Le 9 mars, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a annoncé la découverte de deux nouvelles fissures sur des portions du circuit d'injection de sécurité (RIS) du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime) et du réacteur 3 de Cattenom (Moselle). Ces fissures ont été découvertes à l'occasion des contrôles effectués par EDF sur des portions du RIS déposées et remplacées dans le cadre des réparations entreprises depuis la découverte des défauts de corrosion sous contrainte.
Ces fissures sont relativement importantes : une longueur 57 mm, soit près de 10 % de la circonférence, et une profondeur maximale de 12 mm, pour celle de Penly ; et une longueur de 165 mm, soit environ le quart de la circonférence, et une profondeur maximale de 4 mm, à Cattenom. Surtout, elles posent un nouveau problème : elles n'ont pas été causées par la corrosion sous contrainte, comme attendu, mais par un phénomène différent appelé « fatigue thermique ». L'occasion de faire le point sur les problèmes de fissuration qui empoisonnent la vie du parc nucléaire depuis près de dix-huit mois.
Un phénomène découvert en 1998
Tout débute en 2021, lors de la visite décennale du réacteur 1 de la centrale de Civaux (Vienne). À cette occasion, EDF réalise des contrôles pour déceler d'éventuels défauts liés à la fatigue thermique. Ce phénomène est lié aux variations de température qui entraînent des alternances répétées de dilatations et de contractions du métal, sans que ces mouvements puissent se faire librement.
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) rappelle que le problème est découvert en mai 1998 lors d'une maintenance de Civaux 1. « Une fuite d'eau importante – 30 m3 par heure – est apparue sur l'une des deux voies du circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) », explique l'Institut, précisant que « l'examen a révélé une fissuration de la soudure d'un coude en acier inoxydable dans une zone de la tuyauterie où se mélangent des eaux chaudes (180 °C) et froides (20 °C) ».
Par la suite, les examens ont montré qu'il s'agit d'un problème générique, puisque « toutes les tuyauteries examinées présentaient des fissurations ». Depuis, un protocole de contrôle par ultrasons des zones sensibles a été mis en place. Il tient compte de l'écart de température entre fluides chauds et froids et des durées de sollicitations répétées des tuyauteries.
Une stratégie de contrôle à revoir
Vingt ans plus tard, en octobre 2021, et toujours à Civaux 1, ce protocole de contrôle par ultrasons met à jour un problème différent : des fissurations par corrosion sous contrainte au niveau des soudures des coudes de la tuyauterie raccordant le RIS au circuit primaire principal. Cette fois-ci, le souci est lié à la corrosion du métal du fait d'une contrainte mécanique combinée à un milieu agressif. Et, comme en 1998, cette découverte constitue une surprise, puisque l'acier inoxydable à faible teneur en carbone employé était censé garantir l'absence de corrosion.
Au fil de l'année 2022 et des examens, EDF et l'ASN arrivent à un consensus : ce problème de corrosion est essentiellement lié à un défaut de conception des circuits affectés. Le nombre important de coudes, en particulier, est pointé du doigt.
Aujourd'hui, deux événements récents ébranlent ce qui était présenté comme des certitudes. En début de semaine, l'ASN a annoncé la découverte d'une fissure particulièrement importante sur une portion de tuyauterie considérée jusqu'à maintenant comme non sensible à la corrosion sous contrainte. Et aujourd'hui, ce sont deux fissures par fatigue thermique qui reviennent à la Une. En conséquence, l'ASN demande à EDF « de réviser sa stratégie pour tenir compte de ces nouvelles informations ». Celle-ci venait d'être validée en juillet dernier.