
Directrice de l'USH des Pays de la Loire
Actu-environnement : En quoi les organismes HLM sont-ils bien placés pour faire avancer la problématique de gestion des déchets dans l'habitat vertical ?
Mireille Evenot : L'USH des Pays de la Loire fédère 50 organismes HLM dont l'action s'inscrit dans la durée, tant en locatif qu'en accession à la propriété. Au titre de gestionnaire des lieux, les organismes se doivent de proposer des logements attractifs, louables, avec des éléments de conforts adaptés. Ils sont vigilants à la gestion courante : présenter les déchets à la collecte, nettoyer le local, entretenir la porte… L'avantage des bailleurs sociaux, c'est qu'ils sont dans la pérennité et abordent la question des déchets de manière globale avec des implications tant financières, de gestion du cadre de vie que techniques.
AE : En matière de gestion des déchets, quel principal problème se pose à l'habitat vertical ?
ME : Le point dur, ce sont les gros volumes (cartons, encombrants) qui sont descendus des logements et doivent être stockés en attente de leur évacuation. A ce titre, l'opération "encombrants solidaires" mis en place par Atlantique Habitations et l'association Océan est d'une grande richesse. Il s'agit de sensibiliser les habitants par leurs pairs pour éviter les dépôts intempestifs, dans une dynamique de bien vivre ensemble, de lien social ; de trouver des leviers pour que chacun s'approprie son cadre de vie. En deux moments clés, la remise des clés et le départ, les organismes HLM peuvent responsabiliser les ménages, les informer de la proximité d'une déchetterie, d'un local… En habitat collectif privé, c'est plus difficile à gérer car trois acteurs sont impliqués : les propriétaires des logements, le syndic de gestion et les occupants.
AE : Comment les HLM s'adaptent-ils à l'évolution de la gestion des déchets ?
ME : En tant que propriétaire des locaux (logements, immeubles), on évolue sur la notion de confort et de mode de vie en effectuant des choix patrimoniaux. Les vides ordures dans les logements ou les parties communes étaient un élément de confort comme la baignoire dans les années 60. Mais ils posaient des questions d'hygiène et des difficultés de gestion des espaces communs compte tenu de l'augmentation du volume des déchets. Nous les avons fermés. Les locaux de réception des déchets ont été descendus et parfois sortis des immeubles pour des questions de sécurité. Il y a 200.000 logements sociaux en Pays de la Loire, dont 73% sont du collectif (146.000). Les 26% d'entre eux construits après les années 90 intègrent déjà cette modification des pratiques.
AE : Le changement de pratique est-il influencé par le statut social des occupants ?
ME : La recherche-action que nous menons avec l'Université de Nantes sur les économies d'énergie montre que les différences entre ménages relèvent avant tout de différences culturelles selon les trajectoires de vie. Autrement dit, les habitants sont très influencés par leurs expériences antérieures : collecte sélective en place ou non, nature du système de collectes sélectives.
AE : Est il possible d'impliquer l'habitat vertical à un plan de prévention des déchets mis en place par une collectivité ?
ME : Ces plans visant une responsabilisation individuelle dans la production des déchets sont nombreux dans la région. En habitat collectif, cela suppose une individualisation de la collecte des déchets. Faire avancer cette idée de réduction des volumes en habitat collectif est une nécessité, mais les collectivités ne doivent pas être dans une logique hors-sol. Pour mettre en place une redevance incitative (RI), les collectivités envisagent deux grands systèmes de collecte : par reconnaissance avec des conteneurs équipés de puce qui fait qu'à chaque ouverture vous payez, ou à la pesée, ou un mixte des deux. Même si la politique est communale, il importe que ces options soient partagées, car elles ont des conséquences notamment en terme de gestion.
AE : Avez-vous un exemple de bonne pratique à partager ?
ME : En matière de RI, le seul que je connaisse et sur lequel nous avons un peu de recul c'est celui de La Roche Sur Yon, qui a mené trois ans de réflexion en amont avant d'arrêter ses choix. La mise en place de conteneurs enterrés à l'ouverture par badge d'accès, ils l'ont d'abord testé dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine, en s'appuyant sur une forte mobilisation des acteurs locaux, des travaux sur le bâti, les espaces extérieurs et les voiries ; donc sur un questionnement de l'ensemble des usagers sur la meilleure manière d'intégrer un système de collecte des déchets dans un quartier renouvelé. Si on part d'une politique très sectorielle "Je veux changer le mode de gestion des déchets et je mets en place des changements sur le bâti et dans les pratiques", c'est plus compliqué. Ce qui compte pour les habitants, c'est qu'en sortant de chez eux, ils n'aient pas à faire un détour pour jeter leurs déchets !
AE : Quels autres exemples de pratiques vont ont inspiré durant cette journée ?
ME : Nantes Habitat a créé le métier spécifique de Correspondants de la Propreté et du cadre de vie. Cela repose sur le principe d'aller à la rencontre des ménages pour les informer de leurs droits et devoirs sur le registre de la propreté et du cadre de vie. Autre pratiques : les jardins au Septième sur la Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire consistent en la mise en place de jardins potagers avec de grands bacs de cultures dans les espaces extérieurs semi-privés des logements sociaux. Ce projet est parti de la demande d'un habitant qui voulait mettre en place un dispositif de compostage. Il a vu le jour grâce au savoir faire d'une association aidant à la pratique du jardinage, mais aussi d'une population qui a adhéré au projet.
AE : Comment intégrer dans les pratiques ces expérimentations et ces projets nouveaux ?
ME : Ces micro-projets locaux ne sont pas transposables, la problématique et les solutions n'étant pas les mêmes ailleurs. Dès lors qu'on est sur une dimension partenariale avec habitants et associations, on est plus dans la fonction d'ensemblier que dans un champ purement technique. C'est sans doute par ce biais qu'on peut créer de l'innovation, du portage collectif. L'action des HLM s'inscrivant dans la durée, on peut assurer le fil conducteur de l'histoire et du sens de ces projets sur ces bouts de villes et sur ces quartiers, avec des garanties de pérennité assurées par le gardien et le responsable d'agence.