Trente millions d'euros : c'est le budget qui sera consacré à la résorption ou la renaturation de trois premières décharges littorales parmi les plus sensibles, celles Dollemard, en Seine-Maritime, celle de Fouras (Pré-Magnou), en Charente-Maritime, et celle de l'anse Charpentier, en Martinique. Cette volonté de contribuer à la lutte contre la pollution des océans avait été annoncée, le 11 février dernier, par Emmanuel Macron lors des conclusions du One Ocean Summit, à Brest. L'objectif est de traiter, dans les dix ans, les 55 décharges littorales françaises présentant, à court terme, le plus fort risque de déversement de déchets en mer. Lors d'un déplacement à Dollemard, Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, est revenue sur l'inventaire de ces sites prioritaires ainsi que sur le dispositif d'accompagnement des communes.
Le problème est conséquent. Les déchets présents dans ces décharges – renfermant par exemple des contaminants comme le plomb, du mercure, des hydrocarbures, de l'amiante ou encore des plastiques – peuvent se retrouver dans les océans après des inondations ou encore du fait de l'érosion des côtes. Car si ces décharges étaient à l'origine loin de la mer, le recul du trait de côte les a rapprochées du rivage. Les scientifiques n'ont pas encore cerné l'importance des conséquences de ces rejets, mais celles-ci s'avèrent d'ores et déjà préoccupantes. Et avec les changements climatiques, cette question devrait se poser de manière encore plus accrue.
16 000 décharges historiques connues
Ces décharges sont des héritages d'une période où les déchets ménagers et industriels étaient stockés à proximité de leur lieu de production, avant l'instauration, dans les années 1970, des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Désormais fermés ou abandonnés, ces sites historiques seraient au nombre de 16 000 en France.
Car le recensement repose sur les informations disponibles dans la banque de données des anciens sites industriels et activités de service (Casias) et certaines décharges ont pu passer entre les mailles du filet. « La couverture du territoire national par les inventaires des anciennes décharges est non homogène, pointe le BRGM sur le site Georisque. Des erreurs de localisation peuvent exister ».
Cette cartographie des décharges historiques constitue l'un des points figurant dans la feuille de route « zéro déchets plastiques en mer 2019-2025 » (2) . Une autre action du plan est en cours de finalisation : la réalisation d'un guide destiné aux autorités locales pour la réhabilitation de ces décharges littorales. Ce document devrait être publié dans le courant de l'année 2022.
Lancement d'un accompagnement de l'État
La question des décharges historiques nécessitera également des recherches sur l'évaluation et le traitement des rejets de déchets solides dans l'environnement marin-côtier, selon des scientifiques du BRGM. Ces derniers ont contribué à des travaux internationaux (3) sur la question, publiés dans la revue Frontiers in Marine Science. Les chercheurs appellent notamment à une approche multidisciplinaire reposant sur le génie côtier et la dynamique littorale ainsi que sur les sciences de l'environnement et du déchet. Ils pointent les lacunes à résorber sur la connaissance de la quantité, la nature et l'impact des déchets qui pourraient être rejetés par les sites d'enfouissement.
Autre point à améliorer : la surveillance des taux d'érosion sur les anciennes décharges et la mise en place d'outils prédictifs pertinents, mais également la réglementation ainsi que les mécanismes de financement à long terme. « Étant donné que les déchets solides persisteront indéfiniment et que le niveau de la mer augmentera pendant de nombreux siècles, la longue échelle de temps de ce problème nécessite une appréciation plus large et devrait être incluse dans la politique côtière et de gestion des déchets », estime le BRGM.