Dans les territoires insulaires, la gestion des déchets est toujours problématique. Charlotte Nithart et Christine Bossard, de l'association Robin des bois, se sont rendu, en avril dernier, en Guadeloupe pour faire un état des lieux de la gestion des déchets (1) et identifier les pistes d'amélioration. Pour rappel, l'engagement 175 du Grenelle prévoit de parvenir à l'horizon 2020 à une gestion exemplaire des déchets en Outre-Mer. Un objectif difficile à réaliser dans un laps de temps aussi court, mais pas impossible…
''Beaucoup a été dit et écrit sur les déchets en Guadeloupe et la situation s'est récemment améliorée. La gestion dans la ravine, c'est-à-dire le déversement dans la rivière, est en recul, de même que l'incinération ''maison'' au fond du jardin. Mais en Guadeloupe comme partout ailleurs, le déchet emprunte préférentiellement le chemin où il y a le moins de contraintes administratives et de frais'', note Robin des bois.
Si la collecte et le tri s'améliorent, d'importantes marges de progrès sont réalisables. Le traitement des déchets doit être largement amélioré : ils finissent aujourd'hui majoritairement en décharge, légale ou illégale. La France a d'ailleurs été condamnée en 2007 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour absence de mesures nécessaires pour fermer ou réhabiliter les décharges illégales ou incontrôlées (directive 75/442/CE). Sur les 16 décharges pointées du doigt, 13 sont situées en Guadeloupe. Le gouvernement a jusqu'à fin 2012 pour prendre les mesures nécessaires.
Des filières de valorisation des déchets naissantes
Prévoir la gestion des déchets post-catastrophe
Les catastrophes naturelles génèrent en un temps très court des quantités de déchets considérables (bateaux détériorés, gravats, meubles, électroménager…). Après le passage du cyclone Dean en 2007, 900.000 tonnes de déchets auraient été générés, entraînant une forte pression sur les décharges existantes mais aussi l'accumulation sauvage de ces déchets. L'association incite les élus à élaborer des plans de gestion de ces déchets post-catastrophe, afin d'identifier les procédures à appliquer et les lieux de stockage, en préparation de la prochaine catastrophe.
La collecte sélective des déchets ménagers recyclables a débuté en 2005. Robin des bois recommande d'accélérer le développement de la collecte.
La collecte des déchets industriels banals (- de 10 % seraient valorisés), des déchets verts (30 % du volume des déchets mis en décharge), des déchets du BTP, des VHU, doit être organisée, via la responsabilité élargie des producteurs, et les filières existantes (plastique, déchets verts, ferraille…) doivent être renforcées. Les éco-organismes ''n'ont mis que récemment les pieds sur l'archipel, sauf peut-être pour venir en vacances'', souligne ironiquement l'association.
La mise en place des REP doit être adaptée au contexte spécifique local. Les DEEE, par exemple, vieillissent plus vite à cause de la surtension, de l'humidité et sont donc renouvelés plus souvent qu'en métropole. Autre difficulté : les équipements électriques et électroniques sont vendus par de petits distributeurs, qui ne peuvent ou ne veulent pas prendre en charge leur fin de vie, ceux-ci finissent donc la plupart du temps en décharge, légale ou illégale.
Le problème des décharges illégales
La Guadeloupe ne produit pas assez de déchets pour que les matières premières secondaires issues de la collecte soient traitées sur place. Les matières valorisables doivent être exportées. Les coûts de transport sont dissuasifs et entraînent la recherche de solutions moins onéreuses : la mise en décharge.
Avant 2008, trois décharges étaient autorisées en Guadeloupe, mais 14 autres décharges sauvages fonctionnaient sans autorisation, totalisant près de 3,5 millions de m3 de déchets stockés (estimation BRGM), auxquelles s'ajoutent des décharges sauvages spontanées. Si la plupart de ces décharges illégales ont fait l'objet en 2005 d'arrêtés de mise en demeure de régularisation administrative ou de fermeture et de remise en état, suivis en 2008 d'arrêtés préfectoraux de fermeture définitive, la plupart de ces sites fonctionnent toujours à l'heure actuelle et aucune réhabilitation n'est aujourd'hui engagée. Etant donné qu'aucun de ces sites n'a fait l'objet de mesures de protection du milieu naturel (collecte de lixiviats et de biogaz, compactage des déchets…), un fort impact sanitaire et environnemental est à craindre (pollution des eaux souterraines, des sols…).
Robin des bois préconise une évacuation des déchets et une réhabilitation urgente de ces sites.
L'urgence : organiser la transition de Gabarre à Gabar'Belle
La Gabarre est l'une des trois décharges autorisées par arrêté préfectoral. À l'origine prévue sur 5 hectares, elle dépasserait aujourd'hui, illégalement, les 30 hectares de stockage de déchets, dont certains ont été préalablement triés et seraient valorisables. Or, le site est situé à proximité de la mangrove, et pose de nombreux problèmes environnementaux et sanitaires (dégagements d'azote, vapeurs nitreuses, ammoniac, monoxyde de carbone, acide chlorhydrique, particules fines…), bien qu'aucune étude épidémiologique n'ait été réalisée à ce jour. ''La mangrove est sinistrée, les eaux souterraines sont contaminées, la tourbe est polluée. Il y a eu une démission des pouvoirs publics jusqu'en 2002'', dénonce Charlotte Nithart.
Ce site doit être fermé le 31 décembre 2012, en vue d'une réhabilitation. Celle-ci a déjà démarré mais Robin des bois estime qu'il ''faut réévaluer techniquement ce dossier''.
Pour prendre le relais de Gabarre, un centre de tri, une unité de valorisation organique - méthanisation et compostage - et une unité d'incinération devraient être construits à proximité du site. Seulement la première pierre de l'incinérateur a été posée le 21 avril dernier, avec plus d'un an de retard. Quant à l'unité de méthanisation, ''l'ADEME a refusé de financer ce volet aux vues des incertitudes technique'', relève Charlotte Nithart. Conclusion : ''cette plateforme ne sera pas opérationnelle au 31 décembre 2012, elle aura au minimum six mois de retard. L'Etat a bien un plan B, en réorientant les déchets sur la décharge légale de Sainte-Rose, mais cette solution est inacceptable. Le gouvernement doit demander à l'UE une rallonge de six mois du fonctionnement de la Gabarre''.