C'est une somme sans précédent sur l'état de la biodiversité mondiale et les contributions apportées par la nature qui est dévoilée ce vendredi 23 mars. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES), réunie à Medellin en Colombie pour sa sixième session plénière, a adopté quatre rapports d'évaluation couvrant respectivement les Amériques, l'Asie et le Pacifique, l'Afrique, l'Europe et l'Asie centrale. C'est-à-dire la planète entière, à l'exception des pôles et des océans.
En cause ? Des facteurs déjà bien identifiés : surexploitation et utilisation non durable des ressources naturelles, pollution de l'air, des terres et des eaux, impact des espèces exotiques envahissantes, changements climatiques... Facteurs qui ramènent tous à la trop forte pression exercée par l'activité humaine sur les ressources de la planète.
Dépendants des importations nettes de ressources naturelles
Le rapport dédié à l'Europe et à l'Asie centrale pointe l'intensité croissante de l'agriculture conventionnelle et de la sylviculture qui entraîne un déclin de la biodiversité. Les systèmes traditionnels d'utilisation des terres et la perte des connaissances et pratiques associées sont généralisées. Les subventions visant à stimuler la croissance dans les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l'extraction des ressources naturelles aggravent les conflits d'usage sur les terres au détriment des utilisateurs traditionnels.
Les chiffres rapportés par les chercheurs donnent le tournis : la disponibilité de l'eau par habitant a diminué de 15% depuis 1990, 25% des terres agricoles de l'UE sont touchées par l'érosion des sols, 51% des zones humides ont disparu depuis 1970, 73% des habitats d'eau douce de l'UE présentent un intérêt de conservation défavorable, 42% des espèces animales et végétales terrestres sont identifiées comme étant en déclin au cours de la dernière décennie, 27% des espèces marines et 66% des habitats marins sont dans un état de conservation défavorable.
L'empreinte écologique est de 5,1 hectares par habitant en Europe occidentale alors que la biocapacité de la région est de 2,2 hectares. "Les habitants de la région consomment plus de ressources naturelles renouvelables que la région n'en produit", alerte Markus Fisher, co-président de l'évaluation régionale. Ce qui signifie que les Européens de l'Ouest dépendent des importations nettes de ressources naturelles renouvelables.
Découpler croissance économique et dégradation de la biodiversité
La réalisation des objectifs d'Aïchi et des objectifs de développement durable est donc en péril, même si le rapport souligne des progrès régionaux en terme de superficies protégées et de prise en compte de la biodiversité par la société. L'évolution est en revanche pointée comme négative pour la préservation des connaissances locales, la répartition équitable des services écosystémiques et la sécurité d'approvisionnement en eau.
"Les meilleures données disponibles rassemblées par les meilleurs experts mondiaux nous conduisent à une conclusion unique : nous devons agir pour arrêter et inverser l'utilisation non durable de la nature. A défaut de quoi, nous mettrons en péril non seulement l'avenir que nous voulons, mais même les vies que nous menons actuellement", conclut le président de l'IPBES Robert Watson. "Heureusement, les preuves montrent également que nous savons comment protéger et restaurer partiellement nos actifs naturels vitaux", ajoute-t-il. Les rapports mettent ainsi en avant l'augmentation de 17% entre 1970 et 2010 des zones clés pour la biodiversité dans les Amériques ou encore le rétablissement d'espèces menacées en Afrique dans de telles zones.
Mais au-delà de la protection de certaines zones et des espèces qui y vivent, c'est tout un système qu'il faut changer. Comment y parvenir ? En découplant croissance économique et dégradation de la biodiversité, soutient le rapport. "Un tel découplage n'a cependant pas encore eu lieu et nécessiterait des changement profonds dans les politiques et les réformes fiscales au niveau mondial comme national", relève l'IPBES.