commission des affaires économiques a aussi accepté l'objectif de mise aux enchères progressive de 100% des quotas de CO2, qui, selon le député (Verts) Yves Cochet, rapporterait 50 milliards d'euros en 2020. Le rapporteur Christian Jacob semble peu convaincu : On peut mettre aux enchères 100 % des quotas « si le secteur le permet ». Or, on sait pertinemment que dans la plupart des secteurs, ce n'est pas possible. Mais bon, nous donnons un avis favorable parce que nous ne sommes pas sectaires . A suivre…
* Dans un entretien paru dans Libération le 8 octobre 2008.
Article publié le 14 octobre 2008