Le 13 décembre, à l'issue des habituelles prolongations, les représentants des 195 Etats participant à la 20ième conférence des parties (COP20) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont adopté un texte d'accord en vue de la dernière ligne droite qui aboutit à la conférence de Paris qui devra sceller un accord international en décembre 2015.
Négociées dans le cadre de la Plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP) chargée d'élaborer l'accord qui en 2020 prendra le relai du protocole de Kyoto signé en 1997, les décisions adoptées à Lima apparaissent, pour la plupart des observateurs, comme le strict minimum indispensable à la survie des négociations climatiques onusiennes. Quant au futur accord, si le texte de négociation informel a acquis un statut officiel, il reste pour l'instant très vague.
Une évaluation des contribution en octobre 2015
Les négociateurs ont décidé que l'ADP "intensifiera ses travaux" pour proposer un premier texte de négociation en mai 2015. Ce document devrait reprendre les grandes lignes du texte des deux coprésidents du groupe de travail, Kishan Kumarsingh (Trinidad et Tobago) et Artur Runge-Metzger (Union européenne). A ce stade, le document "ne préjugera pas si l'issue [des négociations] sera un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d'un commun accord ayant valeur juridique dans le cadre de la Convention-cadre et applicable à tous", selon la célèbre formule adoptée à Durban en 2011. Le texte des deux co-présidents a été inclus en annexe des décisions prises à Lima, ce qui lui confère pour la première fois un caractère officiel.
Parallèlement, les Etats sont "invités" à communiquer, "bien en avance" de la 21ème COP, leur contribution qui viendront alimenter le futur accord. Idéalement, ces contributions, devront être communiquées d'ici la fin du premier trimestre 2015 "pour les pays prêts à le faire". Elles devront être présentées de sorte à favoriser "la clarté, la transparence et la compréhension".
Les engagements proposés devront être déterminés par les pays eux-mêmes, ce qui sous-entend que de grandes divergences pourraient apparaître concernant la nature et l'ambition des objectifs. En effet, les Etats seront libres de fixer l'année de référence qu'ils retiennent pour les réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES), la période d'engagement, le calendrier de mise en œuvre, les domaines couverts, ou encore la méthode de calcul retenue. A noter enfin, que loin d'imposer quoi que ce soit, le texte exprime ici un souhait (may include).
Les contributions communiquées avant le 1er octobre 2015 seront agrégées dans un rapport de synthèse réalisé par le secrétariat de la Ccnucc d'ici au 1er novembre 2015. L'objectif sera de mesurer l'écart entre les promesses faites et l'objectif fixé à Copenhague fin 2009, à savoir limiter à 2°C la hausse de la température moyenne du Globe.
Consensus par défaut
Au-delà du contenu des décisions prises à Lima, les éléments absents du texte retiennent tout autant l'attention. Ils illustrent surtout à quel point l'année de négociation sera laborieuse. A quelques heures de la fin officielle de la COP, certains négociateurs du Like Minded Group of Developing Countries (LMDC) jugeaient préférable de reporter à janvier 2015 la clôture de la COP si certains éléments n'étaient pas pris en compte. De telles positions ne sont pas rares dans les dernières heures et, comme souvent, un accord a finalement été trouvé. Cependant, les demandes du LMDC mettent en lumière des points essentiels, aujourd'hui laissés de côté.
La coalition insistait une nouvelle fois sur la nécessité de préserver le principe de "responsabilités communes mais différenciées" qui implique que les pays responsables des émissions historiques de GES, principalement les pays de l'OCDE, agissent plus vigoureusement que les autres. A l'heure de négocier un accord impliquant tous les Etats, et non plus les seuls pays développés comme ce fut le cas avec le protocole de Kyoto, les pays en développement redoutent que l'universalité du futur accord ne se transforme en uniformité.
Autre demande du LMDC : les contributions qui seront présentées en 2015 ne devraient pas se limiter à la réduction des émissions de GES. La coalition souhaitait que soient aussi précisés les engagements en matière d'adaptation aux changements climatiques, d'aide financière en faveur des pays en développement et de transfert de technologie. Tous ces éléments apparaissent dans le texte final mais ils restent bien en retrait de ce qui est attendu en terme de contribution à la réduction des émissions. Des progrès devront être réalisés sur ce terrain particulièrement compliqué qui, par certains aspects, s'apparente à une négociation sur le dédommagement par les pays développés des pertes et dommages subis par les pays en développement.
Enfin, dernier détail important, ces pays ne voulaient pas d'un texte "parachuté" dans les dernières heures des négociations et présenté comme "à prendre ou à laisser" au motif que le temps presse. Ils ne voulaient pas non plus de conciliabule de dernière minute mettant aux prises deux ou trois pays ou groupes de pays "capables d'inventer des mots sur le champs pour emporter la décision". Selon cette coalition, de telles démarchent aboutissent à un consensus par défaut, qualifié de "non démocratique". Or, de tels rebondissements se répètent systématiquement dans les dernières heures des négociations climatiques et aboutissent, année après année, à des accords a minima quand, selon le Giec, il conviendrait d'accélérer la lutte. En 2009, l'accord adopté à Copenhague est l'exemple type du texte "à prendre ou à laisser" négocié loin des regards par quelques acteurs importants, au premier rang desquels les Etats-Unis et la Chine. En 2011, l'adoption de la plateforme de Durban, qui prévoit la signature d'un accord global fin 20105, a été marquée par le "regroupement" de l'Union européenne et l'Inde qui ont forgé en quelques minutes une formule des plus alambiquées pour définir le futur accord climatique international : un "texte convenu d'un commun accord ayant valeur juridique".
Si le LMDC n'a pas bloqué la décision finale, il a cependant bien mis en lumière les silences du texte sur certains aspects essentiels des négociations, ainsi que les failles d'un processus démocratique qui d'accords a minima en accords a minima n'a guère progressé depuis la conférence de Bali en 2007 à l'occasion de laquelle a été lancé le processus de négociation d'un nouveau traité international.