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Déchets en mer : « La plupart des conteneurs perdus finissent au fond de l'eau »

Quand les porte-conteneurs perdent en mer une partie de leur marchandise, rares sont les conteneurs récupérés. Et souvent le contenu des boîtes est incertain. Une pollution à ne pas négliger. Détails de Nicolas Tamic, responsable d'opérations au Cedre.

Interview  |  Eau  |    |  D. Laperche
   
Déchets en mer : « La plupart des conteneurs perdus finissent au fond de l'eau »
Nicolas Tamic
Responsable d’opérations au Centre de documentation de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre)
   

Actu-Environnement : À combien sont évaluées les pertes en conteneurs chaque année ?

Nicolas Tamic : Les pertes sont difficiles à évaluer. L'industrie du transport maritime, à travers le World shipping council, estime que 1382 conteneurs sont perdus chaque année. Mais nous sommes dans un système du « pas vu pas pris ». Le Cedre avait estimé les pertes jusqu'à 15 000 conteneurs annuellement.

AE : Quels sont les types de marchandises contenues et donc la pollution associée ?

NT : La majorité des marchandises qui transitent aujourd'hui passent par les conteneurs. Au final, un joyeux mélange se promène sur la mer : des chaussettes peuvent cohabiter avec des produits chimiques dangereux. Tout confondu, 226 millions de conteneurs circulent sur les mers dont 6 millions contenant des matières dangereuses. Parmi ceux-ci, 1,3 million serait mal déclarés ou mal emballés. Les conséquences environnementales dépendent du type de matière dangereuse mais aussi de la localisation ou le conteneur a sombré… S'il se situe sur des hauts fonds, elles seront plus importantes que dans des colonnes d'eau de 4 000 mètres de profondeur, qui permettent une grosse dilution dans l'environnement.

Nous constatons depuis 2010 une stabilité du nombre de navires mais une augmentation du volume de marchandise transportée. Désormais, des porte-conteneurs peuvent transporter jusqu'à 24 000 boîtes. En Europe, nous sommes arrivés à une limite pour la taille des navires car la Manche, la mer du Nord et la Baltique sont des mers peu profondes : lors d'une météo dégradée ces navires risquent de toucher le fond marin. En revanche, les navires pour le trafic outre-Atlantique continueront à grossir.

AE : Combien de conteneurs perdus sont récupérés ?

NT : Les prix restent prohibitifs pour la récupération de ces boîtes. La plupart finissent au fond de l'eau car elles ne sont pas étanches et les produits à l'intérieur peuvent être plus dense que l'eau. Ceux que nous pouvons retrouver en surface ou entre deux eaux, sont les conteneurs qui transportent des citernes à moitié vide ou les conteneurs frigo qui disposent de couches d'isolation qui leur procurent une bonne flottabilité.

Lors de la journée d'information du Cedre du 23 mars dernier, la compagnie maritime d'affrètement CMA CGM, a indiqué que sur les 52 conteneurs tombés à l'eau en une année, 50 % ont pu être récupérés car ils se sont échoués sur les côtes. Même si la convention de Nairobi impose de récupérer les conteneurs, considérés comme des épaves, il est toutefois très rare que des armateurs partent en quête des boîtes tombées à l'eau.

Au niveau des côtes françaises, en zone économique exclusive ou dans les eaux territoriales, les préfets maritimes peuvent enjoindre à un armateur de le faire ou de mettre tout en œuvre pour récupérer les conteneurs en surface.

AE : Quelles sont les difficultés rencontrées pour récupérer les conteneurs tombés en mer ?

NT : Très souvent, les équipes du porte-conteneurs ne s'aperçoivent qu'elles ont perdu des boîtes qu'en arrivant au port.  Le contenu du conteneur peut également représenter une difficulté : l'approche ne sera pas la même pour un conteneur qui transporte du riz que pour celui dans lequel se trouvent des matières dangereuses. Il faut parvenir à identifier ce qu'il y a dans le conteneur pour assurer la sécurité de nos intervenants mais également de la population quand il parviendra au port. Tous les conteneurs présentent une plaque d'immatriculation : nous pouvons donc remonter la chaîne logistique jusqu'à l'armateur. Mais concernant la connaissance de leur contenu ce dernier ne peut se fier qu'au manifeste de chargement qui peut être complétement erroné.  Le système est déclaratif. Et il arrive très souvent que les chargeurs indiquent à l'armateur que par exemple la boîte contient 10 tonnes de bananes alors qu'elle renferme 15 tonnes d'acide chlorhydrique.

AE : Si la plaque d'immatriculation n'est pas présente et que la boîte est « orpheline » qui prend la relève ?

NT : Lorsque des boîtes sont échouées sur une plage, le maire est chargé de mettre fin au danger dans un premier temps et ensuite d'évacuer le conteneur. Si plusieurs arrivées se font sur des communes limitrophes, en général le préfet de département prend le relais ou le préfet de zone de défense en cas d'arrivée massive. En 2019, le porte-conteneurs MSC Zoé a perdu plus de trois cents conteneurs qui se sont retrouvés sur le littoral allemand et hollandais.

En 2007, nous avions travaillé sur le porte-conteneurs britannique, le MSC Napoli qui s'était volontairement échoué sur les côtes britanniques, suite à une fissure dans la coque. Plus d'une centaine de conteneurs sont tombés à l'eau et se sont ensuite échoués sur les plages. Nous avons fait un point sur le contenu de chacun. Les autorités britanniques étaient confrontées à un mouvement de pillage des habitants des communes avoisinantes. Leur but était d'assurer leur sécurité et ensuite de faire une évacuation adaptée des déchets.

AE : Outre les produits dangereux que peuvent contenir les conteneurs, ces derniers peuvent également présenter un risque à travers le traitement de fumigation qu'ils subissent contre par exemple des bactéries ou moisissures. Pourriez-vous me détailler ce point ?

NT : La fumigation est un risque à prendre en considération dès lors qu'un conteneur est retrouvé en mer ou sur le littoral car les fumigants sont des pesticides. A ce titre, les intervenants, au moment l'ouverture, doivent être doté des équipements de protection individuels spécifiques afin d'éviter toute intoxication, notamment quand le conteneur est étanche. L'identification du conteneur et de son contenu est donc particulièrement importante afin de prévenir les risques associés à la fumigation. On peut être aidé en cela si le conteneur obéit à la réglementation internationale. Il porte alors un code ONU spécifique, une classe de danger et un avertissement explicite mentionnant l'agent de fumigation utilisé, prévenant ainsi les acteurs de la chaîne logistique sur le risque à maîtriser avant dépotage.

AE : Des contrôles sont-ils réalisés pour vérifier le contenu des conteneurs ?

NT : Des contrôles par sondage sont prévus mais ils ne sont pas adaptés en nombre par rapport à l'importance du trafic mondial. Les services américains en font régulièrement :  ils constatent que pour 15 à 20 % des conteneurs, la déclaration n'est pas correcte soit du fait d'une tromperie sur le poids, ou sur leur contenu ou sur les deux.

Cette mauvaise déclaration sur le poids contribue aux accidents en mer : un conteneur qui contient 15 tonnes de matériel et pour lequel il a été indiqué qu'il en transportait cinq, ne sera pas placé au bon endroit sur le porte-conteneurs. Avec du tangage ou du roulis, les conteneurs haut placés subissent une accélération quand ils passent d'un bord à l'autre. Celle-ci est très violente : cela peut aller jusqu'à 5 ou 6 G.

5 G avec un conteneur de 15 tonnes équivaut à 75 tonnes : les systèmes de fixation ne sont pas assez costauds pour résister à des forces telles que celles-ci. Et ils finissent à l'eau.

AE : Qui sont les responsables des conteneurs tombés en mer ? Au final qui doit assumer les coûts ?

NT : La responsabilité est partagée entre les armateurs et les chargeurs. L'Organisation maritime internationale (OMI) réfléchit au problème. Des guides sont sortis pour renforcer la sécurité logistique, mieux charger un conteneur, inciter à vérifier le poids brut du conteneur. Mais tant que ce système sera déclaratif et pas plus contraignant, le problème va demeurer.

À l'occasion du prochain comité de sécurité maritime, l'OMI travaille sur l'obligation de déclarer les pertes de conteneurs. Un second axe sera de renforcer les contrôles sur les mauvaises déclarations et le troisième la traçabilité. L'OMI avance au rythme d'une organisation internationale, guidée par la nécessité d'avoir un consensus entre près de 180 membres.

Les assureurs pourraient dynamiser le processus car près de 20 % des problèmes assurantiels maritimes concernent les conteneurs. Ces derniers du fait de mauvaises déclarations peuvent générer des incendies importants à bord et par effet domino entraîner une perte totale du navire.

Réactions2 réactions à cet article

"En Europe, nous sommes arrivés à une limite pour la taille des navires car la Manche, la mer du Nord et la Baltique sont des mers peu profondes : lors d'une météo dégradée ces navires risquent de toucher le fond marin."... c'est impressionnant de lire une telle phrase... un porte container toucher le fond de la Manche!

nimb | 03 mai 2021 à 08h59 Signaler un contenu inapproprié

Donc Nantes st Nazaire devrait être optimisée mieux pour les grands porte conteneurs et utiliser au maximum les lignes de chemin de fer qui sont peu utilisées, les sociétés privées arrivent, ça changera peut être.
Ils parlent de pillages des villages voisins, c'est pas du pillage, c'est un droit millénaire de ces pays, on est vraiment arrivés dans une dictature qui détruit quand elle peut toutes les rêgles de nos anciennes civilisations.
Une épave c'est une épave, elle appartient à celui qui la ramasse, elle n'a plus de propriétaire.

pemmore | 03 mai 2021 à 13h10 Signaler un contenu inapproprié

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