Les sénatrices Evelyne Didier (CRC – Meurthe-et-Moselle) et Esther Sittler (UMP – Bas-Rhin) ont présenté ce mercredi 20 novembre un rapport d'information consacré aux filières de responsabilité élargie du producteur (REP) et à l'écoconception.
Le bilan de la modulation des éco-contributions en fonction de critères environnementaux, imposée par le Grenelle de l'environnement, est très variable selon les filières. Mieux mise en œuvre, elle pourrait permettre de développer l'écoconception des produits, comme le montrent certaines expériences réussies en matière d'emballages ou de papier.
Des réussites dans les filières emballages et papier
"En matière d'emballages, les modulations d'éco-contributions peuvent avoir une réelle influence sur l'écoconception", constate le rapport. Pour certains contributeurs, la contribution à Eco-Emballages peut en effet représenter jusqu'à 4% du chiffre d'affaires. "On comprend bien dès lors l'intérêt pour la plupart des metteurs sur le marché d'éviter les malus prévus par le barème", relèvent les sénatrices.
Parmi les modulations prévues dans le barème d'Eco-Emballages, une majoration de 50% de la contribution totale est en effet appliquée en cas de présence de matériaux perturbateurs du recyclage dans l'emballage. Sont concernés par ce malus les emballages en verre avec un bouchon en porcelaine ou en céramique, les emballages en papier-carton "armé" ou encore les bouteilles dont le matériau majoritaire est le PET et qui contiennent de l'aluminium, du PVC ou du silicone.
Le rapport cite ainsi en exemple les résultats obtenus sur ces bouteilles : il y a quelques années, les bouteilles étaient en PET mais les bouchons étaient en PE et les étiquettes en PVC. "Grâce aux modulations des éco-contributions permises par la REP emballages, les étiquettes sont désormais en PE", se félicite le rapport.
Dans la filière papier, des résultats ont également été obtenus, avec une diminution de 15% du grammage des prospectus publicitaires depuis la création d'Ecofolio, il y a six ans. Un travail sur l'écoconception est d'ailleurs mené de longue date par l'éco-organisme, relève le rapport, en particulier sur la problématique du désencrage.
Là aussi, un baréme éco-différencié a été mis en place. Un bonus de 10% est appliqué lorsque le papier est fabriqué à partir de fibres recyclées à plus de 50%. Pour les papiers non éligibles à ce bonus, un malus de 5% est appliqué si les fibres ne sont pas issues de forêts gérées durablement. Enfin, un autre malus de 5%, cumulable trois fois, s'applique en cas de présence d'éléments perturbateurs dans la composition des papiers : teintes de la fibre, encres, colles ou éléments non fibreux.
Des critères difficiles à établir dans la filière des EEE
Dans la filière des équipements électriques et électroniques (EEE), le bilan est en revanche beaucoup plus nuancé. "La contribution y est marginale par rapport au prix total du produit", donnent pour explication les parlementaires.
De plus, les critères de modulation sont difficiles à établir pour ce type de produits. "Il y a souvent des contradictions entre les objectifs d'écoconception concernant la fin de vie, et le reste des phases du cycle de vie du produit. Un produit peu recyclable peut par exemple être un produit vertueux par ailleurs en termes de consommation d'énergie. La complexité et la multiplicité des objectifs, parfois concurrents, incitent les entreprises à faire des arbitrages, pas toujours optimaux en termes environnementaux", analyse le rapport.
Enfin, "les modulations des éco-contributions appliquées en France ne sont pas incitatives sur un produit vendu partout dans le monde", constatent les sénatrices. En effet, les fabricants localisés dans des pays lointains ne subissent pas l'effet signal-prix que constitue l'éco-contribution. "L'Europe devrait engager un travail d'harmonisation si l'on veut, à terme, encourager l'écoconception par ce moyen", estiment Evelyne Didier et Esther Sittler.
Augmenter l'ampleur des modulations
Face à ce constat en demi-teinte, que préconise le rapport ? "Si l'on souhaite que la contribution, assortie d'un éventuel bonus ou malus en fonction des caractéristiques d'écoconception du produit, ait un effet suffisamment incitatif pour que le fabricant modifie ses pratiques, il faut en faire augmenter progressivement l'ampleur", estiment tout d'abord les auteurs.
Ensuite, ajoutent-elles, il faut élargir les possibilités de modulation des barèmes à l'ensemble du cycle de vie des produits, en modifiant l'article L. 541-10 du code de l'environnement qui ne prend en compte actuellement que "l'impact sur l'environnement en fin de vie".
Cela permettrait, selon les rapporteurs, de mieux prendre en compte les contradictions pouvant exister dans les objectifs d'écoconception d'un même produit. Ainsi, "une automobile incorporant plus de métaux dans sa carrosserie sera plus facilement valorisable en fin de vie. Elle consommera cependant beaucoup plus de carburant qu'un véhicule conçu à partir de quantités plus importantes de plastiques, matière moins facilement recyclable".
L'analyse de l'ensemble du cycle de vie (ACV) devrait permettre une modulation des éco-contributions sur des critères beaucoup plus objectifs.