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AccueilMarie-Amélie MARCOUX, Perrine VINCENT et François THERYLes déchets comme ressources des filières industrielles

Les déchets comme ressources des filières industrielles

Trois spécialistes en R&D présentent leur vision de l'économie circulaire qui doit reposer, pour assurer sa performance, sur une adéquation entre production de déchets et débouchés dans des filières de valorisation, à l'instar de matériaux tels que le ver

Publié le 26/09/2016

Face à la prise de conscience du caractère non renouvelable des ressources, l'idée d'économie circulaire est devenue un projet politique : infléchir un changement de modèle économique permettant la préservation des ressources par une optimisation de leur utilisation et une valorisation des déchets. Dans ce cadre, l'approche courante de la gestion des déchets consiste à prévenir leur production et à favoriser la part d'entre eux qui suit une voie de valorisation plutôt que l'élimination. Considérant les déchets comme des ressources potentielles pour le secteur industriel, l'association RECORD (Réseau coopératif de recherche sur les déchets et l'environnement) a souhaité montrer l'importance et l'intérêt d'une approche complémentaire, qui consiste à promouvoir l'adéquation déchets-filières.

Une démarche pour élargir les perspectives de valorisation des déchets

La démarche vise à interroger deux maillons de l'économie circulaire :

  • au niveau des déchets : quel déchet pourrait être utilisé dans une filière industrielle donnée en remplacement d'une matière première ?
  • au niveau des ressources utilisables dans une filière industrielle : quelles sont les conditions d'entrée d'une ressource dans la filière ?

Cette démarche consiste alors à vérifier, au cours d'un processus itératif, l'adéquation entre les caractéristiques du déchet et les contraintes à respecter pour l'acceptation en entrée de filière. Ceci nécessite d'une part la maîtrise du processus de caractérisation (axe 1), d'autre part l'identification des conditions d'acceptation en entrée de filière (axe 2).

Ceci conduit à porter une grande attention au déchet du point de vue de sa part valorisable, même s'il demeure essentiel de prendre en compte la présence d'éventuels indésirables, pour le procédé envisagé et l'environnement.

Démarche pour intégrer les déchets en tant que ressources dans les filières industrielles - Retour d'expérience au niveau de huit filières industrielles

Cette démarche se heurte à plusieurs difficultés : la disparité des contraintes d'acceptation qui concernent des domaines très divers, la disparité et la dispersion des informations disponibles relatives aux conditions d'entrée au sein des filières industrielles, enfin les acteurs, nombreux et de corps de métiers variés, qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble et peuvent avoir de ce fait une vision restreinte des conditions de valorisation.

Pour pallier ces difficultés, l'association RECORD a recensé les informations existantes et leur mise à disposition à ceux qui le souhaitent à travers une base de données disponible sur le site www.record-net.org/caravade/1.
En complément, cette démarche a été appliquée à huit filières couvrant des domaines variés (déchets organiques, minéraux, dangereux ou non…), présentant des disparités en termes de maturité (filières historiquement implantées, filières récentes), et représentatives de différents types d'objectifs de valorisation :
• Pour le recyclage : la fabrication de verre à partir de matière première recyclée et la fabrication de plastique à partir de matière première recyclée ;
• Pour la valorisation matière de déchets organiques : l'utilisation de coproduits et déchets de bois dans l'industrie du bois ainsi que la régénération de solvants ;
• Pour la valorisation matière de déchets minéraux : l'utilisation de matériaux de substitution en techniques routières et en cimenterie ;
• Pour la valorisation énergétique : l'utilisation de combustibles de substitution en cimenterie et la méthanisation de déchets organiques.

Pour chacune de ces filières, l'ensemble des critères prévalant pour l'acceptation ou au contraire le refus des matières au sein d'une filière donnée a été répertorié. De ce travail, deux enseignements importants ressortent.

Un accès à l'information variable en fonction du degré d'organisation des filières industrielles

Tout d'abord, selon le degré d'organisation des filières industrielles, la recherche se heurte à des enjeux et des problématiques différents, notamment en termes d'accès à l'information. Pour les filières bien implantées et organisées, il existe des cahiers des charges d'acceptation largement diffusés : les paramètres régulant l'admission du calcin dans les unités de fabrication de verre d'emballage, par exemple, sont bien définis. Pour autant, l'industrie verrière étant fortement concurrentielle, une partie des informations techniques demeure confidentielle : cahiers des charges et systèmes de qualité spécifiques qui ne sont pas libres d'accès.
Bien souvent, les critères d'acceptation issus de l'expérience des industriels ne sont pas formalisés et aucune procédure organisée ou réglementée n'est disponible. C'est le cas de la valorisation des déchets en cimenterie pour lesquelles aucun référentiel national ni guide technique n'est disponible sur le sujet. Concernant les matériaux plastiques, les paramètres et valeurs seuils d'admission sont établis dans des procédures internes, non extrapolables d'une unité de recyclage à l'autre.

Des types de critères d'admission variables selon les filières industrielles

En outre, les types de critères pour l'admission des déchets et leur importance varient selon les filières industrielles. Du point de vue réglementaire, les installations présentent souvent une liste positive de déchets admissibles qui est assortie dans certains cas de quantités annuelles à ne pas dépasser et de seuils de composition en substances indésirables et/ou polluantes (exemples : cimenteries, installations de régénération de solvants, unités de méthanisation). Ces contraintes réglementaires sont en général axées sur le caractère possiblement polluant d'un déchet.

Mais au-delà de ces exigences réglementaires, des contraintes souvent plus strictes, essentiellement techniques, sont fixées par les industriels eux-mêmes en fonction des risques de remise en cause de la qualité des produits finis ou de détérioration des équipements industriels.
• Pour certaines filières, comme la valorisation en cimenterie, ces critères techniques sont nombreux mais peuvent être évalués assez aisément. Les matériaux alternatifs peuvent être utilisés de deux manières – en tant que matériaux de substitution au cru ou comme combustible de substitution – et les critères d'acceptation et les valeurs seuils associées ne sont pas forcément les mêmes.
• Pour d'autres filières telles que la valorisation matière du bois, des critères de réintégration des coproduits et résidus existent mais n'ont pas fait l'objet à ce jour d'une diffusion large de la part de la profession.

Les critères économiques sont également souvent déterminants. Ainsi, la rentabilité d'une opération est évaluée à travers différents paramètres. En cimenterie, plus le pouvoir calorifique inférieur (PCI) d'un déchet est élevé, plus sa valorisation énergétique est rentable. De même, bien que tout solvant soit régénérable du point de vue technique, c'est le cours du marché qui détermine principalement l'intérêt d'une telle opération. Enfin, alors que le recyclage des matières plastiques est souvent perçu comme une industrie coûteuse et difficilement rémunératrice, certaines entreprises sont cependant parvenues à faire du recyclage des plastiques une activité rentable, et ce malgré la brusque chute du cours du pétrole depuis l'été 2014 qui met en difficulté la filière.

D'autre part, l'accessibilité géographique des gisements de déchets peut constituer un critère d'acceptation. L'approvisionnement en matières premières est en l'occurrence un paramètre clé pour évaluer la faisabilité d'un procédé de méthanisation : la quasi-totalité du gisement d'une unité territoriale doit être située dans un périmètre réduit, cette unité ne doit pas dépendre d'un seul apport extérieur et ces approvisionnements extérieurs doivent être sécurisés. La dimension sociétale peut enfin entrer en jeu, comme c'est le cas pour le recyclage des plastiques dans la mesure où l'acceptabilité des produits fabriqués à partir de matière recyclée est souvent prise en considération.

Une démarche à étendre à d'autres filières ?

Ce travail a montré la pertinence et l'utilité de la démarche de recherche d'adéquation entre déchets et filières industrielles. RECORD a donc souhaité diffuser ces monographies parmi les acteurs des filières concernées, pour qu'elles puissent être utilisées en vue de l'intégration effective de quantités plus importantes de déchets dans l'économie. Ainsi, l'ensemble des résultats a été publié dans un ouvrage collectif2, réalisé sous la supervision de tuteurs RECORD et qui rassemble les contributions d'auteurs d'horizons variés (industriels, enseignants-chercheurs et ingénieurs). Par cette contribution, RECORD espère attirer l'attention des professionnels et décideurs public sur cette démarche, qui gagnerait probablement à être appliquée à d'autres filières industrielles.

Avis d'expert proposé par Marie-Amélie MARCOUX, Perrine VINCENT et François THERY

1 Consulter le site Record
http://www.record-net.org/caravade/

2 Marcoux M.A, Olivier F., Théry F. (2016) Déchets et économie circulaire : condition d'intégration pour une valorisation en filière industrielle, Ouvrage sous la direction de RECORD, Editions Lavoisier, 335 p.
https://www.actu-environnement.com/librairie/dechets-economie-circulaire-12881.html

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